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American Catholic Council

à Detroit, du 10 au 12 juin 2011

Vittorio Bellavite
Publié dans Bulletin PAVÉS n°28 (9/2011)

Nous avons décrit dans notre bulletin précédent le projet de mobilisation lancé par IMWAC et le Réseau Européen Églises et Libertés en vue du 50e anniversaire du Concile Vatican II. Les États-Unis ont une longueur d’avance sur nous, puisqu’ils viennent de tenir leur premier ‘Concile national’, tout à fait alternatif évidemment, et qui a rassemblé près de 2000 participants. Huit délégués de nos réseaux européens nous y représentaient.

En 1976, un grand congrès de l’Église catholique américaine s’était tenu à Detroit en présence du cardinal Dearden, évêque de la ville et président de la conférence épiscopale des États-Unis : 1300 délégués et 1000 observateurs participaient à cette rencontre. Le thème en était "Call to Action. Appel à l’Action" : on y avait fait de grands projets pour le renouvellement de l’Église, en précisant que beaucoup de recommandations du Concile Vatican II étaient dans la ligne des droits et des engagements des États-Unis (qui célébraient alors leur 200e anniversaire). Aujourd’hui ces grands projets sont en panne ; les évêques progressistes ont été remplacés par d’autres plus conformes aux idées du Magistère ; la pénurie du clergé et le scandale de la pédophilie [et beaucoup d’autres problèmes], ont changé le paysage du catholicisme américain.

En réponse aux difficultés venant des "structures", des groupes de base se sont développés en toute indépendance de la hiérarchie, en se référant explicitement au Concile Vatican II, semblables aux organisations que nous connaissons en Europe. À la fête de la Pentecôte à Detroit, ces organisations ont tenu leur "Concile Catholique Américain" (ACC) avec une référence explicite à la rencontre originelle d’il y a 35 ans, non seulement quant au contenu mais également dans la même ville, au même centre de rencontre et avec un nombre semblable de participants (environ 1800), venus de partout aux États-Unis.

Si l’on compare cette rencontre avec celle de 1976, il y a une différence radicale : la hiérarchie est absente, distante et hostile ! L’évêque de Detroit, Allen H. Vigneron, a invité les catholiques du diocèse à ne pas participer à la rencontre, déconseillant surtout aux prêtres de participer à la célébration eucharistique finale, avec la menace habituelle de sanctions disciplinaires. Les principaux groupes organisateurs ont appris à ignorer les menaces : ce sont Voice of the Faithful (né à Boston avec le scandale de la pédophilie), Future Church (engagé dans la question des ministères, particulièrement des femmes), Call to Action, et Corpus (une association de prêtres mariés).

La rencontre a commencé le vendredi 10, et était bien organisée, alternant des réunions des participants en 19 ateliers sur toutes sortes de thèmes touchant au catholicisme "conciliaire". En outre, 27 "groupes d’action pour la réforme" ont cherché quelles modalités pratiques inventer pour de futures initiatives possibles. Les intervenants étaient tous très efficaces et passionnés. Le plus célèbre Matthew Fox, théologien et auteur qui a écrit 95 thèses affichées à la cathédrale de Wittenburg, la soeur bénédictine Joan Chittister, auteur de nombreux livres, bien connue dans le monde laïc et également en Europe, Anthony Padovano, de Corpus et en contact avec nos réseaux européens. Une interview filmée avec Hans Küng a montré que ce Concile était très proche de ce qui se passe en Europe. Une attention particulière pour la théologie de la libération a été apportée par l’intervention de Jeanette Rodriguez, qui enseigne à Seattle, mais est d’origine équatorienne.

Ce qui nous a étonnés nous, Européens, c’est la déclaration forte et explicite d’appartenance à l’Église catholique, dans une situation où, par déception et par intérêt, il serait facile de trouver d’autres dénominations chrétiennes, ou même de nouvelles églises indépendantes, y compris celles qui se donnent le nom de vieilles catholiques. Ce lien demeure et tend à s’exprimer dans de durs reproches faits aux structures ecclésiastiques d’avoir abandonné le Concile Vatican II et sa ligne, ce qui les met quasiment en-dehors d’une position vraiment évangélique. Les relations avec leurs évêques sont quasi inexistantes. Les évocations du pape Jean XXIII, par exemple, sont très fréquentes et la liberté d’expression contre le Vatican fait partie d’une attitude répandue, même en Italie.

L’axe principal des rapports et des interventions s’est concentré principalement sur le problème de la démocratie dans l’église, ou plutôt son absence dans bien des aspects des soucis personnels des fidèles, dans la "distribution" des sacrements, l’organisation et la réalisation de la charge pastorale et des activités d’éducation. Il n’est pas difficile de supposer que cette attention prioritaire est liée aux droits de l’individu, qui sont inscrits dans l’ADN des gens aux USA. Il est inévitable que les paroisses et les diocèses avec leur système hiérarchique et autoritaire et leur approche "du haut vers le bas" se heurtent aux laïcs.

Le moment clé du Concile fut la proclamation de la "Déclaration catholique des Droits et des Responsabilités". Ce rapport avait été préparé l’année dernière par une centaine de réunions dans tous les états et ce texte, approuvé par acclamation lors de la rencontre, est encore considéré comme un texte en marche, sujet à d’autres additions. La lecture des dix points de la Déclaration et du texte d’introduction démontre on ne peut mieux, la sensibilité de ce Concile et du catholicisme dans ce secteur. Bien sûr, la question de la justice sociale est tout juste évoquée au dernier point ("justice sociale dans le monde") et il n’y a aucune référence explicite au problème de la paix et de la guerre (dans un pays qui est continuellement en et a des bases militaires partout dans le monde). Ceci me semble, à moi, une omission. La participation des femmes au Concile était apparemment dominante, mais il y avait très peu de jeunes et les Latinos étaient sensiblement absents (ils sont pourtant la nouvelle contribution à l’église catholique dans les états sudistes des États-Unis).

La messe du dimanche a conclu la rencontre. Le rythme de la liturgie n'était pas très différent du modèle rituel traditionnel (la prière habituelle pour le pape et l’archevêque du diocèse ont même été dites !). Mais l’homélie a été faite par une femme et les chants et les prières ont créé une atmosphère intense et participative. Les 1500 participants portaient tous une large étole rouge, symbole du sacerdoce commun des fidèles, avec ces mots : "Viens Esprit-Saint, remplis les coeurs de tes fidèles et allume en eux le feu de ton amour".

Il y avait une délégation européenne de neuf personnes, deux Anglais, trois Hollandais, deux Allemands et deux Italiens, comme convenu à Barcelone en mai dernier lors de la réunion conjointe du Réseau Européen Églises et Libertés et de IMWAC (Mouvement International Nous Sommes Église). Ces deux réseaux, qui ont des buts complémentaires et agissent d’une façon coordonnée, établissaient ainsi ensemble et pour la première fois d’une façon officielle des rapports avec des organisations outre-mer. Notre délégation a été accueillie cordialement. L’intervention de Christian Weisner, d’Allemagne, porte-parole de notre délégation, fut chaleureuse. Cette sympathie mutuelle évidente est motivée non seulement par notre proximité d’analyse et d’objectifs dans l’église, mais également par le consensus croissant, et maintenant partagé par l’American Council, pour le projet "Council 50 : a new aggiornamento" lancé en Europe en 2008 par les deux réseaux mentionnés et qui veut commémorer l’anniversaire (le 11 octobre 1962) et la conclusion (le 8 décembre 1965) du Concile Vatican II. Le projet prévoit de conclure avec une rencontre globale à Rome en décembre 2015. Nous avons l’intention non seulement de coordonner les nombreuses initiatives déjà lancées, mais de réveiller ensemble la révolution qui était à l’œuvre au Concile grâce à une réflexion sur ses promesses et sa vision non encore réalisées. Et même davantage, à la lumière des nouvelles situations auxquelles doit faire face l’église d’aujourd’hui.


Vittorio Bellavite (Noi Siamo Chiesa - Italie)

Notes :

traduction : P. Collet ; texte anglais sur www.we-are-church.org/

voir aussi en français le rapport des Canadiens :  http://www.culture-et-foi.com/nouvelles/articles/philippe_crabbe_ACC_detroit_2011.htm





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