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Vivre l’Évangile aujourd’hui, en Belgique

Jacques Vermeylen
Publié dans CEM n°93 (12/2011)

En bref, il s’agit dans cet exposé de répondre à la question :

« Pourquoi des communautés chrétiennes (de base) pour vivre l’Évangile là où elles se trouvent ? »

1. Vivre

Tout d’abord, il importe de vivre. C’est vrai pour tous les humanismes, mais aussi pour l’humanisme chrétien.

Le sens du baptême peut s’exprimer ainsi : « Vis ta vie ! Vis-la avec générosité et intensité, avec confiance et audace ! Ta vie vaut la peine, et tu ne seras pas seul. » Non pas survivre, non pas vivoter, mais vivre, avec tout le dynamisme, toute la force de ce verbe.

Sur cette terre, deux grands traits caractérisent le vivant :

a. Il dispose d’une membrane autour de la cellule

- Cette membrane est assez solide pour marquer une séparation avec ce qui entoure… et tenir ensemble tous les éléments de la cellule. En d’autres termes : être soi-même, avoir de la consistance, faire l’unité de sa vie. Ne pas être seulement un comme tous les autres, dans le troupeau.

- Mais cette membrane doit être perméable, pour donner et recevoir. La cellule a besoin du monde extérieur ; elle doit aussi éliminer ce qui n’est plus utile. Être en relation avec les autres et avec la nature, dans la réciprocité

b. Le vivant est  par ailleurs marqué par la mortalité et par la transmission.

- Ce qui est né mourra nécessairement. Sur cette terre, nous sommes éphémères, nous ne faisons que passer. Notre mort est programmée dès notre naissance. C’est aussi vrai pour tous les groupes et toutes les institutions.

- Mais le vivant est aussi ce qui se reproduit. La vie ne finit pas avec l’individu ; elle se transmet à un nouvel individu, qui sera lui-même et donc différent. D’où l’importance de la filiation et aussi de la transmission de ce qui nous fait vivre, même si ce sera désormais autrement. 

Le premier impératif qui s’impose à toute communauté chrétienne, c’est donc : vis ta vie, sois vivante ! Dieu est le Vivant ;  il veut que nous soyons des vivants. Cela passe avant toute mission fonctionnelle. Cela inclut :

- Oser être soi-même, suivre le chemin qu’il nous paraît bon de suivre, quels que soient les obstacles ou le regard des autres. Ne pas faire l’original pour le plaisir de se faire remarquer, mais vivre en cohérence avec ce que l’on croit profondément.

Cela implique de savoir qui je suis, de connaître mon vrai désir profond. Ce n’est pas facile pour l’individu et moins encore pour un groupe. Il faut pour cela prendre le temps de se parler, de s’expliquer, de s’interpeller jusqu’à ce qu’ensemble on puisse voir plus clair. Et c’est toujours à reprendre !

- Mais il faut encore ne pas agir seul, mais en communion avec les autres communautés, celles qui nous précèdent (la Tradition), celles qui nous entourent (le sens de l’Église), en cercles concentriques. Avec toute la famille humaine, dans son immense diversité.

- En se sachant mortel comme communauté, sans perdre pour autant la joie de vivre. D’autres prendront la relève, autrement. 

Vivre de cette façon, ne serait-ce pas cela le bonheur ?

2. L’Évangile

Oui, vivre, mais pas n’importe comment ! Rappelons-nous cette affirmation de Pierre : « A qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ! »

Je cite ici la pensée de Dominique Collin : « Le christianisme est une mémoire vivante et agissante : nous n’avons pas à le créer de rien, mais à l’inventer ou à le réinventer à partir de l’expérience première. »

Ainsi, les communautés du premier siècle ont dû inventer leur vie !

Cela s’est traduit dans de grandes différences entre Jérusalem, Antioche, les communautés pauliniennes… Mais toutes disent vivre du Christ ressuscité.

Les Évangiles et tout le Nouveau Testament témoignent d’une expérience communautaire, d’une vie rude mais intense, cohérente, dans la lumière d’une relation chaleureuse, d’une immense confiance, d’une audace…

Cette expérience culmine dans l’événement pascal et la présence du Ressuscité, qui donne la puissance de son Esprit.

L’agir de Jésus

- Il annonce le Règne (ou le Royaume) de Dieu, c’est-à-dire un avenir de bonheur collectif, pour toute l’humanité. Jésus franchit la frontière qui sépare pécheurs et fidèles observants de la Loi.  Ce qu’il propose concerne toute l’humanité, juifs et non juifs.

- Jésus guérit les malades et chasse les démons. Cette tâche est si urgente, qu’il l’accomplit même le jour du sabbat. Là où il passe, « les aveugles voient, les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nou­velle est annoncée aux pauvres » (Mt 11,5). Cette activité montre que Jésus est bien celui qui ouvre le Royaume de Dieu : il l’annonce par sa prédication, et, en même temps, il en donne les signes. En guérissant les malades, il fait ce qu’il dit : il fait reculer le malheur, il rend heureux du bonheur des Béatitudes. Ne serait-ce pas cela, la santé au sens fort : non seulement l’absence de maladie, mais aussi l’harmonie d’une vie intense, pleine de sens, d’une existence en relation avec autrui, une vie qui peut être rude, mais qui, en définitive, est heureuse parce que cohérente ?

- Il a vis-à-vis de tous un regard d’estime et de confiance.

- Il révèle au malade sa dignité  et permet la réconciliation avec soi-même  qui permet de se découvrir capable du meilleur.

- Il facilite la réinsertion dans un réseau humain, mais sans embrigader.

- Il révèle le vrai visage de Dieu, à l’opposé du  « Dieu pervers ».

- Il guérit le corps social en réintégrant les exclus

- Il constitue une équipe, qu’il associe à sa tâche et qu’il initie à sa mission « pour être avec lui et pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons » (Mc 3,14-15).

La mission de l’Église

Corps du Christ, la communauté chrétienne n’a qu’une seule mission : continuer pour des temps nouveaux et sur la terre entière ce que Jésus a commencé en Palestine. Lorsqu’il rassemble une communauté de disciples, c’est pour  les associer à sa propre tâche, avec un double ministère de parole et de guérison.

Dans l’Évangile en effet, les disciples font ce que faisait Jésus, et les Actes des Apôtres racontent les guérisons opérées par les apôtres, par Philippe et par Paul. Là où les disciples de Jésus passent, l’homme paralysé ou alité est rendu à sa liberté (Ac 3,1-10 ; 9,32-34 ; 14,8-10), celui qui est torturé par un esprit impur en est délivré (5,16 ; 8,7), celui qui était mort retrouve la vie (9,36-43).

Les disciples agissent par l’Esprit de Jésus, et les miracles qui leur sont attribués ressemblent d’une manière frappante à ceux du Maître.

Le sourd-muet, l’aveugle, le lépreux ? Le livre des Actes et les lettres de Paul ne racontent pas la guérison physique de ces personnes. Et pourtant ! Ces écrits ne disent-ils pas comment des gens terrorisés reçoivent des langues de feu et se mettent à annoncer le Christ vivant (cf. Ac 2), comment l’homme aveuglé est illuminé par la lumière du Ressuscité (cf. Ac 9), comment la séparation entre le pur et l’impur est abolie, de telle sorte que Juifs et païens font partie d’une même Église (cf. Ac 10) ?

Il y a là une transposition, qui invite à d’autres transpositions pour la vie ecclésiale d’aujourd’hui. Vivre en communauté chrétienne doit faire du bien à ceux qui sont concernés. Mais qu’est-ce qui, dans notre société, paralyse et abaisse les personnes ? Quels sont les démons intérieurs qui les tiennent en esclavage ? Au-delà de la lèpre physique, en voie d’élimination, quelles sont les lèpres sociales ou morales (racisme, exclusions de toutes sortes) qui rongent notre culture ? 

3. Aujourd’hui, en Belgique

Notre société en 2011 est post-chrétienne, avec une mémoire lourde, avec du ressentiment ; les générations plus jeunes s’intéressent peu au christianisme, tout en ayant soif de « spiritualité ».

C’est une société ultra-libérale, pour le meilleur et pour le pire, avec une forte désindustrialisation et une réelle dualisation.

C’est une société multiculturelle, avec toutes les questions que cela suscite.

Notre monde souffre d’une sorte de dépression collective, avec un sentiment que tout ira plus mal… Peu d’espérance !

La question se pose alors de savoir quels sont les critères de « qualité évangélique » pour les communautés ?

- Elles devront être un lieu de « bonne santé », où on peut éprouver ensemble un bonheur ; un lieu d’accueil de tous, « en vérité » (y compris les sans-papiers, le Quart Monde…)

- Être aussi un lieu de communion plus large (communion ecclésiale), quitte à s’interdire ce qui mettrait cette communion en danger ?

- Être enfin un lieu d’ouverture au monde, à la société réelle.


Jacques Vermeylen


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