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Passons ailleurs pour tout sauver!

Une présentation du dernier livre de Bellet « Translation »

Myriam Tonus
Publié dans SONALUX n°79 (1/2012)

Depuis un demi-siècle et autant de livres, Maurice Bellet construit une œuvre de pensée au croisement de la théologie autant que la crise actuelle du christianisme qui ont inspiré son dernier ouvrage : Translation, sous, de la philosophie et de la psychanalyse. Prêtre de 88 ans, il a traversé bien des turbulences historiques et ecclésiales, qui n'ont fait qu'attiser sa passion pour ce qui touche l'humain et le divin.

C'est cet amour de la Parole -titré : Chrétiens (ou non), passons ailleurs pour tout sauver ! La translation dont il est ici question n'est évidemment pas celle des reliques, mais bien l'opération géométrique qui consiste à déplacer un objet de A en B, sans qu'il ne perde aucune de ses propriétés. Ou encore la traduction que ce mot désigne en anglais : dire le sens juste, mais en n'hésitant pas à changer la langue.

Il s'agit donc bien d'un travail! Et un travail urgent, estime Bellet. En effet, les croyants s'enlisent encore trop dans des querelles liées à la modernité, alors que nous sommes dans une société qui est passée au-delà : on parle désormais de post-modernité, sans pouvoir d'ailleurs préciser autrement de quoi elle est faite. La modernité a été marquée, dans le christianisme, par les tensions entre l'Eglise et le monde. Deux courants en sont issus, qui continuent de s'affronter. Schématiquement : d'un côté, les partisans d'une adaptation du contenu de la foi à ce que le monde peut en accepter; avec le risque, estime l'auteur, de l'affadir, de le réduire à un humanisme vague et consensuel. On trie, on choisit, on élimine, l'Evangile devient audible... mais perd une bonne part de sa puissance subversive. De l'autre côté, on restaure, on se crispe sur la lettre, on ne concède rien à l'esprit du monde, on ramène les vieilles formules... et l'Evangile ne parle plus qu'à celles et ceux qui sont convaincus d'avance. Match nul. Grand perdant : le souffle de la Parole vive.

C'est pourquoi il y a désormais urgence de penser. D'opérer une vraie translation, qui ne soit pas un simple coup de badigeon, mais bien une recherche du sens tel qu'il peut se donner à entendre aux hommes et femmes d'aujourd'hui, qu'ils soient ou non croyants. Cela suppose une véritable inversion du mouvement : plutôt que de partir de ce qu'on appelle "Dieu" et tout ce qui s'y rapporte, Bellet propose une démarche qui s'apparente à celle de la psychanalyse : d'abord écouter l'humain, dans toute son épaisseur, toute sa complexité. Et si l'on écoute la Parole, ce sera dans cette même attitude: sans présupposé (entre chrétiens, on a si vite tendance à parler "dans la bulle"...), sans savoir, en consentant à ce que des pans entiers demeurent dans l'opaque. C'est alors que la Parole a chance de parler vraiment et d'être entendue, parce qu'elle est parole écoutante, parole donnante. C'est là le principe de la "relativité relationnelle" : une parole ne fait sens qu'à partir de ce que vit celui/celle qui l'entend. De quoi repenser, évidemment, les perspectives de la catéchèse, de l'annonce, de la transmission de la foi…

Cette recherche de pensée invite alors aussi à se mettre dans une écoute fine de ce que peuvent signifier des expressions telles que : jugement dernier ou grâce ou rédemption. Encore une fois, il ne s'agit pas de les accommoder de telle sorte qu'elles ne nous dérangent plus, mais d'arriver à les entendre de telle sorte qu'on puisse les habiter dans le "principe évangile" : ce ne peut être qu'une heureuse annonce, qui nourrit la vie en l'être humain. Cela appelle la plus grande humilité, et une fidélité qui n'est pas répétition, mais volonté de sauver un trésor.

Le livre de Maurice Bellet pourra faire sourciller les amoureux du catéchisme tout autant que les nostalgiques de Vatican II. C'est qu'il nous emmène ailleurs. Devant, plus loin, toujours plus loin. Celles et ceux qui ont lu « Dieu, personne ne l'a jamais vu » liront « Translation » comme le déploiement de la pensée qui s'exposait là de façon très serrée. Depuis un demi-siècle et autant de livres, Maurice Bellet construit une pensée qui tire sa cohérence de ses approfondissements successifs. C'est là sa richesse, mais aussi sa difficulté. Il n'est pas trop tard pour reprendre au début : un de ses éditeurs se propose de réimprimer l'un des tout premiers ouvrages « La force de vivre ». Motif : il est toujours demandé !


Myriam Tonus


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