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Ne laissons pas mourir l’Église.

Foi chrétienne et identité catholique, de Paul Löwenthal

Jean Debelle
Publié dans Bulletin PAVÉS n°30 (3/2012)

Les catholiques déçus de leur Église peuvent se répartir en trois groupes :

- ceux qui partent en claquant la porte ou sur la pointe des pieds,

- ceux qui, peut-être par tempérament, se taisent, plus ou moins soumis,

- ceux qui « restent », par fidélité à leur compréhension des Évangiles, quitte à dire haut et fort leur désaccord sur divers aspects de cette Église dont ils sont.

Paul Löwenthal [1] appartient clairement à cette dernière catégorie ; parce qu’on ne peut pas être chrétien seul, sans lien avec une communauté, et même si on a le souci de réformer cette Église (p. 101).

On ne peut être chrétien et catholique qu’à partir d’une « adhésion libre par une conscience libre » ; c’est ce qui fonde sa démarche comme le fut d’ail-leurs celle du professeur d’université qu’il fut, très attaché comme tous ses collègues, à « la liberté académique ». Il apparaît comme un croyant autonome et responsable, déterminé, vigoureux, optimiste et constructif, tout en reconnaissant la multiplicité des chemins possibles dans la recherche de Dieu en Jésus-Christ.

Je ne vais pas ici livrer avant tout une sorte de résumé complet de son livre, mais plutôt tenter de relever divers points qui me semblent saillants dans cette problématique très actuelle, saillants tant quant au contenu que par rapport à un langage relativement nouveau.

Avant d’en venir au contenu de l’ouvrage, signalons encore tout d’abord son style : clair, simple, direct, comme dans une sorte de conversation avec le lecteur. Avec, en outre, un sens remarquable de la formule.

En fait, l’auteur réfléchit tout haut ; le lecteur peut suivre sa pensée, ses raisonnements, dans tous ses méandres ;  ce qui  parfois entraîne longueurs, lourdeurs et répétitions.

Je relève aussi sa très large documentation et son attention aux divers courants actuels, tant au sein du monde chrétien que parmi les courants athées.

De façon très pédagogique, l’auteur structure son livre en quatre parties chapeautées chacune par un verbe : annoncer, affronter, dénoncer, édifier. Refaisons avec lui son parcours, en reprenant ses propres mots autant que possible.

Annoncer

Dans sa présentation de la foi chrétienne, l’auteur se sent davantage proche de l’ « horizontalisme » que du « verticalisme ». (p. 49)

Il se montre par ailleurs serein et positif face aux façons diverses d’annoncer la Bonne Nouvelle, chaque croyant étant invité à ré-assumer le « récit Christ » originel dans un cinquième Évangile. (p. 57)

Au-delà de ces différences, au-delà des dérives et des conflits, une foi et une espérance communes traversent  les siècles.

L’annonce de la parole divine se structure autour de deux logos : un « logos rationnel », déductif, intemporel, tourné vers un savoir (les conciles, le dogme, la curie romaine), en tension dialectique avec un « logos narratif », un « mythos », un récit à interpréter, qui pousse à une praxis, à un engagement ; découvrir la vérité dans et par la charité. (p. 59-60)

Affronter

« Jésus annonçait le Royaume et c’est l’Église qui est venue » (Alfred Loisy).

L’Église ou plutôt des Églises particulières, plongées dans le monde et soumises aux limites de l’humain. (p. 63)

D’où des tensions, notamment entre une pratique romaine d’une part, et une certaine compréhension des Écritures d’autre part, entre la culture ambiante et le Magistère, entre un cocooning religieux frileux et un relativisme serein.

Le christianisme est vie et non doctrine, foi plutôt que croyance, espérance et non seulement conviction, initiative de solidarité et d’action et non seulement observance. (p. 68)

La critique principale de l’auteur par rapport à l’Église institutionnelle est l’abus de pouvoir et la rigidité du Magistère qui semble ignorer tant la liberté de conscience individuelle que l’inévitable pluralité des spiritualités chrétiennes.

Qui semble aussi ignorer que la vie de l’Église s’inscrit dans une histoire culturelle très mouvante, ce qui relativise les prises de position du Magistère.

Et l’auteur d’analyser finement cette rupture grave entre l’institution ecclésiale et une part très importante de la communauté chrétienne, au point que beaucoup en viennent à croire sans adhérer (believing without belonging).

Encore faut-il de toute façon s’interroger sur ce que pourrait être un noyau dur suffisamment commun de la foi chrétienne, question à laquelle fait plus que jamais défaut une réponse unique, claire et définitive.

« Se demander ce qu’est la vérité, c’est entreprendre d’approfondir le mystère, sans ignorer que nous ne saurions le circonscrire. » (p. 120) ; la Révélation n’est ni complète, ni définitive.

De toute façon, comme le rappelle très justement Paul Löwenthal, « selon notre foi, Dieu n’ordonne rien, ne demande rien, mais offre tout ». (p. 126)

En conclusion de ce deuxième chapitre, je retiens la formule : « pouvoir s’exposer, pas s’imposer » (p. 128).

C’est ce qui l’amène d’ailleurs à contester l’affirmation de Benoît XVI dans Caritas in veritate : « L’humanisme qui exclut Dieu est un humanisme inhumain ».

Dénoncer

Cette partie qui se concentre sur une critique sévère du Magistère romain, l’auteur la structure autour d’une série impressionnante de termes : « dogmatisme, traditionalisme, obscurantisme, centralisme, occidentalisme,  cléricalisme, moralisme et  juridisme » ; à quoi il ajoute « le recours abusif à la catégorie du sacré. (p. 136-137)

Tous ces « ismes » qui ne sont pas d’inspiration chrétienne, mais dont « les manifestations concrètes en prennent souvent le contre-pied » (p. 168) font que l’on va de plus en plus vers une double Église catholique : « une Église romaine, père freudien plutôt que mère, pyramide hiérarchique dont la base et l’influence s’amenuisent et une Église protestantisée, vivante mais dispersée et exerçant peu d’ascendant social. » (p. 142)

Édifier

L’existence même de ce chapitre exprime bien le souci constructif et optimiste de l’auteur.

Toutefois, il reconnaît lui-même la difficulté d’imaginer et de proposer des pistes concrètes nouvelles susceptibles d’être efficaces.

Comme déjà mentionné au début de cette recension, c’est sur le principe fondamental de la liberté des personnes que repose toute entreprise de rénovation, liberté « charnière de nos relations à l’autorité » ;  rénovation – ou reconstruction – plutôt que restauration ; rénovation qui est aussi réconciliation de l’Église avec le monde.

« Or, ce qu’il adviendra de la liberté, seule la liberté peut le dire ». (p.280)

Il s’agira ni plus ni moins de « prolonger Vatican II en signant l’acte de décès de l’ère post-tridentine. » (p. 197)

Contrairement à Benoît XVI qui, sans son encyclique Caritas in veritate réaffirme le primat de la vérité sur la charité, l’auteur pense que, pour Jésus, la charité a la préséance.

Une des conséquences est que « la pastorale romaine – celle des pasteurs – est un désastre ». (p. 224)

Plutôt que de condamner sans cesse des comportements analysés pas à pas, l’auteur suggère de promouvoir des valeurs ; ce serait plus respectueux de notre autonomie et pastoralement plus efficace. (p. 234)

On retrouve ici le choix d’une « pastorale d’engendrement » plutôt qu’une « pastorale d’encadrement » (Philippe Bacq).

Que conclure en bref ?

Ce livre aborde en fait des problématiques et des positions relativement bien connues dans les milieux chrétiens progressistes, et notamment dans les Communautés de Base.

Son mérite principal à mes yeux est qu’il offre une synthèse très complète et très claire des divers courants présents aujourd’hui dans le monde catholique, surtout occidental, en matière d’ecclésiologie notamment ; synthèse par ailleurs très largement documentée.

Il le fait également avec une totale liberté de pensée en lien avec la « fides quaerens intellectum » ou « intellectus quaerens fidem ».

Peut-être des développements très spéculatifs et abstraits rendent-ils parfois le texte un peu long et lourd. C’est toutefois le caractère global de cette analyse qui en fait tout l’intérêt et tout le mérite.

Pour conclure, je cite cette belle image de D. Hervieu-Léger mentionnée par l’auteur : il faut que « la figure du pèlerin, autonome, volontaire, libre et mobile se substitue à celle du pratiquant, enfermé dans une pratique institutionnellement encadrée ».

P.S.

Les liens de Paul Löwenthal avec le Conseil Interdiocésain des Laïcs (CIL) dont il fut président, me suggèrent de mentionner ici la dernière publication de ce CIL, L’Église quand même. À l’écoute du peuple de Dieu, Fidélité, 2011, 120 p. Au bout de son livre (pages 267-268), Paul Löwenthal évoque de façon très positive ce Conseil et ses activités.

Jo Marichal nous avait déjà confié en septembre 2010 une brève présentation des 10 propositions concrètes sur les pratiques d’Église, résultat de la vaste enquête menée par le CIL pendant 7 ans. Ce livre met enfin à la disposition du public tous les éléments de cette enquête, la situe dans son contexte, mais surtout la commente.

Les convergences entre ces deux publications me semblent nombreuses. Ainsi notamment dans le livre du CIL, l’importance primordiale attachée au message des Évangiles (p. 108) et le texte sur la place des femmes dans la communauté ecclésiale (p. 112).

Jean Debelle (Communautés de Base)

Notes :

[1]  Paul Löwenthal, Ne laissons pas mourir l’Église. Foi chrétienne et identité catholique, Éditions Mols, 2011, 302 pages.








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