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Mourir dans la dignité

Jacqueline De Cat - Hansen
Publié dans Bulletin PAVÉS n°47 (6/2016)

Un ami bouleversé vient de me raconter le choc vécu dans sa famille proche par le suicide d’une personne en stade final, qui malgré les soins adéquats, n’en pouvait plus. Il se demandait douloureusement : que n’a-t-on pas entendu, que n’a-t-on pas pu, ni même voulu entendre ? Et comment ceux qui ont vécu ce drame de tout près vont-ils s’en remettre ? Alors qu’il est possible – et c’est son expérience récente – dans ces cas irrémédiables où la qualité minimale de vie a disparu, de vivre une fin de vie digne et sans souffrance.

Quelques jours après, j’entendais une personne dire que pour son mari en stade terminal, elle avait dû s’opposer à ce qu’on entreprenne encore un traitement contre une infection, alors même qu’il était clair, noté et suivi dans cette clinique qu’il se trouvait dans un processus d’accompagnement de fin de vie.

En écho, une amie a expliqué qu’après mûre réflexion, elle terminait ses démarches pour s’assurer que tout acharnement thérapeutique lui soit épargné si elle se trouvait en situation concernée.

Ces rencontres m’ont stimulée à mieux m’informer sur les démarches possibles pour baliser sa fin de vie.

J’ai relu avec un intérêt renouvelé la recension du livre d’Hans Küng, La mort heureuse, dans le dernier numéro de notre bonne revue (n° 46, mars 2016), et puis le dossier paru dans le n° 43 (juin 2015), où cinq articles apportent une stimulante réflexion sur ce sujet.

J’ai relu aussi l’excellent dossier paru dans La Revue Nouvelle, Choisir sa fin de vie ? (n° 10 d’octobre 2013).

Mon intention n’est pas d’ajouter mon grain de sel au vaste et nécessaire débat sur cette problématique. En plus des approches utiles et nuancées trouvées dans mes lectures, je voulais surtout de l’information concrète, précise et pratique.

Car « ne vaut-il pas mieux en parler avant, de la mort ? » C’est ainsi que Jean-Marie Culot commençait le dossier du n° 43 de juin 2015. L’âge venant (!), même avant d’être en situation critique, urgente, il me semble opportun de prendre le temps de clarifier ses idées sur ce qu’on voudrait pour soi en fin de vie à partir d’une bonne information et, si on le souhaite, de décider de donner à ce choix une forme légalement valable, et de savoir à qui et comment communiquer cela efficacement.

J’ai repensé à la présence de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) au récent Salon du volontariat à Nivelles. J’ai trouvé leur site internet  www.admd.be  puis demandé de la documentation.

C’est long à lire ! Mais écrit avec précision et clarté, en mots bien pesés. Le site est très riche, pour autant qu’on parcoure toutes les rubriques et les développements offerts en hyperliens. Ici, je trouve qu’il n’est pas question de traiter les choses à la va-vite, comme on a tendance à faire avec les mises en garde juridiques commerciales jargonnantes en tout petits caractères ! La démarche proposée ne peut se faire en conscience si on se contente de signer aveuglément un papier – ce qui se fait, hélas, m’a-t-on dit. J’imagine que juste survoler cette matière complexe peut amener à des simplismes regrettables.

Ce petit article ne me permet pas de faire un compte rendu complet de l’information fournie par ADMD. C’est pourquoi je vous encourage à aller lire le contenu de ce site vous-mêmes, l’effort en vaut la peine. Ici, je ne peux qu’en décrire les grandes lignes. Pour obtenir cette documentation sans internet, sous forme imprimée, il suffit d’en faire la demande par téléphone au n° 02 502 04 85 ou par écrit au Secrétariat d’ ADMD, rue du Président 55, 1050 Bruxelles. Il y a des antennes régionales dans la partie francophone du pays, où sont assurées des permanences.

Tout d’abord, soulignons que l’action d’ADMD s’inscrit strictement dans le cadre de la loi belge.

Un historique présente l’évolution de cette législation touchant la fin de vie. Les trois lois votées en 2002 constituent la référence majeure : la loi relative à l’euthanasie, la loi relative aux droits du patient, et la loi relative aux soins palliatifs. Le site offre le texte intégral de ces trois lois, chacune  suivie d’un ensemble de  réponses à des questions fréquemment posées.

En ce qui concerne l’euthanasie, la loi impose une évaluation tous les deux ans par une commission fédérale de contrôle. De même, une commission fédérale « Droits du patient » créée au Ministère des Affaires sociales, de la Santé publique et de l’Environnement évalue les pratiques en la matière.

Pour préciser un peu, voici un résumé de ces droits, extrait des questions/réponses :

Quels sont les droits que cette loi reconnaît au patient ?

Le droit à un service médical de qualité

Le droit au libre choix du médecin

Le droit à l’information sur son état de santé

Le droit de consentir et le droit de refuser son consentement à toute intervention médicale

Le droit de consulter son dossier médical

Le droit d’être entendu par un médiateur en matière de plainte

Le droit d’être représenté par un mandataire pour l’exercice de ces droits en cas d’incapacité de s’exprimer.

On voit se dessiner une tout autre relation entre médecin et patient : ce dernier n’étant plus infantilisé, mais reconnu dans sa capacité à gérer sa vie et sa mort de façon autonome et digne, et dans une réelle collaboration avec le médecin, avec assez de temps pour arriver à un nécessaire consensus.

À la lecture de la loi sur l’euthanasie, l’impression à mon œil profane est que les limites et obligations des intervenants sont fixées dans un cadre d’application extrêmement restreint et clair. La loi sur les droits du patient, tout aussi précise, n’a pas ce caractère restrictif. Celle sur les soins palliatifs reste plus générale, actant et promouvant leur existence.

La page d’accueil du site présente d’emblée les objectifs de l’association, en une liste de points.

Il s’agit de veiller au respect de ces lois touchant la fin de vie, de veiller à l’information des patients et du public en général sur leurs droits en tant que patients et sur la possibilité de déclarations anticipées d’euthanasie et/ou de volontés relative au traitement, d’apporter aide et soutien aux membres d’ADMD pour le respect de leurs volontés en fin de vie, d’obtenir la prise en compte de divers points encore absents dans la législation, d’apporter un soutien au Forum EOL (End Of Life).

La rubrique « Notre action » décrit surtout en quoi consistent les déclarations anticipées prévues par la loi.

Ce sont deux documents distincts, qui ont valeur légale. Chacun permet de désigner au moins un mandataire chargé de s’exprimer en son nom. On peut signer soit une, soit les deux déclarations. Il est conseillé aux déclarants de faire intégrer ces documents dans leurs dossiers médicaux.

La déclaration anticipée d’euthanasie. La loi de dépénalisation de l’euthanasie, qui permet à un patient conscient et lucide placé dans une situation médicale sans issue de demander qu’il soit mis fin à sa vie, permet aussi de rédiger une déclaration anticipée pour l’éventualité où on se trouverait dans une telle situation mais dans un état d’inconscience irréversible ne permettant pas de s’exprimer. Cette déclaration doit être reconfirmée après cinq ans. Elle doit être signée en présence de deux témoins, dont l’un ne peut avoir d’intérêt matériel au décès du déclarant. Elle peut être retirée ou révisée à tout moment. Elle peut être enregistrée auprès de l’administration communale.

La déclaration anticipée de volontés relative au  traitement. Cette déclaration est utile si on devient incapable d’exprimer sa volonté et qu’on veut éviter l’acharnement thérapeutique, comme par exemple d’être maintenu en vie par des moyens artificiels alors qu’on se trouve dans un état de dégradation physique ou intellectuelle profonde et qu’il n’y a plus d’espoir d’amélioration. La durée de validité de la déclaration de volontés relative au traitement est illimitée. Elle peut  être modifiée ou supprimée à tout moment.

Refus de réanimation. Un pendentif actant le refus d’être réanimé en cas d’arrêt cardiaque est disponible au secrétariat d’ADMD. Il ne peut être obtenu qu’après avoir pris connaissance du fascicule d’information concernant cette question.

Une personne travaillant dans une unité de soins palliatifs m’a fait remarquer qu’il était primordial d’informer son médecin traitant de ses intentions pour sa fin de vie, et d’en parler avec lui le plus tôt possible de façon précise. (Un médecin est en droit de refuser son aide pour clause de conscience, mais il doit le signifier tout de suite, dans un délai très bref.)

Pour elle, il est illusoire de croire qu’un papier seul suffit, et remplace une concertation aboutie entre le médecin et le patient, ce qui prend du temps, et reste une exigence légale pour le corps médical. Mon interlocutrice soulignait comme dans ces circonstances, il était frappant de voir que, dès que leur demande est entendue et prise en compte, les personnes en fin de vie s’apaisent.

Pour terminer, j’aimerais évoquer des récits entendus ces jours-ci. Deux personnes venaient de vivre l’euthanasie de personnes malades de très grand âge, l’une d’une amie, l’autre d’un parent, et elles en disaient avant tout la très profonde sérénité. Tout cela fait réfléchir…

« Désensauvager la mort » écrivait Philippe Ariès, cité par La Revue Nouvelle.


Jacqueline De Cat - Hansen (Communautés de Base)


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