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Soutenir le combat de François contre le cléricalisme

Pierre Collet
Publié dans HLM n°144 (6/2016)

On ne se serait pas attendu à ce genre de propos dans la bouche d’un pape, ni même sans doute d’un quelconque évêque, mais l’insistance de ses déclarations depuis de nombreux mois ne semble faire aucun doute. C’est qu’en plus il a le sens des formules qui font mouche : trop de prêtres se comporteraient comme des ‘douaniers’, des ‘contrôleurs de la grâce’, des ‘fonctionnaires’, et même comme des ‘mercenaires’… ! On lira avec intérêt les trois conférences qu’il vient de faire le 2 juin à l’occasion du Jubilé des prêtres devant 6000 curés du monde entier réunis à Rome pour une ‘retraite spirituelle’. Ou plus brièvement les commentaires que nous offre chaque semaine la revue Golias Hebdo, en particulier sous la plume de Gino Hoel.

À de nombreuses reprises, le pape François a ainsi dénoncé avec force le cléricalisme qu’il considère comme un des principaux fléaux de l’Église catholique, et par conséquent comme celui auquel devrait s’attaquer en priorité une réforme en profondeur. Et si cette lourde tare est forcément très visible au niveau de la curie ou d’autres instances ecclésiastiques, comme la gestion des affaires liées à la pédophilie continue de le montrer, elle n’épargne pas les prêtres de terrain… ni certains laïcs qui s’engouffrent à l’envi dans les brèches ouvertes par la pénurie.

Une de ces prises de parole très éclairante est liée à la rencontre avec la Commission pour l’Amérique latine sur le thème ‘l’indispensable engagement des laïcs dans la vie publique’. La lettre de François[1] est un véritable plaidoyer pour une fonction pastorale sortie de tout carcan clérical, mais aussi une mise en garde contre les risques d’un nouveau cléricalisme de certains laïcs… En voici quelques extraits significatifs.

« C’est le peuple de Dieu que, en tant que pasteurs, nous sommes appelés à regarder, protéger, accompagner, soutenir et servir. […] Un pasteur ne se conçoit pas sans un troupeau, qu’il est appelé à servir. Le pasteur est pasteur d’un peuple, et c’est de l’intérieur que l’on sert le peuple. Bien souvent, l’on avance en ouvrant la route, d’autres fois, l’on revient sur nos pas afin que personne ne demeure en arrière, et souvent l’on se trouve au milieu pour bien sentir le pouls des gens. […] Regarder le peuple saint des fidèles de Dieu et sentir que nous en faisons partie intégrante nous positionne dans la vie, et par conséquent, dans les thèmes qui nous occupent, de manière différente. Cela nous aide à ne pas sombrer dans des réflexions qui peuvent, en soi, être très bonnes, mais qui finissent par théoriser au point que la spéculation finit par tuer l’action. […]

Nous faisons tous notre entrée dans l’Église en tant que laïcs. Le premier sacrement, celui qui scelle pour toujours notre identité et dont nous devrions toujours êtres fiers, c’est le baptême. […] Personne n’a été baptisé prêtre ni évêque. Nous avons été baptisés laïcs et c’est le signe indélébile que personne ne pourra jamais effacer. Nous devons toujours nous rappeler que l’Église n’est pas une élite de prêtres, de personnes consacrées, d’évêques, mais que nous formons tous le peuple saint des fidèles de Dieu. […] »

Et plus on avance dans cette lettre, plus la position de François devient claire. « Il est illogique, voire impossible de penser que nous, en tant que pasteurs, devrions avoir le monopole des solutions pour les défis multiples que la vie contemporaine nous présente. Au contraire, nous devons être du côté de notre peuple, en l’accompagnant dans ses recherches et en stimulant cette imagination capable de répondre à la problématique actuelle. Et ce, en discernant avec notre peuple et jamais pour notre peuple ou sans notre peuple. Comme le dirait saint Ignace, ‘selon les nécessités de lieux, de temps et de personnes’. En d’autres termes, sans uniformiser. »

On pourrait continuer à citer, rien que pour le plaisir… Depuis que HLM existe, nous n’avons cessé de revendiquer ce statut et cette fierté de faire partie de la ‘condition commune’…

Mais d’autres paroles et d’autres attitudes de François, encore timides sans doute, viennent appuyer cette lettre remarquable. Concernant le presbytérat féminin en particulier, et le diaconat : en même temps qu’il ‘jubilait’ avec les 6000 hommes-prêtres cités plus haut, François demandait à un de ses collaborateurs de recevoir la délégation de militantes pour l’ordination des femmes… Inimaginable sous les deux papes précédents qui les avaient tout bonnement excommuniées ! Il s’agira sans doute du deuxième fléau auquel François devra s’attaquer : la ‘super-masculinité’ de l’Église… 

La lettre du 19 mars est une lettre forte, plus percutante peut-être que toutes les exhortations et encycliques qu’on cite habituellement. Sera-t-elle le signe d’un tournant, d’un vrai changement de paradigme… ? On attend des actes évidemment, pas seulement des paroles…


Pierre Collet (Hors-les-murs)

Notes :
[1] http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/letters/2016/documents/papa-francesco_20160319_pont-comm-america-latina.html (en date du 19 mars)



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