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De prêtre à prêtre marié : stigmatisation ou transition ?

Joseph Pirson
Publié dans HLM n°144 (6/2016)

Les archives ouvertes pluridisciplinaires HAL publient dans leur livraison de mars un article intitulé « De prêtre à prêtre marié : faire face à la menace identitaire lors d’une macro transition stigmatisante »[1]. Il s’agit des résultats d’une étude publiée après le 26e Congrès de l’Association Francophone de Gestion des Ressources Humaines[2]. Cette caractéristique vaut la peine d’être mentionnée : la plupart du temps, les analyses à ce propos ont été déployées dans le cadre d’études historiques et sociologiques[3].  Or la gestion des ressources humaines est confrontée à différents parcours individuels et à la difficulté pour un certain nombre de personnes de changer de statut dans la société civile.

L’étude note de fait qu’un certain nombre de trajectoires professionnelles ne sont pas linéaires. Cette question ne concerne pas que les prêtres mais également d’autres catégories de professionnels comme les militaires confrontés au retour à la vie civile après une longue période sous le premier statut, ou le personnel de marine obligé de rechercher un travail sédentaire. L’étude évoque également une comparaison avec les femmes enceintes « confrontées à la cohérence  et la continuité de leur identité de femmes professionnelles. Elle met toutefois en évidence dans le cas présent l’identification forte au rôle : la relation amoureuse affichée et officialisée affecte à la fois vie personnelle et professionnelle.

Les auteurs posent clairement la question du passage d’une situation valorisée à une position stigmatisée. En s’appuyant sur les recherches menées par E.GOFFMAN, la réflexion porte sur la possibilité de construire une identité positive dans un contexte professionnel stigmatisé[4]. On constate ici que l’objectif n’était pas au départ d’étudier la vie des prêtres marié ; il était de choisir une catégorie de personnes ayant dû entreprendre une transition forte, le passage obligé d’un statut à un autre, d’une position sociale  reconnue et valorisée à une position insécurisante. L’article se présente comme un excellent exercice de style académique dans lequel sont énoncées à la fois les questions de recherche, les options méthodologiques (le travail à partir de 27 récits de vie) et les limites du travail (la compréhension de la situation de celui « qui quitte le ministère » dans les années 2010 par rapport aux années 1960).

L’intérêt me paraît consister à la fois dans la mise en évidence d’une permanence du socle identitaire chez toutes les personnes interrogées, ainsi que du mode choisi s pour se redéfinir: « être prêtre différemment », « passer à autre chose », poursuivre ou non des activités religieuses en parallèle à la nouvelle vie dans la société civile. Il est original et non dénué de pertinence d’interroger cette situation à partir des sciences de gestion plutôt qu’à partir de l’interrogation propre à la sociologie ou à la psychologie sociale (même si les auteurs empruntent à ces disciplines dans leur méthode d’investigation).

Dans le contexte évoqué ici, il aurait été important d’interroger également les compagnes pour une confrontation des regards portés sur ces, changements de statut et de posture identitaire.

Pour le propos de notre revue, je mettrai également en évidence la nécessité de poursuivre la réflexion, à l’aide des différentes sciences humaines, sur la sacralisation d’une fonction et sur la nécessité de relier le travail sur l’ajustement professionnel à une collectivité d’adultes dans lequel différents rôles sont assumés. Va-t-on vers le prolongement d’un modèle marqué historiquement et trop souvent jaugé à l’aune de considérations intemporelles (« prêtre pour l’éternité », « avoir un cœur sans partage ») ? N’est-il pas urgent d’aborder la question de la vitalité de communautés chrétiennes, dans une égalité de relations femmes-hommes et dans l’acceptation de différents modèles non réductibles à un statut unique et survalorisé (le prêtre célibataire chargé de décider de tout, dans une relation pensée de manière uniquement verticale). Pour parler comme les anglo-saxons : « And so what ? »


Joseph Pirson

Notes :

[1]  Voir https///hal-upec-upem.archives-ouvertes.fr/hal-01174099

[2]  L’article de 9 pages (bibliographie comprise) est rédigé par François GRIMA, Emmanuel ABORD DE CHATILLON et Pauline DE BECDELIEVRE

[3]  Par exemple, au plan sociohistorique, dans la littérature francophone, l’ouvrage collectif rédigé par Jean LANDRY, Julien POTEL et Henri POUSSET, Femmes et prêtres mariés dans la société d’aujourd’hui, Paris, Karthala, 1997 Le récent ouvragePrêtres dans des Communautés Adultes publié par la Fédération Européenne des Prêtres Catholiques Mariés, dans lequel des responsables de HM  comme Pierre COLLET, se sont très investis, s’inscrit davantage dans une perspective confessante des rapports entre prêtres et communautés, avec l’intérêt d’un regard porté à partir de différentes cultures.

[4]  Le sociologue  américain d’origine canadienne Erving GOFFMAN est notamment connu par son approche des rites d’interaction (« La mise en scène de la vie quotidienne ») et l’usage des métaphores théâtrales  pour décrire la vie en société sur le modèle des rôles joués par différents acteurs. V. notamment en version française Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Ed.de Minuit, 1975. 




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