liminaire
Jean-Marie Culot
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En ce joli mois de mai…
À la veille du scrutin qui va livrer à notre grande voisine son nouveau président et à l’Europe un nouvel acteur majeur, notre choix serait sans ambiguïté. Dans un débat final déplorable, l’extrême droite, si appliquée à se banaliser, a tombé le masque : agressivité, mensonge, cynisme, frustration et, sans fin, acharnement à creuser les séparations, à lister les exclusions.
Mais la réticence envers la candidate du Front ne suffit pas. Car les votes en faveur d’Emmanuel Macron attendus à plus de 60% représentent une bien moindre adhésion. Toute une moitié de la France tournée vers Mélenchon et Marine le Pen a exprimé plus qu’une inquiétude : sa colère, son désespoir, son sentiment de n’être plus dans la trajectoire, de se trouver larguée, de ne plus comprendre ce qui bouleverse sournoisement son rapport au travail, à l’éducation, à l’identité, à la représentativité, à la mondialisation. La confusion est telle que les pauvres votent à droite.
La proposition de Macron semble solidement articulée, prometteuse de remaniements indispensables à une relance. Mais, avec ce programme à tonalité libérale qui connote celui de notre majorité belge, y a-t-il là de quoi répondre aux interrogations lourdes qui pèsent sur nos sociétés, au mal-être et aux rancœurs ? De quoi rassurer sans doute nos classes moyennes, mais donner des clés d’avenir à tous ceux qui se sentent largués : jeunes sans qualification, pensionnés appauvris, ruraux, ouvriers, chômeurs. Et qui, faute de réformes sociales radicales, conforteront plus encore l’extrémisme la prochaine fois.
Ne quittons pas ce thème des fragmentations de nos sociétés. Dans ce commentaire intrigant du film de Scorsese, Arregi met en exergue les crispations des religions souvent tentées de fondamentalisme autant que les mystérieux chemins de la foi.
Rédactrice en chef de La Croix, Isabelle de Gaulmyn s’inquiète de ce que l’Église de France n’ait pas pris fermement position, comme elle l’avait fait en 2002, contre le Front National alors qu’il prône le rejet de l’autre « ce qui est contraire au fondement du christianisme ». Elle relève aussi la frustration des deux millions de catholiques opposés au ‘mariage pour tous’, qui ont eu le sentiment de n’avoir pas été écoutés par François Hollande et boudent son successeur. Une mouvance traditionaliste, minoritaire, se raidit ; héritière, jugeront certains, d’un pan du catholicisme qui aura depuis toujours considéré comme ennemies la Révolution, puis la République.
La Banque Européenne d’Investissement, instituée pour l’aide au développement, dont le capital est constitué par l’argent des contribuables, aurait investi 470 millions dans des paradis fiscaux entre 2011 et 2015. Comme formule de prospérité !
Au moulin de la réflexion, encore un peu de grain ? Le communiqué de l’Epiphanie de la Fédération européenne des prêtres mariés, Pierre de Grauw et ses ‘chemins de traverse’ et, déjà présenté dans notre dernière livraison, l’ouvrage de François Boespflug, Pourquoi j’ai quitté l’Ordre et comment il m’a quitté, ainsi que, archivé dans notre site, sous la plume de Philippe Liesse, « Un grand cru de Joseph Moingt, Esprit, Eglise et monde. De la foi qui critique à une foi qui agit »
Relevons tout de même, parmi bien d’autres aujourd’hui, comme touche d’espérance cette heureuse initiative : Emilien Bossut exploite une bergerie près d’Ath et accueille pour échanges et entraide Angelica Lopez Lajia, représentante d’une communauté maya du Guatemala, prônant chacun le retour à une agriculture biologique et respectueuse de l’environnement.
Et voilà Bruxelles cotée comme l’une des villes les plus cosmopolites : 100 langues parlées, 35% des habitants de nationalité autre que belge, 120 000 personnes travaillant dans le contexte d’organisations internationales. Ne reste plus qu’à en faire une ‘mix-cité’.
Avec nos vœux de printemps fleuri.
Jean-Marie Culot (Hors-les-murs)