La 26e rencontre du Réseau Européen Églises et Libertés
Strasbourg 25-28 mai 2017
Pierre Collet
Publié dans Bulletin PAVÉS n°51 (6/2017)
On rappelait dans le bulletin précédent que « l’un des intérêts les plus évidents de continuer à faire exister notre réseau PAVÉS, c’est les relations diverses, nombreuses et toujours enrichissantes qu’il nous permet de maintenir avec les autres groupes et réseaux : chez nous et à l’étranger ». Ce fut particulièrement vrai à l’occasion de la réunion du Réseau Européen Églises et Libertés qui s’est tenue à Strasbourg à la fin du mois de mai. Et on évoquera plus loin la réunion européenne des délégués des communautés de base.
C’est donc ce long week-end de l’Ascension qui avait été choisi pour nous retrouver à une bonne vingtaine sous la canicule et dans la ville de Strasbourg qu’on prétendait la plus chaude de France… Marie-Anne et Fernand Jehl avaient organisé cette rencontre de main de maître, tant concernant l’intérêt de la journée d’étude que les moments plus récréatifs, et en veillant aux moindres petits détails. Et sans parler de la qualité des interprètes mis à notre disposition : Strasbourg, c’est vraiment l’Europe…
25 années d’existence du Réseau : on a fêté cela dignement et brièvement avec le gâteau de circonstance, et on s’est mis au travail comme chaque année… pour tenter de comprendre les enjeux de la Charte sociale du Conseil de l’Europe et de nous mobiliser pour son application ! Nous avons pu entendre trois personnes sur le sujet et ce n’était pas de trop tant l’affaire est complexe pour le profane que je suis : je vais tenter de relayer ce que j’ai pu saisir et sans aucune prétention, ni à la rigueur des termes ni à l’exhaustivité. Pardon d’avance et une fois pour toutes.
La charte sociale européenneIl s’agit d’un document essentiel du Conseil de l’Europe élaboré déjà en 1961, revu en 1995 et relancé récemment en 2014 pour attirer l’attention des États sur l’application des droits économiques et sociaux ; l’Union Européenne participe à cette relance qu’on appelle le processus de Turin. Cette Charte est en réalité la petite sœur d’un autre document élaboré en 1951, la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Tous les pays sont invités à ratifier cette Charte sociale, mais nous avons pris conscience que deux pays seulement l’avaient signée dans son intégralité (on l’appelle alors la ‘charte révisée’), tous les 45 autres – dont la Belgique – se réservant le droit de refuser tel ou tel article…[1]
Dans un premier temps, c’est une juriste qui a tenté de nous aider à comprendre. Mélanie Schmitt nous a permis de saisir à quel point les objectifs et le fonctionnement du Conseil de l’Europe et de l’Union Européenne pouvaient être différents, parfois même contradictoires, le premier privilégiant la défense des droits humains (qu’on voudrait donc non seulement individuels mais plus sociaux avec une dimension politique et économique), et l’autre se préoccupant surtout des droits économiques (qu’on voudrait aussi plus sociaux, plus égalitaires, et pas seulement financiers au service des entreprises et d’un système).
La crise de confiance que connaît le projet européen, à tout le moins les institutions de l’Union Européenne, devrait faire réfléchir : le Brexit mais aussi les velléités de certains pays plus orientaux, devraient être analysés comme des déclencheurs pour un déblocage et pour une ‘ré-Union’ des peuples européens par le renforcement des droits sociaux. La Commission – c’est notre commissaire belge qui est en charge de ces dossiers – a publié un ‘Socle des droits sociaux’, mais toujours dans une optique strictement économique et sous le « dogme des lois du marché ». D’après notre juriste, l’horizon ne renvoie pas une image rassurante : « le pas supplémentaire qu’ils n’arrivent pas à faire, ce serait de consacrer la soumission des institutions de l’Union Européenne au respect de la Charte Sociale, […] de réaliser leur adhésion à la Charte du Conseil de l’Europe ; cela permettrait de résoudre de manière progressive […] la contradiction où se trouvent nombre d’États membres de la zone euro par rapport aux injonctions faites à la Grèce, par exemple… » Une occasion manquée donc ce 26 avril 2017, lorsque la Commission a publié le contenu de son « Socle Européen des Droits Sociaux », mais une bonne raison d’interpeller nos élus au Parlement Européen : « se contenter de reconnaître ce ‘socle’ comme l’expression du consensus des États membres est totalement insuffisant », affirme Mélanie Schmitt.[2]
Il revenait à Marie-José Schmitt de nous raconter la Charte sociale dans son histoire et dans tous ses détails, mais aussi dans son application : les États sont en effet tenus de présenter des rapports annuels qui portent chaque fois sur ¼ des articles de la Charte, et c’est un Comité Européen des Droits Sociaux, un organe composé de 15 juristes élus par le Comité des Ministres, qui est chargé de suivre ces rapports. C’est à lui aussi que sont adressées les « réclamations collectives » qui ont fait l’objet d’un deuxième temps de parole puisque notre invitée est elle-même impliquée dans une telle démarche concernant les droits des handicapés non respectés dans son pays, la France. Le but poursuivi par ce système n’est autre que l’efficacité et la rapidité de fonctionnement : la procédure de réclamations a renforcé le rôle des partenaires sociaux et des organisations non gouvernementales en leur donnant la possibilité de s’adresser directement au Comité afin qu’il statue sur l’éventuelle non-application de la Charte dans tel pays concerné.
L’objectif avoué de tout cela nous a été précisé par nos représentants à la plateforme des OING à Strasbourg : convaincre les représentants des différents groupes et pays et les mobiliser pour répondre aux demandes d’informations envoyées périodiquement, selon les besoins des groupes de travail, et les inviter à préparer de telles « réclamations collectives ».
Le Réseau Européen bien ancré à StrasbourgEt c’est là qu’on se rend compte tout à coup à quel point on peut être fier de faire partie de ce Réseau Européen Églises et Libertés qui bénéficie du ‘statut participatif’ à la Conférence des OING du Conseil de l’Europe, avec 320 autres partenaires, et qui y travaille avec tant d’enthousiasme et de professionnalisme !
C’est une troisième conférencière, Marichu Rall, membre du Bureau de cette Conférence, qui nous en expliquera l’importance et le fonctionnement. Le Conseil de l’Europe a été la première organisation européenne à associer si étroitement la société civile à ses travaux, au point de reconnaître en 2003 les OING comme 4e pilier de sa structure, à côté du Comité des ministres, de l’Assemblée parlementaire et du Congrès des Pouvoirs locaux. Ce statut donne à la Conférence un véritable droit de codécision à tous les niveaux où se réunissent les trois autres composantes et plusieurs exemples nous ont convaincus de son influence réelle. Cette relation étroite est très bénéfique pour une construction européenne respectueuse de la diversité des s citoyens.
La Conférence se réunit deux fois par an mais fait fonctionner toute l’année des groupes de travail et organise des ‘side-events’ sur des questions précises. Nos quatre représentants[3] y avaient une place importante puisqu’ils animaient deux groupes de travail sur Droits de l’homme, codéveloppement et migrations (Hugo) et sur Éduquer au dialogue interculturel, vivre ensemble en Europe (Fernand) et qu’ils ont participé au travail de cinq autres groupes. Nous les avons chaleureusement remerciés de leur investissement et pris acte avec regret du retrait de François et de Fernand : c’est dorénavant Hugo qui porte la responsabilité du réseau à la Conférence, en espérant le renfort de toute personne intéressée que cet article est censé éveiller…
On aura donc compris que c’est notre travail au Conseil de l’Europe qui est apparu prioritaire lors de cette session, mais nous avons aussi acté le rapport d’activité du groupe G3i : on le lira sur le même site du EN-RE. On a aussi évoqué notre représentation à la Plateforme pour Secularism and Politic au Parlement Européen à Bruxelles.
On s’est finalement interrogé sur notre avenir, particulièrement au Conseil de l’Europe, vu que nos capacités diminuent tant en nombre qu’avec l’âge… L’enjeu nous paraît important. Nous aimerions mettre encore plus cet engagement et ce travail au service des groupes que nous représentons dans nos divers pays ; le réseau européen pourrait ainsi devenir une sorte d’ ‘ interface’ entre leurs attentes et les ‘réclamations collectives’ que nous pouvons introduire à Strasbourg ; et nous devrions donc mieux communiquer avec les autres réseaux frères, comme Nous Sommes Église International (WACI) ou les Communautés de Base. Engagement pris. On vous en dira plus bientôt…
Pierre Collet (Hors-les-murs)
[1] La présentation et le texte de la Charte sociale se trouvent sur http://www.coe.int/en/web/turin-european-social-charter/home
On y trouve aussi le tableau qui indique quels articles tel pays n’a pas ratifiés…
[2] Suivre la page ‘Actualité’ du site web du Parlement européen :www.europarl.europa.eu/news/fr/agenda/briefing/2017-04-26/2/socle-europeen-des-droits-sociaux-debat-avec-la-commissaire-marianne-thyssen
[3] François Becker, Fernand Jehl, Hugo Castelli Eyre et Robert Simon. Le rapport de leur travail se trouve surhttp://www.en-re.eu/index.php/conferences1/2017-conference-strasbourg comme tous les documents auxquels cet article se réfère.