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Nous sommes en guerre ?

Etienne Mayence
Publié dans Bulletin PAVÉS n°45 (12/2015)


Quelque réflexions autour du drame de Paris et de la déferlante médiatique que nous subissons depuis une semaine. Bien entendu, on ne peut qu’être horrifié par les massacres de Paris de vendredi dernier. On ne peut qu’être en solidarité avec les victimes, leurs familles, celles et ceux qui ont vécu des moments dramatiques. Il faut garder au cœur l’émotion que suscite cette tragédie. Mais il faut aussi se poser quelques questions et réflexions.

1. Après l’attentat du 11 septembre 2001 à New York, Madeleine Albright, secrétaire d’État, a déclaré : il faut lutter contre la pauvreté et les inégalités dans le monde. Georges Bush a déclaré : il faut lutter contre les paradis fiscaux. Une semaine plus tard, cela a fait place à un discours  unique : il faut lutter contre le terrorisme. Oubliées les inégalités, source de rancœurs et de violence.

Après les attentats de Paris, un discours unique des politiques et des médias, (avec quelques rares exceptions) : il faut lutter contre le terrorisme,  renforcer la sécurité, donner plus de moyens à la police. Pourtant, des témoignages et certains analystes soulignent combien la pauvreté, le chômage, l’absence d’avenir, l’impression de rejet sont source de révolte.

2. Que de contradictions ! On coupe dans les budgets sociaux, dans les subsides aux associations de terrain, mais tout à coup on trouve des sommes impressionnantes pour renforcer la sécurité. On soigne les conséquences et on oublie les causes.

On a souligné que l’Arabie Saoudite et le Qatar financent les mosquées et mouvements intégristes. Mais François Hollande se félicite de vendre des rafales, avions de combat, à l’Arabie Saoudite et personne ne se scandalise. La coupe du monde a été attribuée au Qatar dans des conditions suspectes, mais la coupe du monde va passionner. On pourrait sans doute multiplier les exemples de nos manques de cohérence.

3. Depuis samedi, le journal auquel je suis abonné me gratifie de pages spéciales (de 15 à 20) autour des événements de Paris. Mais la semaine précédente, une petite page sur les attentats du Liban qui ont fait plus de 50 morts et plus de cents blessés. Et bien entendu, souvent silence radio (si je puis dire) sur d’autres drames dans le monde. Les radios et le TV ne sont pas en reste. Audimat oblige. Je comprends l’amertume de ces Libanais qui disaient : pour les drames que nous vivons, nous rencontrons peu de solidarité. Pour les tragiques événements de Paris, le monde entier se mobilise. Il est temps que nous nous vaccinions de notre européocentrisme. Nous risquons de nourrir la rancœur des pays du Sud qui peuvent nous reprocher notre manque de solidarité et de sympathie (qui veut dire « souffrir avec »). Jean Ziegler a écrit un livre interpellant qui explique « la haine de l’Occident ».

4. François Hollande a déclaré : nous sommes en guerre. Cela a fait mouche et cela a été repris par bien des médias. Bien sûr, la situation est grave. Mais que doivent penser les peuples qui sont vraiment en guerre, les peuples de la République Centrafricaine, le peuple syrien, les habitants du Sud Kivu ? Et ne faudrait-il pas d’abord et surtout faire la guerre aux exclusions, à la pauvreté, au chômage, au fossé de plus en plus large entre une minorité qui s’enrichit et toute la masse des appauvris. Mais déclarer cela, cela engage, c’est difficile et peu porteur de voix.

5.  La peur est mauvaise conseillère. Cette déferlante médiatique risque de créer une société anxiogène.  Une personne dans un magasin me disait : on n’ose plus sortir en rue. Je lui ai répondu : c’est vrai vous risquez de vous faire écraser… Il y a autant de risque de mourir dans un attentat terroriste que de gagner le gros lot à l’euromillion, me disait un ami avec justesse. Il y a de multiples risques auxquels nous sommes habitués : fumer, prendre sa voiture, traverser la rue… D’ailleurs, la vie n’est-elle pas un risque ? Quand on met un enfant au monde, on est certain qu’il sera plusieurs fois malade, qu’il aura quelques accidents, domestiques ou autre, et qu’il mourra. Heureusement, cela n’empêche pas d’avoir des enfants. La risque zéro n’existe pas. Des Libanais déclaraient : chez nous, après un attentat, on va au restaurant et on chante. Inconscience ou au contraire sagesse ?

Il y aurait encore bien de choses à dire. Mais je m’arrête, car les longs textes, on ne les lit pas.

N’ayons pas peur. Vivons !

20 novembre 2015

Etienne Mayence (Communautés de Base)


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