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Douze enfants de prêtres témoignent

Pierre Collet
Publié dans HLM n°151 (3/2018)

L’Association française "Enfants du silence, enfants de prêtres" vient de publier ce recueil de témoignages  impressionnants.[1]

4e de couverture : « Pendant des siècles la loi du silence a pesé sur un fait de société bien connu mais volontairement caché ou ignoré par l’Église catholique : l’existence d’enfants engendrés par des prêtres malgré l’interdiction qui leur est faite depuis le 12e siècle de s’unir à une femme et de procréer.

Cette règle contre nature, et les problèmes qu’elle soulève, est de plus en plus souvent évoquée dans les médias et même dans l’Église.

Aujourd’hui, ce sont des enfants de prêtres qui décident de briser le silence et de parler de leur expérience. Ces témoignages bouleversants démontrent que l’on ne peut sortir indemne de telles situations malgré la foi et l’espérance dont certains  témoignent. »

Oserait-on ajouter, d’une manière infiniment plus modeste, qu’on ne sort pas tout à fait indemne non plus de la lecture de leurs histoires… ? Même si la plupart d’entre elles finissent bien, comme on dit, c’est toujours par le détour d’un certain ressentiment, au minimum, et parfois d’une agressivité difficile à maîtriser, d’une incompréhension totale face à l’intolérance et à l’exclusion. C’est cette dernière expérience que l’on ressent le plus, et dont l’angoisse parfois se transmet d’une génération à l’autre. Combien de fois ne lit-on pas cette phrase, presque mot pour mot : « mon père m’a communiqué sa colère » ? Ou cette conclusion terrifiante : « Ma vie sera à tout jamais marquée par cette violence faite à cet homme dont la seule envie a été de se marier et d’avoir des enfants. Violence qui s’est répercutée finalement sur sa femme et ses enfants. Désormais je suis fragile […] »

Mais ce sont des histoires d’amour tout de même, à chaque fois ! Car tous ces témoignages viennent d’enfants dont le père prêtre a quitté les ordres pour se marier, même si parfois c’était pour assumer sa paternité. Sauf un. Et c’est sans doute ce témoignage de Maria Helena qui fait le plus mal, baigné de secret, de mensonges, et même de chantages (pages 53-71). Elle en retiendra surtout que l’amour est forcément coupable : « l’amour qui nous est donné est toujours plein d’obstacles, il n’est pas libre ». Ambiguïtés extrêmes dans ce mélange de désespoir et d’espérance :

« […] J’étais constamment agressée. Je n’ai pas voulu donner à mon futur enfant le même destin de discrimination qui a été le mien. Il ne méritait pas de passer par le même chemin sur lequel je suis moi-même passée. Il fallait que le cycle des préjugés soit coupé. C’est pour cela que j’ai décidé de ne pas être enceinte, et mon mari à cette occasion a choisi le divorce. […] Je crois que l’amour a un grand pouvoir de guérison, et que même si on ne le reçoit pas, on peut continuer d’avoir la capacité d’aimer. Accepter le désamour et le rejet, sans haine ou vengeance, seulement en le prenant comme un fait ou une circonstance, est aussi un processus de maturité que j’ai vécu pour faire la paix avec mon passé et mon identité. » (p. 70)

Quel gâchis… À lire : pour l’édification, parfois… Pour la révolte, souvent ! Chaleureux merci aux douze pour leur témoignage.


Pierre Collet (Hors-les-murs)

Notes :
[1]  Ed. Livres en Seyne, 2017 : 
voir https://enfantsdusilenceblog.wordpress.com/



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