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Jérusalem carrefour des nations ?

Monique et Joseph Pirson-Goosse
Publié dans Bulletin PAVÉS n°54 (3/2018)

Début novembre 2017, nous étions avec d’autres pèlerins en Israël et en Palestine avec les Pèlerinages Namurois sous la houlette de Philippe Goffinet, directeur des pèlerinages namurois et notre guide George Safar  d’origine chrétienne de Turquie mais qui a vécu sa jeunesse dans la France du Nord. Ce dernier vit depuis plusieurs années en Israël, c’est dire qu’il a une connaissance particulièrement aiguë des réalités régionales et des contextes complexes auxquels nous, Européens, apportons souvent des réponses simplistes. Il est donc évident qu’un séjour de dix jours ne peut que renforcer des questions et nous donner l’envie de poursuivre notre cheminement dans la tentative de compréhension des différents vécus.

Au milieu des rencontres et visites, l’expérience trop courte mais dense de Jérusalem a marqué en profondeur notre séjour. La décision de Donald Trump, et du Congrès américain, de transférer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem ne peut que rendre encore plus difficiles les solutions pacifistes dans les relations entre les différentes communautés locales. Il nous paraît important d’énoncer en toute modestie quelques impressions et remarques.

Tout d’abord la ville se révèle à la fois espace de mélange, de juxtaposition et de confrontation. Mélange de populations locales et aussi touristiques qui arpentent les rues étroites, les marchés et les places de la vieille ville. Juxtaposition  des religions monothéistes et des confessions à l’intérieur du christianisme, en particulier dans la basilique du Saint-Sépulcre où lieux et temps d’occupation sont strictement minutés. Confrontation de différents mondes et des populations israélienne et palestinienne matérialisée à la fois par ce mur qui empêche la libre circulation des personnes entre Bethléem et Jérusalem, pourtant voisines, et les colonies (appelées en droit international "implantations israéliennes") qui constituent désormais un long alignement de bâtiments et de terrains qui enserrent les territoires arabes.

La position de Trump renforce la position de l’extrême droite religieuse et les affirmations officielles du gouvernement Netanyahou relayées par l’ambassadeure d’Israël à Bruxelles. Celle-ci affirmait en effet dernièrement sur les ondes de la RTBF : « Jérusalem est logiquement depuis trois mille ans la capitale des Juifs. Les Palestiniens peuvent de leur côté faire le choix d’un village ou une de leurs bourgades comme capitale… »  Cette affirmation pose un ensemble de questions et fait fi, selon de nombreux historiens et politologues, des siècles qui ont marqué l’évolution du Proche Orient. Peut-on sans sourciller affirmer une continuité entre la bourgade de la "tribu de David" et la ville détruite et reconstruite au fil des siècles ? [1]

Les témoins rencontrés, tous de confession chrétienne à l’exception des représentants du village de Silouad, révèlent la position fragile des chrétiens minorisés au sein de la population juive ou musulmane. Nous avons entendu une pharmacienne arabe chrétienne qui toute sa vie s’est mobilisée pour la paix et qui a subi des discriminations dans l’exercice de sa profession. Nous retenons aussi le témoignage de deux enseignants de Bethléem qui nous affirmaient l’impression d’être abandonnés et de n’avoir que peu de perspectives de solution positive, qui parlent d’une prison à ciel ouvert pour décrire leur quotidien. 

Actuellement différents témoignages qui nous sont parvenus attestent d’une résignation de la part des Palestiniens. Les responsables de l’ONG israélienne "Peace now" sont également en butte à différentes attaques et réactions de l’extrême droite.

Ces brimades vécues par le peuple palestinien ne peuvent pourtant pas  occulter la visite du Mémorial de Yad Vashem. Cette visite nous a renvoyés à un passé récent et proche de notre pays. Le jardin s’orne d’arbres plantés au nom de justes parmi les nations. Nous gardons une   impression en particulier du monument dédicacés aux enfants, éclairé par quelques bougies dont la clarté est répercutée en autant d’étoiles par des centaines de miroirs tandis que s’égrène la liste sonore des noms, prénoms et pays d’origine d’enfants assassinés par les nazis (un million et demi).

La position de Jérusalem pourrait être un laboratoire intéressant pour la construction d’une société pacifiée. Toutefois, pas de paix sans justice, pas de possibilité de coopération si l’économie palestinienne continue à être asphyxiée et si les pouvoirs en place ne proposent pas de dispositif de reconnaissance mutuelle et de droits effectifs pour les populations de la région. Le chantier reste ouvert et nous avons le devoir chacune et chacun d’apporter notre pierre à sa construction.


Monique et Joseph Pirson-Goosse

Notes :
[1]  Dans le numéro 404 (février 2018) du magazine l’Appel, Thierry Tilquin a publié un intéressant article bien documenté sur Jérusalem capitale exclusive d’un peuple ?  avec des références à deux ouvrages importants. Ceux de Vincent Lemire (dir.), Jérusalem, histoire d’une ville-monde des origines à nos jours,Paris, Flammarion, 2016 et de l’historien israélien Schlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Paris, Flammarion, 2010


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