Publications

Rechercher les articles
par mot du titre ou mot-clé :

présentés par :

année et n° (si revue):

auteur :

Dieu au-delà de l'unité et de la dualité

José Arregi
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues


Je ne veux pas renoncer au mot Dieu pour dire le Mystère le plus profond de tout ce qui est réel, bien que je comprenne très bien ceux qui y renoncent parce qu’il est si équivoque, le plus équivoque de tout le dictionnaire. À ce point que, lorsque quelqu’un me demande : « Tu crois en Dieu ? », je ne lui réponds ni oui, ni non, mais que cela dépend de ce qu’il entend par Dieu. Et je le fais par respect pour le Mystère, qui habite, oui, dans ce mot, mais en l’ouvrant à l’Infini au-delà des significations de tous les mots.

Le Dieu  que tu imagines, n’existe pas assurément. Et même lorsque tu installes le dogme de son existence et que tu affirmes qu’Il est le Créateur du monde, et unique et trin à la fois, tu peux en être sûr : ce Dieu  auquel tu penses n’existe pas. Je ne dis pas que Dieu ne soit pas, mais que le Dieu  de ton esprit n’existe pas. Saint Augustin l’a dit : « Si tu comprends, ce n’est pas Dieu ». Le Dieu  auquel tu penses est toujours un objet créé par ton esprit.

Et si quelqu’un me demande : « Dieu est-il personnel ? », je lui repose la question : « Que signifie personnel pour toi ? » Si personnel exprime la singularité de chaque individu, ce qui rend chacun unique et différent de tout autre individu de son espèce ou d’une autre, alors Dieu assurément n’est pas personnel. Si personnel signifie relation d’altérité faite d’amours et de désamours, de blessures et de pardons, d’émotions positives et négatives, de prédilections et de rejets propres à l’ego humain, Dieu n’est pas personnel. Dieu n’est pas une personne en relation avec d’autres personnes. Il est le Mystère de la Relation. Il est la compassion universelle. Il n’est pas le Tu d’un je, ni le Je d’un tu. Il est Amour créateur. Il est apaisement. Il est Âme de toute chose.

Dieu n’est pas Quelqu’un. Il n’est pas un sujet opposé à un objet, quelque chose, ni à un sujet, quelqu’un. Dieu n’est pas un être parmi d’autres êtres, ni l’Être Premier, cause à l’extérieur de ce monde. Si Dieu était Quelqu’un, il s’opposerait à un autre quelqu’un ou à une autre chose, il ne serait pas la Réalité Absolue. Mais Dieu ne s’additionne à rien, ni ne s’oppose à rien, ni ne se compte dans ni en dehors d’aucune série. Il est sans nombre ni genre. IL EST.

C’est pour cela que le jeune théologien Bonhöffer écrivait dans une prison nazie où il fut pendu en 1945 : « Un Dieu qui « existe » n’existe pas ». D’autres grands théologiens de la même époque, comme Tillich et Robinson enseignèrent la même chose. Malheureusement, leur chemin ne fut pas suivi par la théologie, ni protestante, ni catholique. Ces pionniers-là assumèrent le diagnostic de Nietzsche, qui s’était limité à prendre note de la mort, non pas du Mystère, mais du Dieu archaïque, de la morale et du dogme. Ces théologiens-là déclarèrent la fin, non pas de Dieu, mais du vieux théisme né il y a 5000 ans dans l’imagination et dans les panthéons indoeuropéens et sémites. Ils passèrent en revue en profondeur tout le système religieux traditionnel, et ils voulurent exprimer son souffle libérateur authentique dans les nouveaux paradigmes spirituels, scientifiques et politiques. L’évolution du christianisme et des autres religions en Europe et dans le monde eût certainement été très différent, si les propositions conceptuelles et les pratiques de ces prophètes des années 50 du siècle dernier avaient été adoptées et propagées. Mais les églises et les religions se raccrochèrent au Dieu du passé et elles fermèrent leur avenir.

Car, il n’y a donc pas Dieu, comme il y a un canapé dans le salon, une primevère ou un lys de Saint-Joseph au bord ombragé d’un chemin, ou des canards colverts nageant dans la rivière. Dieu n’est aucune forme, bien qu’il n’existe que dans les formes. Il est le Fond et l’Origine permanent de toute forme. Il n’est rien de ce qui existe, mais le Tout de tout ce qui est. C’est ainsi que l’ont vu, depuis la nuit des temps, les mystiques, hommes et femmes, des différentes philosophies et sagesses, religieuses ou pas. Dieu n’est pas [un] autre de rien, ni de toi, ni de moi, ni de la primevère du chemin. Dieu n’est pas Ce qui est Autre de rien, c’est « Le Non-Autre », écrivit au XVème Siècle, le théologien, philosophe et mystique, et cardinal en outre, Nicolas de Cusa. Dieu et moi ne sommes pas deux. Dieu et [le] monde ne sont pas deux. Il n’existe pas de dualité.

De toute évidence, Non-dualité - attention au malentendu - ne signifie pas unité. Ainsi donc, Dieu et [le] monde ne sont pas non plus un. Dieu n’est pas la part d’un tout, ni l’addition de toutes les parts, mais le Tout de chaque part. Il n’est pas un être, mais l’Être de tout être, le feu créateur qui brûle au plus profond de tous les êtres, au-delà de la forme, du un et du deux, qui appartiennent à ce que l’on peut compter. Invoque-le si tu veux comme Toi, mais transcende cette image, transcende-toi en toi, en tout.

Un puissant courant spirituel de la non-dualité, aussi ancien et universel que la mystique, tant religieuse que non religieuse, parcourt aujourd’hui le monde, et je crois que c’est son seul salut contre l’imposition violente d’une seule forme globale et contre la lutte fratricide des différentes particularités. La spiritualité de la non-dualité [est] aussi le seul salut des traditions religieuses, appelées à se libérer de leurs croyances et de leurs dieux faits à l’image de l’homme, et pouvoir ainsi continuer à inspirer une praxis libératrice et la communion de tous les vivants.

La science nous offre une double connaissance des parts du Tout par sa méthode basée sur l’analyse,  la mesure et la vérification. Nous avons besoin de la science, au service du bien être commun. Mais nous avons encore plus besoin du regard ou de la conscience spirituelle élargie qui nous permet d’admirer, d’aimer et d’incarner dans la vie le Mystère le plus profond de tous les êtres, le plus intime et Réel que toute identité et différence.

Ce Mystère ou Dieu est ce que nous sommes et c’est notre vocation. C’est le Bien Commun véritable de tous les êtres. Nous ne nous sauverons que si nous le savons et si nous cherchons à lui donner une forme politique, vers un Horizon qui transcende toutes les formes.


José Arregi - Espagne)

Notes :
http://www.feadulta.com/es/buscadoravanzado/item/9509-dieu-au-dela-de-l-unite-et-de-la-dualite.html  

(Traduit par Dominique PONTIER)

(Publié dans DEIA et dans les journaux du Groupe NOTICIAS le 18 février 2018)

 



retourner dans l'article


webdesign bien à vous / © pavés. tous droits réservés / contact : info@paves-reseau.be

Chrétiens en Route, Communautés de base, Démocratie dans l'Eglise, Evangile sans frontières, Hors-les-murs HLM, Mouvement Chrétien pour la Paix MCP, Pavés Hainaut Occidental, Sonalux