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Pour un réel changement, il faut s’attaquer à quatre racines

plus profondes que les structures de l’Église

Joan Chittister
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Au sein de l’angoisse qui a accompagné la révélation d’abus sexuels d’enfants sans précédent dans l’Église catholique, on entend chaque jour, de toute part, des appels à la réforme.

Pour certains, c’est un appel à éliminer le célibat parce que c’est un mode de vie anormal et donc impossible. Pour d’autres, il s’agit d’exclure les homosexuels de la prêtrise, comme si l’homosexualité était essentiellement un modèle d’immoralité plutôt que simplement un autre état de nature – tout comme l’hétérosexualité, avec ses propres aberrations immorales. Pour beaucoup, il s’agit d’un manque de développement psychosocial dans les séminaires ; d’autres mettent en cause la libéralisation de l’Église depuis le Concile Vatican II, peu importe que le gros des agressions ait eu lieu, apparemment, avant la fin du Concile.

En effet, il existe autant d’explications à cette crise, qui concerne la morale, la spiritualité, l’Église et la confiance, qu’il y a de personnes, de diocèses, de parents, de prêtres, d’avocats, ou autres personnes. Mais il y a un élément sur lequel tout le monde semble s’accorder : il doit y avoir repentance. Il doit y avoir une responsabilité. Il doit y avoir une réforme.

Bien. Et ça ressemble à quoi ?

La plupart des demandes de réforme appellent également à une réforme des structures. Le grand consensus semble se concentrer sur les questions de savoir comment et auprès de qui les victimes peuvent enregistrer leurs plaintes. Les questions sont infinies : qui va créer les comités sur les abus sexuels ? Qui va nommer les commissions ? Qui sera sur ces forums, dans ces bureaux officiels, en tant qu’officiers officiels ? Des laïcs et des clercs ? Et quelle partie du travail ces comités partageront-ils avec le public ? Et surtout, qui détiendra l’autorité finale pour juger ces cas : le président du groupe, l’évêque du diocèse, une Curie à Rome, un tribunal papal, le pape – comme le pape Benoît XVI l’a déclaré lui-même – ou un jury de pairs ?

Eh bien, quelle que soit la réponse à ces questions techniques, je suis d’accord sur le fait qu’une réforme de structure est essentielle. Les dommages causés par le secret pontifical et son idée que les scandales ecclésiastiques devraient être maintenus secrets plutôt qu’exposés sont maintenant tout à fait clairs. Un changement de structure est évidemment impératif.

En même temps, je ne suis pas d’accord pour dire qu’un changement de structure changera vraiment quelque chose à lui seul. Pas dans une Église dont la théologie de l’autorité papale exclusive vient du pape Gélase au Ve siècle. Au contraire : nous aurons besoin de beaucoup plus que des structures. Comme l’a dit le pape François lui-même lors de la conférence des évêques du Chili en mai : « Ce serait une grave omission de notre part de ne pas plonger dans les racines… la dynamique qui a permis de telles attitudes et de tels maux ».

Le fait est que les structures valident le processus. Mais le processus ne garantit rien d’autre que l’adhésion aux valeurs, aux idéaux et – dans une Église – à la théologie qui les sous-tend. C’est la théologie qui compte.

Les structures ont toujours été utilisées pour valider le mal. Comme aujourd’hui. Rien de ce que traitent les tribunaux canoniques ne permettrait de régler le problème de la maltraitance des enfants, puisque ce sont les évêques eux-mêmes, de concert avec Rome, qui ont assuré le secret qui entretient le problème. Au nom du secret sacré, les évêques et leurs avocats pourraient intimider les plaignants par des accords de confidentialité, qualifier les enfants eux-mêmes de menteurs et ainsi déplacer la culpabilité au mauvais endroit et préserver l’Église du scandale, bien sûr pour « le bien des fidèles. »

Nous devons donc « plonger dans les racines » de ce mal. Je pense qu’il y en a au moins quatre.

François est douloureusement clair sur l’une de ces racines – le fléau du cléricalisme qui crée un système de castes dans le christianisme catholique.

Les clercs représentent moins de 1% de l’Église. Mais le cléricalisme rend ses clercs supérieurs au reste de l’Église pour ce qui est du pouvoir, de la présomption de sainteté, de l’autorité paroissiale absolue et de la garde de la responsabilité. Il éloigne les clercs à des années-lumière de Jésus qui « ne voyait pas qu’être égal à Dieu soit une chose à laquelle il faille s’attacher ». Il nous pousse à nous dire « peuple de Dieu » – comme si nous savions que nous le sommes -, mais nous ne parvenons pas à appeler l’Église cléricale à débattre publiquement des grandes « vérités » théologiques.

Ce que la déclaration de François ne parvient pas à démasquer, cependant, c’est le deuxième problème qui doit être abordé : le fait est que le cléricalisme a touché plus que le clergé. Ce sont la police catholique, les avocats, le personnel, même les parents qui ont protégé les pédophiles en refusant de porter plainte, d’écouter les enfants ou de casser le secret qui les protégeait. Cela nous dit que la théologie même de l’Église doit être revue. Que le reste de l’Église lui-même doit grandir pour assurer la christianisation de l’Église elle-même.

Une troisième dimension du problème est certainement la théologie de l’obéissance qui découle, bien sûr, de notre définition de l’Église et du rôle du clergé, mais affecte de manière particulièrement insidieuse la vie personnelle des catholiques. Elle transforme l’obéissance dans l’Église – un engagement à « écouter l’Esprit » – en une obéissance aveugle, une sorte de code militaire attaché à un ensemble de chefs cléricaux.

En conséquence, on ignore tout simplement 100% des décisions, le discernement et les perspectives morales des laïcs. Les conférences nationales des évêques, les diocèses et les prêtres de paroisse – le clergé, le 1% de l’Église – trébuchent à faire adopter des lois élaborées par quelques-uns, mais annoncées par le seul clergé.

Le pape Paul VI a joué avec l’idée de la consultation des laïcs par le clergé sur la question du contrôle des naissances – question concernant certainement le sacrement du mariage s’il en est une. Mais à la fin, sous la pression du cardinal Karol Wojtyla, qui devait devenir plus tard le pape Jean-Paul II, Paul VI a rejeté les avis de certains des couples catholiques les plus solides du monde et déclaré contraignante la législation sur le contrôle des naissances. Et nous savons où cela a conduit.

Enfin, le quatrième élément de réforme nécessaire réside dans la théologie du sacerdoce qui insiste sur le fait que l’ordination sacerdotale modifie l’ontologie de l’être humain. Traduction : un prêtre n’est pas comme les autres êtres humains. L’ordination lui donne une marque spéciale, éternelle. Ensuite, à partir de ce raisonnement, on déduit leur caractère spécial, leur place particulière dans l’Église, leur autorité spéciale, leur sainteté particulière.

Pour être honnête avec vous, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui ne soit pas spécial d’une façon spéciale. Le réserver à la prêtrise déforme évidemment le caractère du reste de l’Église. Ce qui s’est passé.

Pour moi, il me semble que nous nous retrouvons avec un péché contre la conscience adulte et l’infantilisation des laïcs. Ce avec quoi nous nous retrouvons, ce sont des questions d’Église, de cléricalisme, d’obéissance et d’ontologie humaine sans réponse et pas abordées.

Nous nous retrouvons avec une Église qui vit encore au siècle dernier tout en prétendant avoir des réponses aux questions de celui-ci. Mais c’est exactement ce qu’ils ont fait au 16e siècle lorsque Martin Luther a voulu parler du célibat, du commerce de reliques et de la publication de la Bible en langue vernaculaire pour que tout le monde, et pas seulement le clergé, puisse la lire.

La vérité est que la véritable réforme dépend des enseignements de l’Église. Pas simplement d’un changement de structures.

Comme le dit la chanson, « Apprendront-ils un jour ? »

 

Joan Chittister - USA)

Notes :
Note:

[1] Religieuse bénédictine d’Erie, en Pennsylvanie.

Source : https://www.ncronline.org/news/accountability/where-i-stand/real-change-we-must-get-four-roots-deeper-church-structures?utm_source=SEPT_20_CHITTISTER_REFORM&utm_campaign=cc&utm_medium=email



Traduction : Lucienne Gouguenheim

https://nsae.fr/2018/09/23/pour-un-reel-changement-il-faut-sattaquer-a-quatre-racines-plus-profondes-que-les-structures-de-leglise/ 



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