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Une semaine de cure…

Jean-Marie Culot
Publié dans Bulletin PAVÉS n°56 (9/2018)

Deux courtes réflexions quotidiennes, cela vous irait-il ? Comme en homéopathie, le principe (ici l’affirmation que ‘Jésus ne fut pas religieux’) est dilué au point que ça ne peut pas faire de mal :

Lundi matin.. « L’eucharistie ne serait pas religieuse », risquions-nous. Elle l’est bien sûr s’il s’agit de rencontre avec Dieu. Comme ce dernier repas où Jésus et ses amis, faisant mémoire de la sortie de l’esclavage comme d’un Bienfait, priaient avec reconnaissance.

Lundi soir. Mais elle ne devrait pas l’être si la religion[1] est le monde du sacré. Pour rappel, Paul à ses ‘paroissiens’ : « C’est le repas du Seigneur si vous vous retrouvez ensemble, à vous attendre, à partager et à faire mémoire », et donc sans autre rituel que celui-là, sans officiant, ni autel, ni sacrifice, ni miracle. Pas de sacré.

Mardi matin. Toute religion traditionnelle ne peut fonctionner qu’en entretenant des clivages, des exclusions. Elle se réserve des lieux, des périmètres, des temps, des paroles, des énoncés, des prêtres, les isolant rigoureusement du profane : nef et chœur, raison et dogme, laïcat et clergé. On ne s’approche pas, on ne touche pas, on ne change pas[2]. Tabou ! Ces indispensables exclusions et clivages décevaient Jésus, prédicateur et exemple même de la convivialité et de la fraternité.

Mardi soir. Le cœur en est le sacri-fice (faire sacré), qui détruit un être profane pour signifier son entrée dans la sphère du divin. Admis au sacer-doce (l’institution qui transmet dans l’aire du sacré), le prêtre s’approche de l’autel, fait une offrande à une divinité censée l’apprécier, mais qui reste muette : il n’y est pas question de révélation, de réciprocité. Jésus, on l’aurait su, n’a jamais opéré comme prêtre ou lévite, ni au Temple, ni ailleurs. Il n’a jamais sacrifié. La théorie d’un sacrifice personnel pour apaiser son Père est aberrante et proprement horrifiante. Les récits ne lui attribuent aucune activité ‘sacra-lisante’, ‘sacra-mentelle’.

Mercredi matin. À Tournai et à Bruxelles, de récentes ‘con-sécrations’ au service ministériel furent fastueusement et bruyamment célébrées, à la (dé)mesure peut-être de l’inquiétude quant à l’avenir de l’institution. Sans doute, la détermination des candidats est-elle à saluer et des gestes rituels peuvent être chargés de profonde signification.

Mercredi soir. Mais s’y trouvent incrustés les pernicieux clivages et d’étranges attentes en matière d’extra-ordinaire. Conduits derrière mitres brodées, crosses d’argent et toute la cavalerie, trois estimables candidats se trouvaient offerts à la vénération du peuple et, selon une très énigmatique formule, marqués d’un sceau in aeternum. Plus séparé, plus sacralisé que ça, tu meurs ! Et l’on apprenait que tel autre brabançon, ‘con-sacré’ à Bruxelles cette fois, serait bientôt voué à l’obscurité des cages grégoriennes. Dont on ne sort que mitré et bagué. Et serviteur ?

Jeudi matin.  Comme Jean d’ailleurs, Jésus se situe dans le courant de la Révélation, à la suite des prophètes, des chroniqueurs et des prédicateurs qui décèlent les gestes de Dieu dans les événements et qui inspirent les réponses des croyants. C’est un rabbi ; à la synagogue mais aussi très librement à d’autres occasions, il réactualise la Parole bienfaisante et donne l’exemple d’un culte ‘en Esprit’.

Jeudi soir.  Le christianisme a progressivement intégré dans l’héritage ‘laïc’ de Jésus les façons des ‘religions’ ambiantes. Le catholicisme et l’orthodoxie s’attachèrent à ces traditions sacerdotales avec leurs catégories du sacré et du profane, surfilées de celles, proches, du pur et de l’impur, avec l’indispensable clivage entre un personnel consacré et le commun : le Livre, mais à quelque distance de l’autel central. Seul, bien seul, le protestantisme, animé par des pasteurs prédicateurs, évacuera l’autel au profit de la chaire, sinon que, proliférant, les évangélistes appellent à nouveau le divin à travers le miraculeux. Après la destruction du Temple, le judaïsme, lui, est devenu une religion sans sacerdoce, animé par des rabbi(n)s attachés à l’inlassable réinterprétation de la Révélation. Tout comme l’islam dont un Prophète et ses prédicateurs se vouent à entretenir la fidélité à la Révélation – encore que rigoureusement encadrée ; mais le chiisme se veut régenté par une hiérarchie de droit divin.

Tant seraient ancrées, dans les esprits de la plupart des croyants, la nécessité d’une hiérarchie normative sacralisée et cette représentation que la religion doit être le lieu du mystérieux, du sur-naturel, de la trans-substance, de l’extra-ordinaire. Tant fut innovante la réforme de Jésus et peu suivie.

Vendredi matin. Pas plus que moi, vous ne partagez le pessimisme – décrété ‘lucide’ – de la fin du christianisme. Sans doute bien des signes nous montrent un système à bout de souffle, un clergé décati, des chaises d’église empoussiérées, des sacristains au chômage. La fin du sacré, du sacerdoce élitaire ? La chute de l’empire ? Pourquoi pas.

Vendredi soir. Mais l’exemple et le message de Jésus en valent bien d’autres et sans doute estimez-vous comme moi que ce sont les plus inspirants. Des milliards d’humains se sont réjouis d’être éveillés, animés par son Esprit, et d’autres milliards se réjouiront, bien évidemment. Car Il souffle où il veut.

Samedi matin. Vous rejoindrez aussi avec moi ce bien sympathique Monsignore Ladaria qui ne veut pas, la crosse plus que brandie, de femmes prêtres. Pas plus que nous. Non, pitié, pas de prêtresses tridentines. Mais par contre, oui, de grâce et merci d’avance, des héritières annonçant la Nouveauté du tombeau vide, des femmes prophétesses sur les places publiques (= nos médias), des rabbi(ne)s, des pasteures, des chroniqueuses de la Geste de Dieu, des gestionnaires exigeantes (elles savent !), des théologiennes coriaces, des inspirées de l’Esprit, des priantes de notre Dieu Père et Mère. Assez d’hommes étranglés du col, en robe et en dentelles ! Oui, des femmes en jupe. Des femmes de tête et de cœur. Des Ève(s), que diable !

Samedi soir. Mais on attend aussi un effort de la part des hommes, un effort à vrai dire redoutable. Quelques-uns, certainement, en auront le courage, au risque de trébucher, de descendre les marches et de servir à table. Bonne chance pour les autres !

Dimanche matin.  Le septième jour, se reposer. Souffler. Aspirer (à…) !

Dimanche soir.  Se retrouver à table, faire mémoire. Se restaurer.



Jean-Marie Culot (Hors-les-murs)

Notes :

[1]  La difficulté de vocabulaire est considérable. Le mot religion est le seul disponible ; il désigne aussi bien la démarche ‘en Esprit’ de Jésus que, par ailleurs, les excès de la Loi et les pratiques du Temple qui l’ont déçu, qu’il a très durement critiqués, dont il s’est ostensiblement démarqué. Problème : il n’existe que ce même mot de ‘religion’ pour dire la réforme de Jésus, originale et radicale, et toutes les autres traditions ‘religieuses’ véhiculées par l’humanité.

[2]  Comme pour leur représentation de la famille – nous y reviendrons plus bas – les gens d’Église prétendent inchangeables celles du ministère et de la Cène. Bien que proclamées au concile de Trente, dans le contexte très particulier de la Contre-Réforme, les affirmations dogmatiques sont cependant réputées intemporelles, intouchables, ‘sacrées’, émanant de la volonté et de la pensée divines.




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