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Voeux de Noël

Jean-Marie Culot
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Voeux de Noël

Ne boudons pas le plaisir de nous présenter mutuellement nos vœux de Noël en convoquant les bergers, le bœuf et l’âne, le fidèle sapin vosgien et les riantes guirlandes qui veillent sur les nuits de nos sociétés désormais multiculturelles et réservées à l’égard de nos traditions de vieille chrétienté. Puisqu’il s’agit de fêter une naissance, heureux événement.

Il est bien possible[1] que Jésus de Nazareth, enfant puis adulte, n’ait pas fêté ses propres anniversaires avec si grand bonheur ; les rumeurs et suspicions courant, il devait se savoir conçu hors mariage, peut-être catalogué mamzer. Lorsque ses adeptes commencèrent à s’intéresser, tardivement, à son enfance et en élaborèrent des récits, les évangélistes Luc et Matthieu en recueillirent des versions alors que le premier, Marc, semble les ignorer : les embarras concernant sa filiation biologique s’entremêlent aux affirmations de la foi, à l’attention de Dieu à son égard manifestée par les anges, les pauvres et les notables ; les notations historiques y sont brouillées quant aux lieux (ce ne fut pas au village du couple, à Nazareth, et ce ne put être à Bethléem), quant aux dates (les indications concernant les recensements et d’autres événements ne s’accordent pas).

Jésus, enfant, aura sans doute souffert de son statut d’impureté rituelle, des suspicions à l’égard de sa mère (malgré l’initiative de reconnaissance, mais exceptionnelle, de son père légal), de la comparaison avec ses frères et sœurs. Jeune adulte, il a connu les rigueurs des prescrits religieux qui ne permettent le mariage du bâtard qu’avec une femme pareillement réprouvée, qui restreignent les clauses d’héritage et frappent d’impureté les enfants jusqu’à la dixième génération. L’étonnement fut grand lorsqu’après son séjour dans la mouvance de Jean-Baptiste, il revient avec aplomb au village, en position de rabbi et s’imposant à la synagogue : « N’est-ce pas le fils de Marie ?»  –  et non « le fils de Joseph » ou « le fils du charpentier » comme croira devoir corriger Matthieu pour ses lecteurs juifs.

Je suis immensément admiratif et infiniment reconnaissant envers cet homme qui aurait pu s’enliser dans la marginalité, s’effondrer dans la réprobation sociale mais qui a découvert, grâce à Jean-Baptiste ou malgré lui, que le Tout-Puissant armé du feu de la justice était un Père. Y eut-il jamais prophète aussi accueillant à l‘égard des déconsidérés ? Jamais d’inspirateur de mouvement religieux, de par le monde et tout au long de l’histoire, qui se soit adressé à Dieu comme à un Père, qui ait magnifié Dieu du titre de Père, qui nous ait magnifiés du titre d’enfants de Dieu ? Cadeau infiniment précieux pour l’humanité !

Ce ne fut ni à Bethléem, ni l’an zéro du millénaire, ni le 25 décembre, ni sur la paille et ce fut sans doute dans une discrétion prudente. Mais ce fut la naissance d’un homme très remarquable qui surmonta des handicaps familiaux et sociaux, les malveillances de son entourage pour devenir un prophète de la Bienveillance et qui, exception notable dans les mondes religieux volontiers oppressifs et rigides, annonça, célébra la Paternité de Dieu. Et donc, la fraternité. Fêtons donc cette Nativité avec tout ce qui peut réjouir le cœur : de la paille fraîche, des bergers bien réveillés, des anges inspirés, des mages exotiques et, sous le sapin rutilant, nos frères (en croyance ?), l’âne incrédule et le bœuf ruminant.

Les Hors-les-Murs du Conseil de PAVÉS,

[1] Dans son ouvrage Vie et destin de Jésus de Nazareth, Seuil, 2019, Daniel Marguerat consacre son deuxième chapitre Un enfant sans père (pp. 17 à 74) à la situation familiale de Jésus. Des éléments en sont repris dans un article du Monde de la Bible dont notre revue du réseau PAVES a proposé une copie dans sa livraison n° 61 de décembre 2019, pp. 24 à 27. Nous évoquons ici la proposition de Bruce Chilton d’éclairer des aspects de la vie familiale et sociale de Jésus par le statut de mamzer (bâtard) qu’a pu connaître Jésus.


Jean-Marie Culot (Hors-les-murs)

Notes :
[1] Dans son ouvrage Vie et destin de Jésus de Nazareth, Seuil, 2019, Daniel Marguerat consacre son deuxième chapitre Un enfant sans père (pp. 17 à 74) à la situation familiale de Jésus. Des éléments en sont repris dans un article du Monde de la Bible dont notre revue du réseau PAVES a proposé une copie dans sa livraison n° 61 de décembre 2019, pp. 24 à 27. Nous évoquons ici la proposition de Bruce Chilton d’éclairer des aspects de la vie familiale et sociale de Jésus par le statut de mamzer (bâtard) qu’a pu connaître Jésus.



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