Des prêtres au sens catholique traditionnel, il y en a trop !
Jabier Pikaza
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues
Les lecteurs savent ce que le Pape a dit dans son document sur le Synode sur l’Amazonie : Pas de prêtres mariés, pas de femmes prêtres, et je suis d'accord : des "prêtres" au sens catholique traditionnel, n’en avons-nous pas trop avec ceux que nous avons ? On n’arrangera rien avec le fait que certaines personnes mariées puissent être prêtres, ou que certaines femmes soient ordonnées dans la forme actuelle du sacerdoce clérical.
Il ne s'agit pas de mettre des patchs ou de boucher des trous dans le tissu usé de la hiérarchie, mais de revenir au début de l'Évangile, de reprendre et de recréer le chemin de Jésus, avec "tous" les croyants, sans laïcs spéciaux (nous sommes tous des laïcs, du laos de Dieu, tout comme le Pape et l'évêque de ma ville), sans prêtres cléricaux (nous sommes prêtres, présence sacrée et séculière de Dieu).
Des prêtres nouveaux et différentsC'est pourquoi je suis heureux que le Pape ait dit ce qu’il a dit, car dans les circonstances actuelles, "ordonner" des femmes ou des hommes mariés pour ce sacerdoce clérical serait une tromperie, un mensonge, une erreur. Ce qui importe et ce qui est nécessaire, ce ne sont plus des prêtres cléricaux, mais des prêtres nouveaux et différents, dans la ligne de la lettre aux Hébreux, de 1 Pierre, de l’Apocalypse de Jean.
Je ne sais pas si le Pape avait en tête ce que je dis, mais aujourd’hui on ne pouvait dire autre chose que ce qu’il a dit : avec ce sacerdoce, tel qu’il est, nous ne pouvons pas vraiment transmettre l’Évangile, ni créer des communautés autonomes, même si l'Amazonie devient un désert, même si un certain type de lumière - celle du Vatican - s'éteint.
Il faut aller plus en profondeur et renouveler le sacerdoce originel et universel de l'Église, pour recréer les "ministères" les plus proches de Jésus, les plus nécessaires à notre époque, selon la parole du Mt 5 : Vous (tous, en tant qu’Église !) vous êtes la lumière du monde.
Beaucoup ne s’en rendent pas compte, mais ce changement est déjà en cours dans l'Église. C’est tout un mouvement que beaucoup d'entre nous découvrent avec joie, (car il a déjà lieu), dans des centaines d'endroits, dans des milliers de communautés..., avec de nouveaux ministres de l’Évangile, hommes ou/et femmes.
La grande majorité des femmes chrétiennes que je connais ne veulent pas être "prêtres" dans le style clérical de cette ancienne église, même si elles sont disposées à l’être, mais autrement. C’est elles-mêmes, à partir de l’Évangile, qui doivent inventer (découvrir) de nouveaux ministères de vie et de convivialité, d'amour et de pain partagé (comme le voulait M. Magdalena).
Dans des communautés qui dialoguentLes hommes mariés que je connais ne désirent pas non plus, ni ne sont disposés d’ailleurs, à être prêtres de style clérical, comme ceux d’aujourd’hui, pour porter dans leur vie la lumière de l'Évangile ainsi habillés. Le problème n’est pas d’être marié ou non, d’être femme ou homme. Le problème est d’être des envoyés de Jésus, présence de l’Évangile, pas au petit bonheur ni n’importe comment, sans plus. Ce ne peut être que dans des communautés qui dialoguent et vivent, en créant des ministères évangéliques à partir de leur propre vie, en acceptant le passé, mais en le renouvelant (car ce qui ne se renouvelle pas est déjà mort).
Le vrai problème n’est pas qu’il y ait des femmes ou des hommes mariés qui soient des prêtres cléricaux, comme ceux d’aujourd’hui, mais que l’église soit une église sœur, une amie, un peuple vivant du Christ vivant de Dieu, qui vit l’Évangile en communion. Elle sera alors capable de susciter et de confirmer d’authentiques ministres chrétiens (pas cléricaux...), femmes ou hommes, avec leur style propre et non clérical. Ce sera à partir du sacerdoce commun de tous les fidèles, non pas pour le nier, mais pour le confirmer. C'est la tâche que je propose dans mon livre Ciudad-Biblia[1] où il n'y a pas de prêtres-dirigeants créés pour gouverner la Cité-Église, mais des frères et sœurs, tous prêtres, qui y vivent ensemble.
Je réfléchis et j’écris là-dessus depuis trente ans. J’aimerais vivre encore trente ans pour voir et célébrer le changement qui commence déjà à se produire dans une multitude de communautés qui génèrent déjà de nouveaux ministères.
Il ne s’agit pas de faire mourir par décret les ministères qui existent maintenant, mais de laisser la place (mais rapidement !) à ceux qui viennent, car c’est l'évangile qui nous pousse... ! Et sinon...
Sinon, nous n'avons que quatre solutions :
1. Devenir une église de pouvoir sans plus, comme un certain Islam. Il restera une forme d’ancienne imposition chrétienne (pas celle de Jésus à l’origine) ; et l’évangile sera mort.
2. Devenir des groupuscules de sectes, comme celles qui remplacent à toute vitesse les chrétientés classiques d’Amérique. Nous ne le réalisons peut-être pas, mais l'ouragan d'un type de sectes (qui bénéfice d’un soutien politique très très douteux) est en train de changer le paysage chrétien, non seulement de l’Amérique, mais du monde entier, généralement avec peu d’évangile.
3. Nous résigner à être du pur folklore, comme c’est le cas dans de nombreux endroits de vieille chrétienté, comme en Europe. C'est ce que nous sommes devenus dans nos villes ... par exemple à Salamanque, avec ses 84 églises, dont beaucoup sont inutiles, d’autres fermées, et les plus belles des musées.
4. Ou disparaître complètement... à moins de commencer à ramer d’une autre manière. Il y a l’eau de l’évangile, et il y a des rameurs. Il est temps de s’y mettre. Nous ne pouvons pas attendre encore pendant 30 ans !
Jabier Pikaza - Espagne)
Notes :
Source : Religión Digital, 12.02.2020 Xabier Pikaza[2]
traduction : Édouard Mairlot
[1] Ciudad Biblia. Una guía para adentrarse, perderse y encontrarse en los libros bíblicos, Verbo Divino, Estella 2019
[2] Théologien, professeur à l’Université de Salamanque, exclu en 2003 (à 62 ans), prêtre marié.
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