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Célébrer autrement !

Philippe Liesse
Publié dans Bulletin PAVÉS n°63 (6/2020)


En cette période de confinement, l’Église était plus préoccupée par l’impossibilité d’assurer les célébrations dominicales que par sa diaconie envers les personnes en souffrance. Il y a eu, bien sûr, quelques prises de position des autorités ecclésiastiques pour rappeler aux croyants le devoir de charité et de réponse aux besoins d’une société en souffrance, mais il y eut surtout un appel pressant aux médias religieux pour assurer les services liturgiques en streaming. Les mêmes autorités ne se sont pas privées, par ailleurs, de ressortir les vieilles rengaines théologiques de « jeûne eucharistique et d’eucharistie de désir », rappelant ainsi aux fidèles que la pratique religieuse consiste à « assister » à une célébration.

La pandémie que nous connaissons nous offre peut-être l’occasion de ne pas nous satisfaire des offres télévisées ou radiodiffusées. N’est-il pas temps de sortir de cette théologi-eke, celle de la prérogative accordée aux clercs, pour nous lancer à corps perdu, à la suite de Jésus de Nazareth, dans la construction et l’avènement d’un monde plus humain. Il ne s’agit nullement de se prendre pour le bonhomme Atlas qui doit porter le monde entier sur ses épaules, mais plutôt pour le colibri qui va et vient, déversant une goutte d’eau à la fois sur le monde en feu[1].

Mon épouse et moi, nous essayons, bon gré mal gré, de prendre notre part à cette lutte pour l’humain, aux côtés de tant d’autres, et nous rechargeons nos accus dans le partage du pain et du vin, en mémoire de celui qui nous a promis la Vie en abondance.

Oui, le dimanche de Pâques et les dimanches qui ont suivi, nous avons célébré l’Eucharistie à deux, en confinement, et nous avons communié au corps et au sang du Christ, comme des grands, comme des adultes, en pleine connaissance et entier contentement.

Il n’était pas question d’imiter qui que ce soit ou de « faire comme ». Non, simplement un morceau de pain et un peu de vin, le texte évangélique du dimanche, une petite flamme pour nous rappeler que nous vivons ce geste de partage en nous souvenant de Jésus qui nous a tous invités à poser ce geste en mémoire de lui.

Pas d’habit particulier, pas de paroles consécratoires ou magiques, pas de prières au langage alambiqué[2]. Pas non plus d’incantations culpabilisantes[3].

Mais que va-t-il se passer lorsque nous serons déconfinés ?

Le pape François parle d’un mouvement de réforme nécessaire, non des tentatives de retour à un monde qui n’existe plus, ni un recours à de simples réformes structurelles externes, mais plutôt un changement vers le cœur de l’Evangile, un voyage dans les profondeurs[4].

Jacques Gaillot l’exprime de manière plus cinglante quand il dit refuser de signer une pétition qui réclame l’ouverture des lieux de culte : Moi je ne signerai sûrement pas une telle demande. L’important n’est pas de repartir comme avant. L’important est d’aller vers les blessés de la vie. L’humain d’abord.


Pour sortir de cette théologie de la prérogative cléricale, ne serait-il pas temps d’enfin prendre au sérieux les paroles de Jésus : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux[5] ! » Il n’y est nullement question d’un intermédiaire sacré ou patenté pour assurer la présence de Jésus. Affirmer la nécessité de cette présence, c’est maintenir une opposition fondamentale à la volonté de Jésus de nous libérer du sacré.

Même si je crois que le cléricalisme a la vie dure grâce au retranchement émotif dans le sacré, je crois aussi à la nécessité de différents ministères pour l’organisation de la communauté. Mais les ministères sont bien des services pour la vie d’un groupe.

Et si nous prenions le service pour ce qu’il devrait être ? Le serviteur est celui qui est en retrait, qui travaille dans l’ombre, qui veille à ce que tout soit prêt et à ce que tout fonctionne bien pour la réunion du groupe. Il n’est pas celui qui préside ! Il n’est pas celui qui tient le crachoir, il est plutôt celui qui règle les micros pour que la parole circule bien.

Je rêve d’une assemblée eucharistique où le seul critère de vérité et d’authenticité soit la foi de la communauté. Le responsable de la communauté devrait porter le souci de cette communion dans la foi. Il ne préside rien, mais veille à ce que les rôles soient partagés, à ce que ce ne soit pas toujours le ou la même qui préside ou qui assure tel ou tel rôle !

Par le baptême, nous participons tous au sacerdoce universel, mais nous devons sans cesse nous redire que ce sacerdoce est une mission communautaire. Elle consiste à faire grandir l’humain !

En ces temps de grand chambardement, nous pouvons accueillir les événements comme un moment opportun « pour aller en eau plus profonde et rechercher une nouvelle identité pour le christianisme dans un monde qui se transforme radicalement sous nos yeux. »[6]

Quand les femmes arrivent au tombeau, l’Ange du Seigneur leur dit : « Il n’est pas ici, il vous précède en Galilée. »

Ne rentrons donc pas dans le tombeau, ne progressons pas en marche arrière, ne repartons pas comme avant, mais cherchons-le dans notre Galilée.

30 avril 2020


Philippe Liesse

Notes :

[1] La part du colibri, chère à Pierre Rabhi

[2]  L’offrande vivante et sainte, l’éternelle offrande à ta gloire, le sacrifice parfait, etc.

[3]  Prends pitié, je ne suis qu’un pauvre pécheur, je ne suis pas digne.

[4]  Tomas Halik,  Les églises fermées, un signe de Dieu ? (article suivant, NDLR)

[5]  Matthieu 18,20

[6]  Tomas Halik.




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