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Le protestantisme, mémoire et perspectives

Louis Fèvre
Publié dans Réseau Résistances n°41 (12/2005)

Nous avons lu pour vous

 

Le protestantisme, mémoire et perspectives, collectif, sous la direction de Michel Dandoy, porte parole de l’Eglise Protestante Unie de Belgique, novembre 2005, Ed. Racine, 358 pages.

Ceci est la première partie d’un compte-rendu établi par Louis Fèvre : la suite dans nos prochains bulletins !

 

Les communautés protestantes de Belgique sont nourries de la Bible et pour la plupart si actives, la collaboration avec leurs membres est devenue pour nous une habitude telle, que nous ne pouvons laisser nos lecteurs dans l’ignorance du contenu de cet ouvrage. Il offre, du protestantisme et de son histoire en Belgique, un tableau complet, bien que les auteurs se défendent de lui appliquer le terme d’encyclopédie. Je compte établir, en une bonne dizaine de pages réparties sur deux bulletins, un condensé qui soit déjà significatif de son contenu. 

Un résumé de la table des matières permettra d’apprécier le tableau que nous offrent les auteurs : Préface d’ Herman de Croo (4 pages), Survol historique du protestantisme en Belgique (36 p.), Les protestants et la Bible (22 p.), Fonctionnement et organisation des Églises protestantes (45 p.), Foi et spiritualités protestantes (37 p.), Quelques traits sociologiques (12 p.), Médias, communication et visibilité du protestantisme (8 p.), Fondements, principes, valeurs (85 p.), Peintres et musiciens protestants belges (5 p.), Le protestantisme en France (29 p.), Le regard gourmand d’un catholique, par Paul Löwenthal, président du Conseil Interdiocésain des Laïcs (4 p.), Postface d’Elisabeth Parmentier, présidente de la Communion d’Eglises protestantes en Europe (4 p.), le tout suivi d’une bibliographie et d’une Webographie.

Mon plan sera le suivant : origines du protestantisme et référence constante à la Bible, foi et spiritualité, principes et valeurs, histoire du protestantisme en Belgique, traits sociologiques et fonctionnement des Églises protestantes.

Origines du protestantisme et référence constante à la Bible

Quelle que puisse être la paternité de ce propos, il est couramment admis que le protestant se caractérise par cette attitude : une Bible dans une main, le journal dans l'autre. Car il tient à vivre concrètement sa foi, et sa suprême référence, pour le faire, est le texte biblique.

Le recours aux Ecritures bibliques comme autorité souveraine en matière de foi est une constante de tous les mouvements de Réforme de l’Eglise du XVIe siècle et des différents types de protestantisme auxquels ils ont donné naissance.

Durant la période médiévale, l’Eglise catholique a accordé beaucoup de soin à l’étude de la  Bible, mais c’est une étude toujours soumise aux interprétations autorisées par la hiérarchie. C’est dans ses écoles que les Réformateurs ont appris à l’étudier. Le Moyen Age a connu des lectures qualifiées d’hérétiques, comme celles des Vaudois, qui se caractérisent par l’exigence de s’en tenir à la lettre de l’Ecriture. Mais cette lecture échappait à beaucoup de chrétiens de la base. Favorisant les réformes du XVIe siècle, les progrès de l’imprimerie ont mis les textes à la portée de tous ceux qui savaient lire.

La formule « sola scriptura » (l’Écriture seule) qui marque la Réforme protestante découle de la démarche humaniste par laquelle il s’agissait de purifier l’Ecriture d'interprétations successives qui sont venues l'alourdir au cours des siècles, au risque d’en obscurcir le sens et le pouvoir libérateur. Il s’agissait de placer les Écritures dans leur position de fondement, d'autorité et de norme pour la foi et pour le comportement tant individuel que collectif des chrétiens. Affirmer ce principe, ouvrait la voie à un conflit des interprétations, et pour éviter les dérives, les Réforma­teurs ont dû établir les critères d'une lecture valable.

Les Réformateurs invitent à une lecture de la Bible qui soit informée par les méthodes d’étude des textes élaborées par les savants humanistes. Ainsi, toute lecture devra faire retour aux textes en langues originales (l'hébreu, pour l'Ancien Testament, le grec pour le Nouveau) établis sur la base des manuscrits anciens les plus fiables, et se fonder sur des connaissances linguistiques et philologiques sérieuses.

Pour Jean Calvin, l'abandon de la lecture allégorique signifie que le sens littéral, de nature morale et théologique, suffit pour fonder, d'un point de vue chrétien, le sens des Écritures (les allégories expriment les idées en langage imagé). Pour lui, il s'agit de dégager, à partir du sens historico-littéral du texte, un sens spirituel, un message vivant et édifiant, c'est-à-dire une compréhension des Écritures qui touche le cœur, le centre profond de l'être humain.

Cette position de Calvin s’explique parce que, comme Luther, il estime que le texte de la Bible est clair et que le lecteur chrétien peut se passer de clercs spécialistes du déchiffrement spirituel. La Bible peut donc être vulgarisée et offerte à tous, du moins en principe, dans des traductions vulgaires considérées comme des équivalents du texte original. Dans la dernière édition, l’œuvre fondamentale de Calvin : « L’institution de la religion chrétienne », nous pouvons lire que l’autorité de la Bible n’est pas fondée sur le jugement de l’Église, mais sur le témoignage du Saint Esprit.

En étudiant l’épître de Paul aux Romains, Luther aboutit à fonder la clé de son interprétation : « Tous ont péché… et sont déclarés justes par la grâce de Dieu. Ce don leur est fait par la délivrance apportée par Jésus-Christ ». Seule la foi en Jésus-Christ rend juste aux yeux de Dieu. Un accès direct à Dieu par le Christ est donc possible pour tout baptisé. C’est ce que Luther appellera plus tard « le sacerdoce universel des croyants ». Tout chrétien est donc prêtre et le seul médiateur entre Dieu et lui est le Logos, la Parole, c'est-à-dire le Christ.

Luther consacrera les dernières années de sa vie à l’étude du texte biblique dans les langues originales et s’acharnera dans sa traduction à rendre au texte sa clarté et sa vérité. A sa mort, plus de 430 éditions de la Bible étaient publiées.

Zwingli, réformateur de la ville de Zurich, affirme comme Luther la clarté des Écritures. Mais il est amené à tirer de l’Écriture elle-même quelques règles herméneutiques : nécessité de tenir compte du contexte, non seulement immédiat, mais de l’ensemble du passage, du livre d’où il est extrait, de toute la Bible et des correspondances du texte avec  d’autres textes analogues. S’il y a pluralité de sens possibles, il faudra choisir le plus cohérent avec l’évangile.

Face à la raison et à la science des XVIIe au XIXe siècles, la Réforme se focalisera sur le statut du texte biblique dans la communauté chrétienne et sur son autorité. Pour les protestants, l’Écriture est la norme de la tradition ecclésiastique ; pour les catholiques, ce serait la tradition ecclésiastique, qui, depuis les apôtres, jugerait et interprèterait l’Ecriture. Avec le triomphe des Lumières, à la fin du XVIIIe siècle, se constitue une démarche globale de remise en question du consensus traditionnel, tant en ce qui concerne l’authenticité littéraire que la valeur historique des textes, que l’on soumet aux mêmes grilles d’analyse que les œuvres majeures de l’Antiquité classique.

Au XXe siècle, le renouveau de l’exégèse biblique renoue avec les intuitions fondamentales  de la Réforme du XVIe, sans renier les acquis des méthodes historiques et philologiques. Est privilégiée une lecture théologique qui met en valeur l’interpellation radicale  du texte biblique. Durant la seconde moitié du XXe siècle, de nouvelles démarches invitent à s’intéresser prioritairement à l’état du texte (telle l’analyse structurale). Elles montrent quelle stratégie le narrateur met  en œuvre pour amener le lecteur à déterminer son attitude.

La vague des sciences humaines déferlant dans tous les domaines de la culture, il n’est pas étonnant que certains textes bibliques aient fait l’objet d’une lecture psychanalytique. Les ouvrages de Françoise Dolto, Marie Balmary, Denis Vasse et Eugen Drewermann sont révélateurs à cet égard. La sociologie a également fait valoir son point de vue  en interprétant les textes bibliques comme les témoins de situations ou de mouvements sociaux. (Notons que les spécialistes protestants ou catholiques  se réfèrent les uns aux autres, les progrès de l’étude biblique ayant considérablement rapproché les points de vue).

Plus récemment, le philosophe français Paul Ricœur a développé une herméneutique mettant en relation dialectique explication objective du texte, exégèse, lecture savante, et compréhension subjective et confessante, permettant ainsi au lecteur de s’approprier le texte. Ricœur s’intéresse particulièrement au « genre » récit, qui sollicite la participation du lecteur. Ce dernier rebâtit son expérience à partir de l’événement que racontent les textes bibliques et de l’interprétation qu’ils en proposent.

En parallèle, et souvent à l’inverse, durant l’entre-deux guerres, le mouvement des lectures fondamentalistes opère un repli sur soi, en développant ses propres réseaux d’écoles et de diffusion médiatique. Ainsi le darwinisme et la théorie de l’évolution sont-ils combattus sans ménagements, puisque la Genèse décrit la création en six jours. Répandue en Amérique du Nord, cette lecture interprète la Bible dans sa littéralité brute (au mépris des cinquante dernières années de découvertes exégétiques). Les fondamentalistes s’appliquent le texte sacré comme s’il avait été écrit avant tout pour eux, sans tenir compte du gouffre culturel qui sépare le monde biblique du monde contemporain.

Ce biblicisme avait pris, au XVIIe siècle, au départ du monde germanique, la forme du piétisme. Cela peut se comprendre comme une réaction à la sclérose de l’institution ecclésiastique, et à son langage juridique et  souvent abstrait. Il est vrai qu’une simple lecture fervente de la Bible que chacun décode à sa façon, peut, malgré ses risques, susciter un réveil des consciences, individuel et collectif.

Tenant compte des progrès de l’herméneutique (l’art d’interpréter des textes anciens) et de l’exégèse, le protestantisme classique croit, (mais sans illusion) à la vertu de la lecture et de l’étude de la Bible. Chacun attend de son Église qu’elle lui en donne le goût. Il est d’ailleurs de tradition de posséder dans chaque famille une Bible, qui sert à la lecture et même au culte familial. La prédication, lors du culte dominical, assurée  généralement par le pasteur de la communauté, est ressentie comme une aide à trouver dans la Bible de quoi alimenter la dimension intérieure de la vie de foi.

Le message essentiel de la Bible, et celui de la Réforme, ne sont ni la loi, ni la morale, mais la grâce vivifiante donnée à celui qui sait qu’il n’a pas de vertu pour la mériter. La vanité de croire bien faire et le tourment de croire que l’on ne fait pas assez bien sont dépassés.

Les Sociétés Bibliques ont terminé en 2000 une traduction de la Bible en français courant, directement significatif et à la portée de la plupart des usagers.

Louis Fèvre (Réseau Résistances)


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