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Le magistère romain, un système bétonné?

Quelle place pour la liberté des chrétiens et pour l'Esprit?

Paul Tihon
Publié dans Réseau Résistances n°41 (12/2005)

Le 15 octobre, l'Assemblée Générale de Réseau Résistances était précédée par la conférence de Paul Tihon, à laquelle nous faisons écho. Système bétonné? L'abrégé du catéchisme de l'Église catholique (catéchisme romain) a relancé ce débat et fait demander par certains : "comment peux-tu rester dans ce machin?"

Echo recueilli et présenté par Louis Fèvre

Un système bétonné ?

Depuis le Moyen âge, la papauté a progressivement annexé la décision pour tout ce qui concerne vie et foi des communautés chrétiennes. Son autorité s'est réservé le droit d'édicter la bonne lecture de l'Écriture et des textes officiels. Au point que  ses interventions semblent traiter par omission cinquante années de recherches exégétiques et de constats théologiques. Sans parler de l'abus notoire de la notion d'infaillibilité. Les organes d'expression des laïcs, du clergé, voire de l'épiscopat, n'ont jamais de voix délibérative. Le concile Vatican II, de 1962 à 1965, constitue à cet égard une exception novatrice. Tout cela donne du catholicisme l'image, amplement répercutée par les médias, d'un groupe où les membres n'ont pas le droit de penser. Les déclarations pontificales et celles des bureaux romains sont présentés sous la forme abusive de « L'Église dit que… ».

Si l'Église catholique n'était que ce système clos, aurions-nous le droit d'y rester ? Cela s'oppose trop à l'Évangile, et d'abord à la simple humanité. Heureusement, ce qui fait l'Église, n'est pas la petite minorité des permanents de « l'appareil », mais la foule des femmes et des hommes de toute culture séduits par cet Évangile « caché aux sages et aux savants », mais « révélé aux tout petits ». Il a suscité dans l'Église tellement de réalisations humanisantes et conformes aux Béatitudes, faites de prises de risque, d'attention aux victimes de notre histoire ! L'Église est autre que son appareil vétuste. Au point que des  correctifs rectifient parfois ces tâtonnements et errements, comme la réhabilitation tardive  théologiens d'abord suspectés et mis à l'écart, comme Schillebeeckx, de Lubac, Congar et d'autres.

Une structure charismatique.

Ce qui est premier, c'est le groupe humain rassemblé autour de Jésus et participant à son Esprit. Largement oubliée, mais remise en valeur par Vatican II, la doctrine des charismes permet de rééquilibrer une vision de l'Église centrée sur les pouvoirs et l'organisation. Dans le Nouveau Testament, il s'agit de tous les dons que l'Esprit fait aux personnes qui contribuent à la vitalité de la communauté. Tous les engagements, aussi courants soient-ils, qui contribuent à construire la communauté, sont des charismes. Qu'il s'agisse de la rassembler, de l'animer ou d'assurer les services qui conditionnent sa vie et son rayonnement, ils la structurent plus radicalement que les fonctions instituées. Les services institutionnels stables reçoivent le nom de ministères, au premier rang desquels celui des apôtres, basé sur le choix de Jésus qui a désigné « les douze ». La première consigne donnée aux communautés des disciples est : « N'éteignez pas l'Esprit » (1 Thess. 5/19). La vitalité de l'Église ne dépend donc pas d'abord de la qualité de fonctionnement de la hiérarchie mais de l'activité et de l'initiative de ses membres, et de leur fidélité à l'Esprit.

Une unité qui tolère les conflits.

Second aspect qui me permet de vivre sereinement dans l'Église, l'Écriture est remplie d'exhortations à l'unité, car elle ne va pas de soi. De tous temps, les conflits ont été nombreux dans l'Église comme dans le monde. C'est à tort que l'on tente de culpabiliser la contestation. Il s'agit de réguler les conflits et d'affronter le changement sans se désengager. Les situations de crise sont des occasions de progrès. Les contestations ouvertes sont reconnues utiles et bien des déviances ont fini par s'imposer. L'unité résulte d'une tension  à travers la multiplicité des points de vue. Ainsi en est-il, dès la première génération chrétienne, de la querelle qui opposa Pierre et Paul, concernant l'obligation faite ou non aux païens convertis d'observer les prescriptions de la loi juive. Aujourd'hui, les problèmes sont multiples. Ainsi : l'accès des divorcés remariés à la communion. Mettons en perspective ce type de problème, en le situant dans le temps : il ne viendrait plus à l'esprit d'un pape de prétendre déposer un chef d'État. Ce fut pourtant la revendication de plusieurs d'entre eux.

Le sens de la foi du peuple de Dieu tout entier.

Si la hiérarchie ne peut contrôler à l'avance les charismes, si les conflits ne doivent pas nous faire peur, l'affirmation qui m'a le plus aidé à me situer dans l'Église est que le peuple de Dieu, ou collectivité des fidèles, « ne peut se tromper dans la foi ». Cette expression est celle de Vatican II (Lumen Gentium n° 12). Retenons deux exemples. L'autorité de Paul VI dans Humanae Vitae, sur la contraception, celle de Jean Paul II, concernant l'exclusion définitive des femmes du sacerdoce, sont contestées, au point que, dans le premier cas, la plupart des catholiques n'en tiennent pas compte. Il leur manque le consensus des « fidèles ». Pour durer et recevoir le sceau de l'authenticité, normes et charismes doivent être reçus par le peuple de Dieu.

La doctrine des limbes a disparu de l'enseignement, de même que certaines interprétations du péché originel, et certaines croyances concernant les anges et les démons. La réception même des anciens conciles suppose une relecture, découvrant les expressions de foi nécessaires pour que la Bonne Nouvelle soit entendue aujourd'hui. A l'occasion des controverses, c'est souvent une minorité, même brimée, qui ose énoncer ce qui deviendra demain la foi de l'Église. Par moment ce sont ces minorités qui ont témoigné de la foi véritable. Sans doute, en Occident, notre époque nous en fournira-t-elle une nouvelle démonstration.

Conclusion.

La vie de l'Église ne manque pas d'aspects qui nous permettent de dépasser nos craintes devant le dogmatisme clérical de papes, d'évêques, de théologiens ou d'autres. En définitive, c'est vous, mais vous tous ensemble, et avec tant d'autres, qui êtes juges de ce qu'il est bon de croire. La tradition vivante se découvre grâce à toutes celles et ceux qui nous ont donné le goût de croire. Nous y participons par la lecture commune de l'Écriture et grâce à la parole des prophètes de notre temps, en particulier des exégètes, théologiennes et théologiens, et, située à sa place, par la parole des évêques et du pape. Si je lui donne, mais sans inflation, la place qui lui revient, je me sens comme un poisson dans cette eau qu'est la foi de l'Église.


                                                              

Paul Tihon


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