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Le ministère féminin… vu par quatre femmes pasteures de l'EPUB

et Floriane Chinsky, première femme rabbin en Belgique

Michel Dandoy
Publié dans HLM n°102 (12/2005)

À l’occasion de l’entrée en fonction de Floriane Chinsky comme rabbin de la synagogue libérale Beth Hillel (Forest), la rédactrice en chef de la revue protestante Mosaïque, a rencontré le 27 septembre dernier, quatre pasteures de l’ÉPUB : Isabelle DETAVERNIER, Laurence FLACHON, Heike SONNEN et Judith van VOOREN.  Avec l’aimable autorisation de Michel Dandoy, que nous remercions, nous vous livrons quelques extraits de cette table ronde, axés sur la question de la spécificité de leur ministère et de la perception qu’on a d’elles dans le milieu où elles exercent leur fonction.

 

 

 

Judith van Vooren, après avoir adopté l’idée de Simone de Beauvoir, "on ne naît pas femme, on le devient", pense aujourd’hui qu’il y a des caractéristi-ques de la féminité qui lui appartiennent naturellement et qui n’ont donc rien de culturel. Sans absolutiser les différences entre hommes et femmes, on doit reconnaître qu’une femme a d’autres façons d’aborder les choses de la vie. Pour ce qui est du ministère pastoral, son expérience semble lui avoir montré, par exemple, que les femmes sont plus souples que les hommes dans leur rapport à la vérité, ces derniers pratiquant trop souvent l’imposition en ce do-maine. De plus, en tant que femme, elle a pu se permettre des façons d’être et d’agir qui ne correspondaient pas aux standards pastoraux et qui ont pourtant été acceptées. Cela ne lui a toutefois pas valu que des éloges, surtout de la part de collègues masculins qui ont tendance à se conformer à ces standards.

Isabelle Detavernier pense d’ailleurs que le caractère minoritaire et  "exotique" du pastorat féminin lui a donné, à elle en tout cas, un plus grand espace de créativité. Dans les communautés où elle a exercé, son ministère a suscité une curiosité positive, ce qui lui a ouvert certaines portes et un crédit certain. Elle a eu la possibilité de se démarquer par rapport au modèle masculin quoique, sur certains points, elle ne se soit pas jugée à la hauteur, là où des hommes l’auraient sans doute été.

Floriane Chinsky n’avait pas, au départ de son parcours, la conscience d’une spécificité féminine dans le comportement religieux ni d’intérêt pour la différence sexuelle en ce domaine, bien que les stéréotypes féminins ne manquent pas dans la communauté juive.  C’est seulement lorsqu’elle s’est retrouvée en Israël, notamment au contact d’Américains, qu’elle a compris le féminisme et ses enjeux.  Elle accorde cependant plus d’importance à ce que les femmes et les hommes ont en commun qu’à leurs différences, à la différence singulière de chaque être humain, qu’il soit homme ou femme. Ceci dit, être femme et rabbin est à la fois une chance et un problème, un problème car une inévitable déclaration "politique". En effet, beaucoup de pratiques juives sont attachées à l’homme, pour des raisons historiques, non pour des raisons qui tiendraient à l’essence de la tradition juive. Ainsi, ce qui est simple et évident pour un garçon juif devient problématique pour une femme. Elle doit alors pouvoir justifier son parcours en tant que femme en confrontation avec les opinions de la tradition, en se rattachant de manière dialectique au débat rabbinique qui trouve son modèle dans le Talmud. De-venir rabbin, pour une femme, est donc de façon évidente un choix, un acte spirituel certes, mais aussi un acte "politique" par rapport aux usages de la communauté juive, acte qu’elle doit être prête à assumer. Cette difficulté a quand même l’avantage d’obliger une femme, plus qu’un homme, à creuser plus profondément du côté du sens de ses choix, du sens de son ministère. Fort heureusement, la difficulté est toute relative à la synagogue Beth Hillel, en ce que celle-ci conçoit sa vie religieuse sur un mode égalitaire. 

Laurence Flachon attire l’attention sur le langage. Elle a été surprise que la féminisation du terme "pasteur" puisse parfois susciter des réserves alors qu’elle est habituelle dans certains pays, par exemple en Suisse, où le pasto-rat féminin est lui aussi plus courant et le protestantisme majoritaire. Or les études sur le langage montrent combien celui-ci, à la fois, reflète et façonne les mentalités… Elle reste cependant optimiste : même si le pastorat féminin suscite encore quelques réticences, la plupart des personnes reconnaissent le travail effectué et se refusent à juger a priori. Devenir pasteur(e) est donc plus une question de compétences à acquérir, de personnalité que de genre.

Laurence Flachon se méfie aussi des "qualités" qui seraient attribuées de manière immuable à l’un et l’autre sexe car cette catégorisation enferme plus qu’elle ne libère. Il est hasardeux de dire, par exemple, qu’une femme parce qu’elle est une femme, a plus de dispositions à l’écoute qu’un homme : les contre-exemples ne manquent pas évidemment …

En finale, Floriane Chinsky estime en tout cas que les difficultés spécifiques aux femmes dans l’exercice de leur ministère sont une question dont il vaut la peine de débattre, même entre ministres (au féminin !) de traditions religieuses différentes. Raison pour laquelle Madame le Rabbin (eh oui ! pas de féminin : "rabbine" ne serait pas très heureux !) et Mesdames les Pasteures se sont promis avec enthousiasme de se rencontrer à nouveau. Amorce également d’un dialogue interreligieux ?

Michel Dandoy (Eglise Protestante)

Notes :
Extrait de MOSAÏQUES, n°10, novembre 2005, p.7-8.



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