PAVES et la paix
Sylvie Kempgens
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Ce 20 janvier 2007, au Centre culturel protestant de Rixensart, une trentaine de personnes se sont réunies pour tenir l’assemblée générale du réseau PAVES-Pour un Autre Visage d’Eglise et de Société.
Après un temps convivial d’apéritif et de pique-nique, l’assemblée a fait le point sur toutes les collaborations que le réseau a permis de mettre en œuvre depuis un an et demi.
Première décision d’importance : un bulletin commun va enfin voir le jour cette année ! En effet, trois groupes membres de PAVES (les Communautés de base, Hors-les-Murs et le Réseau Résistances à Bruxelles) ont décidé de fusionner leurs revues. La publication, trimestrielle, reprendra également l’encart de PAVES, et le groupe ‘sans revue’ Abrame a décidé de s’associer à cette collaboration. Pour ce faire, un comité de rédaction commun va être formé. On peut qualifier cette décision d’historique, car l’assemblée générale demandait depuis longtemps ce regroupement des énergies ! Le premier numéro paraîtra en septembre, et comportera une soixantaine de pages.
Une commission pour optimaliser les contacts internationaux fonctionne depuis un an maintenant. Elle réunit cinq personnes et se charge de :
- faire circuler l’information reçue des groupes étrangers ;
- améliorer la représentativité de la/les déléguée(s) aux rencontres internationales ;
- travailler à plusieurs pour fournir « du contenu » aux apports belges ;
- prendre connaissance et commenter les rapports et propositions qui arrivent de l’étranger ;
- appuyer des prises de position au niveau européen.
La commission avait notamment réfléchi aux points à défendre lors de la conférence 2006 du Réseau européen (RE) Eglises et Libertés qui s’est tenue à Wiesbaden. Notre déléguée, Edith Kuropatwa-Fèvre a donc attiré l’attention du RE sur l’importance de :
- garantir le fonctionnement démocratique du Réseau européen,
- être présent sur Internet,
- appuyer le travail comme OING à Strasbourg, auprès du Conseil de l’Europe.
Apparemment, elle a été entendue puisque des efforts sont faits pour que les personnes qui participent aux réunions soient vraiment des représentants de groupes locaux, et que le Réseau européen vient d’ouvrir des pages web.
PAVES décide de prévoir financièrement l’inscription de deux représentants belges à la conférence 2007, qui aura lieu à Lisbonne.
Deuxième grande instance internationale : IMWAC - International Movement We are Church, dont une délégation a pris part au Forum social mondial à Nairobi. Une autre religion est-elle possible ? C’est apparemment le vœu d’un courant contemporain, soucieux de se retrouver autour de valeurs communes. N’est-ce pas au risque de perdre ses propres valeurs et convictions, en glissant vers un syncrétisme ‘flou’ ? Le sujet devra assurément être approfondi.
La commission donne aussi quelques nouvelles de groupes flamands très actifs, mais qui se désintéressent passablement de la réforme de l’Eglise, se consacrant notamment à des activités de formation biblique, sociologique, œcuménique (p.ex. l’association Motief). Nous sommes bien sûr toujours les bienvenus à leurs activités, une fois surmonté l’obstacle linguistique …
Autre réalisation qui atteint maintenant sa vitesse de croisière : le présent site, qui offre des pages de présentation de chaque groupe, un agenda régulièrement approvisionné, plusieurs centaines d’articles mis en ligne, et un forum au succès plus mitigé …
Les chiffres de fréquentation du site sont réellement encourageants : une trentaine de visites par jour en temps normal, plus de cent pendant les jours qui suivent l’envoi de la newsletter. Il est toutefois demandé de tenter de rééquilibrer les sujets abordés dans les textes du mois.
Sur un plan plus pratique encore, chaque groupe est invité à apporter sa cotisation annuelle au réseau, sur base des dépenses prévisibles (principalement, la participation financière aux activités internationales et la maintenance du site). Et appel est lancé à renouveler l’équipe du Bureau, composé de trois personnes au minimum, qui exécutent les décisions prises lors des réunions du Conseil (lequel rassemble tous les quatre mois les délégués de chaque groupe). Il est important et salutaire que les responsabilités tournent dans notre réseau, pour qu’il continue de signifier rencontre et enrichissement mutuels en interne, et d’assurer efficacité et visibilité accrues vis-à-vis de l’extérieur.
Pour la seconde partie de l’après-midi, une table-ronde a été rassemblée pour réagir au slogan « No religion, no war ? ». Les intervenants vont à tour de rôle donner des pistes de réflexion pour illustrer nos engagements possibles pour la paix aujourd’hui.
En introduction, Edouard Brion du Mouvement Chrétien pour la Paix, évoque le décès de Jean Van Lierde, qui marque réellement la fin d’une époque pour le mouvement pacifiste. Il relève le paradoxe qui veut que les mouvements de paix (comme le MCP, ou le MIR/IRG) connaissent des difficultés croissantes pour mobiliser, alors que nous vivons dans un monde où la guerre redevient actuelle, voire normale, et où resurgit le concept de « guerre juste ». A ce propos, il faut reconnaître que cette idée de « guerre juste » a longtemps été acceptée dans le monde chrétien … Et le refus de porter les armes n’a réellement été promu qu’à quelques moments bien précis dans l’histoire chrétienne.
Face au pacifisme classique, Edouard Brion relève de nouvelles formes d’engagements (telle la mobilisation contre certains types d’armes comme les mines anti-personnel, les armes à sous-munition ou à uranium appauvri, mais cet angle d’attaque n’est qu’une réaction aux conséquences de la guerre ...), et des initiatives comme les sessions sur la non-violence ou sur le tourisme et la paix.
Sur le plan plus spécifiquement religieux, il est indéniable que les religions redeviennent facteurs de guerre. Cela nécessite de s’intéresser de façon sérieuse à tout ce qui relève de l’interreligieux et de l’interculturel. Et Edouard Brion lance un appel aux chrétiens, et notamment au réseau PAVES : qu’ils œuvrent à faire de la religion un facteur de paix ... C’est dans cet esprit que le MCP a organisé en novembre 2006 un voyage en Terre Sainte, autour des préoccupations de paix et de justice : il s’agissait de soutenir la population, et particulièrement les initiatives de paix que prennent les différentes religions, notamment en rencontrant des personnes et des groupes qui œuvrent dans cet esprit.
C’est de ce voyage et de ces rencontres que témoigne ensuite Jacqueline Delcorps qui parle de résistance avec le sourire et s’efforce de mettre en évidence, à côté des violences, des humiliations et de l’enfermement généré par le Mur, la qualité de l’accueil reçu tout au long du voyage et les actions pour la paix qui sont entreprises au cœur des zones les plus éprouvées :
- l’association France-Hébron qui forme des éducateurs et travaille sur la non-violence et la santé mentale (face au « mur psychologique », au développement d’une psychologie carcérale) ;
- l’Association des rabbins pour la paix ;
- des initiatives prises pour défendre les droits des Palestiniens, comme l’aide fournie pendant la saison des olives (aider à passer les récoltes aux points de passage du Mur), un soutien juridique pour aider les Palestiniens confrontés à la destruction « administrative » de leur maison, une formation sur les droits humains dispensée aux soldats et aux jeunes qui entrent dans l’armée ; ….
Jacqueline Delcorps témoigne que, dans le courant de mort, le dialogue interreligieux existe par endroits, et permet que passe un courant de paix … Mais elle nous ramène aussi l’appel du patriarche latin, Michel Sabbah, qui demande aux Occidentaux de faire pression sur ceux qui peuvent faire la paix. Il n’y aura pas de sécurité sans respect et sans solidarité avec l’autre.
La parole est ensuite donnée à Rosine Lewin, de l’association « Femmes pour la paix ». Pour elle, c’est bien clair : comme il n’est pas besoin de croire en Dieu pour vivre des valeurs d’humanité ici-bas, il n’est pas nécessaire d’être croyant pour rêver de paix. Elle s’inquiète même des manifestations religieuses que connaît notre époque, et des nouvelles guerres de religion, qui font se sentir impuissants comme jamais ... Or, ce sentiment est dangereux, qui peut mener soit à de la frilosité, soit à un aventurisme dangereux..
Actuellement, le monde connaît une situation où le droit international est nié, avec morgue, par le pouvoir violent des Etats-Unis, qui n’ont pas d’opposants directs et exigent, notamment de l’OTAN, des dépenses militaires toujours plus importantes.
Alors, que peut-on faire ? Rosine Lewin propose plusieurs approches :
- le voyage en Palestine : être nombreux à partir là-bas, même si c’est de plus en plus terrible ; aller voir et porter témoignage ;
- réhabiliter l’action politique, au delà des scandales ;
- orienter le travail vers les jeunes, qui semblent plus attirés par Attac et le mouvement altermondialiste que par la politique : leur apprendre à décrypter la télévision, les initier de façon durable aux choses de la politique ;
- inventer un service civil ou politique entre la fin du secondaire et la vie professionnelle.
Quant à la question palestinienne, Rosine Lewin est très claire : la situation au Moyen Orient ne sera pas débloquée sans solution politique au conflit israélo-palestinien. Elle peut se permettre de dire que la mauvaise conscience des Occidentaux vis-à-vis de la Shoah est mal placée : le génocide juif n’a aucun rapport avec la Palestine ; la Shoah est une affaire d’Européens ; les Palestiniens n’ont pas à en payer le prix, et l’Europe doit oser promouvoir la solution politique sans redouter d’être taxée d’antisémitisme.
Ensuite, Carla Goffi du MCP rappelle l’histoire récente du courant pacifiste : idéologique et radical dans les années ’70 (pour cesser de fabriquer de l’armement, il fallait s’approprier l’outil de production), le pacifisme est aujourd’hui davantage concret, avec les Brigades internationales pour la paix, les militants qui prennent le risque de s’interposer sur le terrain des luttes armées, les opérations symboliques mais spectaculaires p.ex. contre les sous-marins ou les bases militaires nucléaires.
Face au slogan habituel qui fait de l’Union européenne un facteur de paix pour les populations qui y vivent, Carla Goffi attire quand même l’attention sur des aspects qui pour être moins idylliques, n'en sont pas moins communément acceptés : p.ex. celui des armées nationales ou européenne, avec l’envoi dans le reste du monde, de militaires et d’armement …
Résolument anti-militariste, le MCP soutient, lui, une proposition de loi qui permettrait au contribuable belge d’être ‘objecteur fiscal’ (de pouvoir dédicacer une partie de ses impôts à un fonds pour la paix).
Pour terminer le tour de la question, Gisèle Vandercammen présente rapidement la Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie (CNAPD), où elle-même représente le MCP, et signale les fiches thématiques CNAPD, qui peuvent notamment servir d’outils pour voir plus clair dans les grandes problématiques, parmi lesquelles : la place exorbitante prise par l’OTAN face à l’ONU, ou la liaison contre nature militaire-humanitaire.
Une séance de questions-réponses permet des points d’éclaircissement, et Rosine Lewin redit que le silence et l’apathie internationale face au commerce des armes et à tous les conflits, trouvent probablement leur source dans le matraquage médiatique qui neutralise, réalise un véritable lavage de cerveaux et cause un grand déficit démocratique ; ne nous laissons pas happer par le jet continu de la télévision, soyons vigilants, et cherchons les programmes de qualité, les journalistes honnêtes, les organes de presse valables !
La journée se clôturera avec un mot de notre hôte, le pasteur Marc Dandoy, qui nous dira toute l’importance, lorsque l’on œuvre pour un autre visage de l’Eglise (catholique) et de la société, de ne pas négliger d’offrir une autre lecture des Ecritures.
Sylvie Kempgens (Communautés de Base)