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Des ministères autogérés

Pierre de Locht
Publié dans HLM n°69 (10/1997)

 

Pour répondre à leurs véritables besoins, c'est aux communautés elles-mêmes à déterminer les services ou ministères qui leur sont nécessaires. Les réglementer d'autorité, et qui plus est de manière universelle, entraîne inévitablement une inadaptation à la diversité des besoins, ainsi qu'au rythme de mûrissement, propres à chaque communauté de foi.

En outre, les membres de la communauté sont en principe les mieux placés pour assumer adéquatement ces ministères. Ils répondent ainsi à la vocation même de tout baptisé. Car la foi chrétienne ne se vit pas pour son seul bien personnel, mais comme une option de vie, en solidarité avec les grands problèmes du monde, insérée dans des communautés de ressourcement et de célébration. L'expérience montre assez que, sans ces engagements en coresponsabilité, l'adhésion au message évangélique se recroqueville dans une spiritualité étriquée et passive.

Ce sera donc prioritairement en fonction des appels émanant de la base ainsi que des charismes propres à chacun, que se préciseront et qu'évolueront les ministères aptes à rendre les communautés vivantes.

Chaque communauté - lieu prioritaire de la vitalité de l'Église - a besoin, pour rester vivante, d'être reliée activement aux autres, à l'Église de Jésus Christ qui, comme dit saint Paul, vit toute entière à Ephèse, à Antioche, à Jérusalem .... , et aussi à Bruxelles, à Liège, à Rome, en tous lieux.

Il importe donc que la communauté fasse part aux communautés sœurs des ministres qu'elle se choisit et des options qu'elle prend. Il en sera de même à l'égard de l'entité diocésaine et de l'évêque, qui est particulièrement chargé des relations entre communautés, et dont les décisions d'autorité ne devraient être qu'exceptionnelles, et non le mode habituel de fonctionnement. La ratification par l'évêque des choix faits à la base prend alors son vrai sens, en intensifiant des collaborations stimulantes qui permettent à l'entité de base de ne pas s'isoler dans des réalités trop étroites, et à l'instance diocésaine d'être riche de l'apport diversifié et multiple des différentes communautés.

Ainsi les services ou ministères inaugurés à la base sont reconnus sur un plan plus large et ordonnés au bien de l'ensemble.

L'ordination, on le voit, prend ici une signification assez différente de celle qui s'est imposée dans l'Église avec comme conséquence de "sacraliser" les actes ministériels et de scinder les fidèles en deux catégories, réduisant l'immense majorité de ceux-ci au statut de soumission face à un petit nombre, seul habilité à approfondir le message évangélique et à réglementer la foi de l'ensemble.

Ce n'est dès lors plus la vie entière dans ses implantations concrètes, quotidiennes, qui est sacramentelle, c'est-à-dire révélatrice de la présence gratifiante de Dieu, mais des démarches liturgiques, dotées quelque peu magiquement d'une force particulière. Le quotidien dans toute son ampleur, là où vivent et militent les gens, est laissé à sa profanité, le religieux devient un monde à part, où seul un petit nombre, exclusivement masculin, détient tous les pouvoirs et sur les humains et sur Dieu.

Il n'est pas sérieux de suspecter chez les laïcs, et spécialement chez les femmes qui aspirent à participer à part entière aux services et responsabilités ministérielles, une recherche indue de pouvoir, lorsqu'on en est soi-même détenteur, tout en se convainquant que pour soi ce n'est que service généreux et désintéressé.

Si "le prêtre est un autre Christ qui vit une amitié absolument spéciale avec lui", comme l'exprimait récemment le préfet de la Congrégation du clergé, il ne reste aux laïcs, et en particulier aux femmes, par rapport à la foi chrétienne, qu'un statut subalterne et de seconde zone.

En établissant une séparation tranchée entre deux catégories de chrétiens ayant non seulement des responsabilités foncièrement différentes, mais un degré de proximité avec le Christ d'une toute autre densité, on enlève à l'ensemble sa vitalité, sa capacité créatrice et constamment novatrice. Ce type d'organisation institutionnelle, si peu conforme au message évangélique, sera de moins en moins accepté dans un ' monde où, heureusement, hommes et femmes prennent conscience de leurs dons et de leurs responsabilités.

Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir un nombre sans cesse grandissant d'hommes et de femmes se désintéresser d'une Église qui maintient des cloisonnements et subordinations indues, et chercher ailleurs à vivifier leurs talents et leurs engagements.

Mais à côté de ceux que l'Église n'intéresse plus, nombreuses et vivantes sont les petites communautés chrétiennes qui s'organisent en marge des directives officielles. Et cela, nullement par réflexe contestataire, mais tout simplement parce que, chrétiens, ils ont besoin de ressourcer leur adhésion de foi. Et puisque l'autorité maintient disciplinairement des règles de fonctionnement qui étouffent au lieu de vivifier la foi, ils suscitent modestement, prudemment, sans forfanterie, dans le respect mutuel, les modalités de services et de ministères qui leur permettent de rester des vivants. Il leur faut respirer. Ont-ils tort de susciter ce dont ils ont besoin?

Leurs initiatives et recherches préparent probablement l'Église de demain, comme les avancées vécues à la base, dans la "désobéissance" prophétique, ont préparé Vatican II.

 

Pierre de Locht


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