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Kerk en Ambt

Quelques réflexions critiques

Ignace Berten
Publié dans HLM n°110 (12/2007)

J’adhère tout à fait à la perspective théologique de fond qui sous-tend le texte et qui, pour l’essentiel, est celle de Schillebeeckx. Dans le rapport communauté - sacrement - ministère, il y a urgence à rétablir la véritable hiérarchie des normes de la foi.

La communauté croyante est première. L’eucharistie, comme le déclare constamment le magistère de l’Église catholique, est fondatrice et instituante de la communauté chrétienne et de l’Église. De ce point de vue, il y a une différence symbolique majeure entre une eucharistie et une assemblée de prière non eucharistique (ce qui ne signifie pas qu’il faut multiplier les eucharisties en n’importe quelle occasion). Et le dimanche est proprement jour eucharistique de la communauté. De ce point de vue encore, ecclésiologiquement, il y a un droit des communautés à la possibilité de célébrer l’eucharistie.

La communauté et le droit à l’eucharistie étant premiers, ce droit ne peut être conditionné à une forme définie en soi du ministère (homme, célibataire, ordonné à vie), si cette forme se montre incapable de répondre effectivement au droit premier : la structure du ministère et ses formes doivent être pensées de telle sorte que la communauté puisse réellement vivre sa dimension eucharistique (il en va de même d’ailleurs pour les autres sacrements : qu’on pense aux aumôneries d’hôpital pour le sacrement des malades et de la réconciliation, aux aumôneries de prisons pour la réconciliation, etc.). De ce point de vue, que le ministre soit homme ou femme, célibataire ou marié, hétérosexuel ou homosexuel, est second.

J’adhère donc à la proposition de fond : le choix de présidents (voor-gangers) par la communauté, compte tenu d’une série de critères : qualités humaines et de foi, sérieux de la formation, confiance de la communauté ; et que ce choix soit présenté à l’évêque pour institution dans le ministère.

Cela dit, j’ai quand même l’une ou l’autre perplexité et résistance vis-à-vis du texte.

En ce qui concerne la forme du ministère lui-même, il me semble que plusieurs précisions seraient à apporter : j’éviterais de parler d’ordination (je pense que le texte ne le fait pas), et je préciserais deux choses : il s’agirait d’un mandat sacramentel, pour une communauté déterminée (pas un ministère général) et pour un terme déterminé (je pense que ce n’est dit nulle part) : cela me paraît fondamental, si on veut éviter une nouvelle cléricalisation. Ce ministère proprement communautaire serait donc différent du ministère presbytéral ordonné, comme permanent à temps plein (qui devrait pouvoir être aussi conféré à tout croyant ayant les qualités requises et la disponibilité à l’engagement, quel que soit son sexe ou son statut) ;

­ Je pense aussi qu’il faudrait approfondir la question de la relation entre ministères particuliers, ce dont il est question ici, et ministère épiscopal. Il ne suffit pas de dire que la communauté présente à l’évêque pour l’imposition des mains, sans dire aussi que celui-ci a une responsabilité de discernement.

­ Il est vrai que dans la situation présente de l’Église catholique, il est invraisemblable que les évêques néerlandais acceptent d’assumer une telle pratique. Je pense qu’il y a urgence à ce qu’il y ait vraiment débat théologique au sein de l’Église à ce sujet, et ce débat ouvert pourrait commencer aux Pays-Bas, pourquoi pas… Les conditions ecclésiales actuelles ne sont évidemment pas favorables à une telle possibilité. Mais on peut toujours espérer et rêver.

­ Le document se présente comme un texte de débat et il pose en même temps une sorte d’ultimatum : si les évêques n’acceptent pas ce dialogue et d’aller en ce sens, ce qui est une évidence à l’heure actuelle, alors invitation est faite aux communautés à passer outre, dans la transgression (il est vrai que des pratiques de transgression peuvent parfois ouvrir des voies, mais pas quand elle apparaissent directement comme des provocations). Je suis convaincu que cela rend a priori impossible tout dialogue, déjà difficile par lui-même : on ne dialogue pas sous la menace. Je pense donc qu’il y a là une erreur politique.

Et finalement, je me pose la question. Supposons que la pratique se répande, que les évêques réagissent par des procédures d’exclusion, et sans doute de la part de Rome d’excommunication (ce qui est assez vraisemblable), peut-on imaginer pour l’avenir que des générations plus jeunes choisissent de vivre leur foi dans des communautés qui de fait ont rompu la communion, même si, à l’évidence, il n’y a pas eu d’intention d’une telle rupture ? Du point de vue du ministère, la situation n’est peut-être pas fondamentalement différente de celle du schisme Lefebvre, à l’autre bout de l’éventail ecclésial… Le christianisme devient de plus en plus minoritaire dans la société hollandaise (en 30 ans le pourcentage de ceux qui déclarent adhérer à une Église est passé de 75 à 45%...), je crains que, pour l’Église catholique, cela accentue encore le mouvement, la génération plus jeune ne pouvant se reconnaître ni dans la rigidité actuelle de l’Institution ni dans la marginalisation de communautés autogérées.


Ignace Berten (dominicain)

Notes :
24.09.07

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