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Regroupement de paroisses ou érection de petites communautés ?

Louis Fèvre
Publié dans Bulletin PAVÉS n°16 (9/2008)

Dans le contexte de sécularisation qui se répand en Occident, la baisse vertigineuse de la pratique religieuse et l’extinction progressive de la fonction sacerdotale chez les catholiques belges entraîne une série de réactions pastorales dont on peut douter du bien fondé.

Le nombre de paroissiens pratiquants se réduisant, comme celui des prêtres en exercice, les évêques regroupent les paroisses sous l’autorité des quelques prêtres qui continuent à pouvoir exercer leur ministère. Vaille que vaille, on les épaule ou on les remplace dans certains secteurs par des apports étrangers de prêtres de passage pour leurs études, ou incorporés aux diocèses belges avec une connaissance sommaire de la langue, des réflexes et de la mentalité de la population à laquelle ils sont envoyés. On complète aussi leurs rangs clairsemés par les générations réduites des ordonnés, formées ou déformées en réaction aux orientations conciliaires et à « l’Action Catholique ».

Ces prêtres sont souvent limités dans leurs contacts et leurs activités à l’exercice du culte sacramentel, voire coupés des communautés de vie multiples où se joue les destinées de leurs paroissiens. Nous sommes loin du curé enfoui dans son petit village, Or, les sacrements sont des signes destinés à transformer efficacement notre vie, et non des rites opérant sans implantation vitale.

Si certaines de mes affirmations paraissent outrancières, veuillez consulter des sociologues sérieux, prolongez les courbes démographiques de l’âge et du nombre des prêtres de dix ou vingt ans, prenez en compte les données sur l’évolution des attitudes pastorales… Et, sans vous faire les avocats du diable, tirez vos conclusions. Vous constaterez le désert spirituel que constituera une Église belge réduite à quelques oasis assoiffées, s’il y faut des prêtres fidèles à l’évangile pour la conduire.

Il n’est pas rare que les chrétiens actifs et surtout que les équipes des mouvements, et les communautés de base soient méconnues du clergé d’importation et du nouveau clergé, et qu’elles doivent trouver par elles-mêmes leur animation spirituelle, alors que, dans certains cas, elles n’ont pas encore acquis la maturité qui leur permette de s’auto-animer en s’appuyant sur un réseau de chrétiens laïcs solide.

Les enquêtes conduites par le Conseil Interdiocésain des Laïcs des diocèses francophones sont assez sérieuses et explicites pour nous convaincre de ces constats, au cas où nous douterions encore. Les observations du Conseil Interdiocésain des Laïcs des diocèses flamands ne sont, semble-t-il, pas si éloignées de ces derniers constats.

Mais, il ne suffit pas de constater ces faits et de les déplorer. Après tout, les évêques font ce qu’ils peuvent, et suivent la ligne pour laquelle les deux derniers papes ont délibérément choisi la majorité d’entre eux, qu’il me soit permis de le dire : en réaction au dernier Concile dont ils ont tenu à corriger les effets les plus dévastateurs pour ce qu’ils considéraient comme l’avenir sûr et souhaitable de l’Église catholique. Que serait-il arrivé si le Vatican avait tenu à prendre au sérieux la Constitution sur l’Église, la Déclaration sur la Liberté religieuse et le Décret sur l’Eglise dans le monde de ce temps ?

Quelles sont donc les lignes de force de la politique pastorale suivie actuellement par l’épiscopat belge ? Et qu’auraient-elles pu être ? N’exerçant aucun mandat officiel pour apprécier les politiques pastorales, mais vivant avec conviction ma liberté religieuse, et profondément attaché à « mon » Église (qui est, de fait, la catholique, malgré ses innombrables défaillances), me voici d’autant plus libre de parler. Après tout, si mon mouvement Réseau Résistances, au sein de Pour un autre visage d’Église et de Société, s’est voulu poste de vigie, c’est bien pour agir lui-même et pour s’exprimer parfois publiquement.

Schématiquement, et donc en prétendant à une exactitude fondamentale, mais campée sans nuances, à grands traits, le regroupement paroissial qui s’opère sous nos yeux, accentue la ligne de l’organisation hiérarchique des Églises diocésaines. L’autorité de quelques prêtres y est renforcée. Heureusement, quelques-uns d’entre eux sont de vrais prophètes.

On aurait pu renforcer, je ne dis pas au contraire, mais plutôt, la ligne des communautés, des communautés à taille humaine, où chacun est en relations directes avec chacun des autres, où les décisions se prennent démocratiquement et souvent par consensus, où la hiérarchie a pour premier rôle de susciter, former et respecter les processus communautaires.

Et pourquoi donc avons-nous parlé du Concile Vatican II ? Tout simplement parce que la Constitution sur l’Église avait renversé, en principe, la pyramide hiérarchique, en définissant l’Église comme peuple, au service duquel se mettait une hiérarchie. Nos précédents articles sur la démocratie dans l’Église et tout le travail du groupe de P.A.V.É.S. qui en porte le nom sont assez explicites pour nous éviter d’y revenir ici.

Les décisions pastorales officielles, axées sur le regroupement des paroisses dans la ligne de la pensée vaticane, me paraissent en harmonie avec les insistances actuelles de la papauté, mais non avec celles de Vatican II. Il serait d’ailleurs destructeur d’opposer systématiquement l’autorité du pape et celle du concile. Leurs rapports de force, si l’on voulait dénaturer l’Église en la réduisant à ce type de concurrence, n’ont d’ailleurs cessé d’évoluer au cours de l’histoire et peuvent encore le faire. Nous savons simplement que tout élément doctrinal proposé par les instances compétentes de l’Église ne s’impose à la foi des chrétiens qu’une fois reçu par ce même peuple.

On l’a assez dit : Jésus lui-même n’a pas fondé de religion ni organisé d’Église. Toutefois, la consigne eucharistique : « Faites ceci en mémoire de moi », et le rassemblement du groupe des Douze, sont fondateurs des assemblées eucharistiques communautaires autour du repas du Seigneur et, pour le moins, d’une hiérarchie de référence et d’animation.

Les communautés chrétiennes naissantes ont multiplié les premières, et développé la seconde, tout en instaurant entre elles les liens qui faisaient d’elles toutes l’unique Église du Seigneur, la Grande Assemblée.

À l’orée de ce monde neuf, dont nous avons encore à nous faire reconnaître, quel modèle plus pertinent que celui des premières communautés suscitées par l’évangile de Jésus de Nazareth serait donc opportun ?

Si, maintenant, nous voulons entendre ce que « l’Esprit dit aux Églises », qui allons-nous écouter ? À quel moment ? Et dans quel contexte ? Il est surprenant d’accumuler les : « Entre nous, mais ne le répétez pas… » Car les avis évoluent et les appréciations varient alors. Et toutes les enquêtes montrent que même les pratiquants les plus classiques pensent et font autrement que ce que les autorités ecclésiastiques leur disent officiellement de penser et de faire. Et ce divorce, cet écart me paraît regrettable. Qu’est cette foi écartelée ou informe ? Que peut-elle signifier au monde ?

D’autre part, dans ce monde manipulé par la publicité et les médias, le public pétrissable entend souvent la formule « l’Église dit que ». Qui est donc cette fameuse Église ? La masse des pratiquants ? Les croyants, mais lesquels ? Les spécialistes de l’appareil ? Le Vatican et ses évêques, mais confisquez-leur leurs papiers ou leurs biens et menez - les dans les bidonvilles, puis faites - leur dire ce qu’ils pensent alors réellement. Ou bien, parmi tous ceux - là, ceux en qui l’observateur impartial (il doit bien y en avoir) peut reconnaître un certain air de Magnificat, de Béatitudes et d’Évangile… ?

Pour que le monde puisse entendre sa bonne nouvelle, le message doit devenir à nouveau clair et dynamique. Il ne le sera que si les enseignants se laissent enseigner par les petits et les humbles, si leur message crie par leur comportement, et pas seulement leurs déclarations de principe, s’il devient, comme aux premiers siècles, celui d’une libération concrète. Ce sont surtout des communautés qui peuvent le nourrir et le répercuter.



Louis Fèvre (Réseau Résistances)


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