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Petite histoire de ce qui advient à la Communauté CEMO de Jumet Heigne

Huguette Van de Cauter
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues

Voici quelque 10 ans que j’ai rejoint, à Jumet Heigne, une communauté qui se veut en recherche des moyens à employer pour être Signe d’Eglise crédible aujourd’hui. C’est presque par hasard qu’un dimanche où j’étais en quête d’un lieu de célébration porteur de sens, j’ai franchi les portes de la chapelle d’Heigne. J’y ai été si séduite par l’authenticité de la recherche communautaire qu’on y menait que je n’ai plus jamais, depuis lors, fréquenté d’autre messe dominicale. J’ai apprécié aussi le fait qu’on y bénéficie de la chaude ambiance d’une vénérable chapelle romane, qui est ce qui reste aujourd’hui d’un grand sanctuaire médiéval voué, depuis des siècles, au culte toujours actuel de « la Madeleine ».

Cette communauté est née dans la banlieue de Charleroi, dans un quartier si durement éprouvé par la crise de reconversion industrielle de l’après-guerre (la disparition de ses verreries et charbonnages) que monseigneur Himmer en avait fait, en 1963, un « secteur missionnaire » de l’évêché de Tournai. En 1966, l’abbé Michel d’Oultremont y a été nommé « chapelain de Heigne » pour assurer la continuité du travail commencé par trois oblats missionnaires qui quittaient la région ; il y a été rejoint, en 1967, par l’abbé Ernest Michel qui s’y voyait appelé à la présidence du Séminaire Cardijn. L’un et l’autre ont consacré quelque 33 ans de leur vie et de leur travail en milieu populaire à témoigner de l’évangile comme d’une bonne nouvelle pour les obscurs, les sans grade qu’on découvre toujours au centre des préoccupations de Jésus.

En réponse à l’appel de Taizé, aussi bien qu’en réponse au souhait de célébrations participatives et communautaires exprimé par Vatican II, l’abbé Michel d’Oultremont s’est ingénié à faire, de ceux qui lui étaient confiés, des chrétiens aussi responsables que leur pasteur des témoignages à donner pour que la foi donne sens à la vie. De la réflexion mensuelle sur la liturgie qu’il proposait en 1970, il est passé au partage d’homélie, qui était mensuel en 1972 et qui est devenu hebdomadaire dès 1974. Ce n’est donc pas sans une longue initiation à la lecture et à l’écoute de la Parole qu’il en est arrivé, en 1976, à créer cette communauté qui se veut en recherche d’un passage, d’une brèche ouverte dans le mur des traditions sclérosées qui rendent l’Eglise de plus en plus étrangère à nos réalités mouvantes. La communauté se définit comme lieu de parole humaine et libre, d’échange et de partage, de ressourcement des engagements avec une attention toute spéciale au monde ouvrier… Elle se veut une sorte de laboratoire de ce que nous souhaitons pour l’ensemble de la société (1). Elle est en lien avec le mouvement d’Eglise du monde populaire qui célèbre Jésus-Christ à partir de la vie quotidienne et de la parole des plus humbles (2).

C’est bien dans cette optique que Michel d’Outremont a invité sa communauté à mettre en pratique la réflexion qu’il proposait, en décembre 1976, « sur la manière de vivre avec ou sans prêtre ». Voici donc plus de trente ans que le travail pastoral est autogéré dans le quartier de Heigne. L’aspect le plus visible de cette expérience saute aux yeux de quiconque franchit, comme il m’est arrivé de le faire, la porte de la chapelle ouverte chaque dimanche à 10 heures. Quelque 30 personnes y siègent, en cercle, autour d’un simple tronc d’arbre qui fait office d’autel pour l’eucharistie. L’animation est assurée par l’un(e) ou l’autre de la bonne vingtaine de participant(e)s qui ont librement souhaité jouer le rôle d’animateur (trice). Ils ont choisi des chants et des textes liturgiques en lien avec les lectures du jour ; ils font circuler la parole et les témoignages suscités par l’écoute de ces lectures ; ils font appel à l’expression libre des prières de louange et d’intercession… Ils veillent à ce que chaque participant se situe et soit vraiment reconnu comme acteur plutôt que comme simple consommateur de la célébration .

Les prêtres qui nous accompagnent chaque semaine sont, la plupart du temps, deux ou trois plutôt qu’un seul. Partageant notre recherche d’une autre manière de faire Eglise, ils n’occupent pas de place d’honneur et ne sont revêtus d’aucun signe distinctif mais leur présence garantit la validité des sacrements que nous célébrons.

Il semble pourtant que cette caution, admise pendant des décennies, ne suffise plus aujourd’hui puisque la communauté vient de se voir déposséder des clés de la chapelle où le doyen annonce qu’une eucharistie dominicale sera désormais célébrée dans les formes prescrites par le rituel catholique. Cette décision, surprenante en ce temps de disette des vocations sacerdotales est d’autant plus étonnante qu’on a pu entendre récemment Benoît XVI rappeler aux Français qu’il y a aujourd’hui plusieurs manières de célébrer en Eglise.

Voici pourtant la tradition liturgique invoquée pour refermer le passage ouvert par Michel d’Oultremont aux laïcs conscients de leurs responsabilités pastorales… Sans doute, nous allons continuer à nous réunir, en terrain neutre, hors des frontières du doyenné. Mais les familles qui nous confiaient la catéchèse n’auront plus accès à des eucharisties mensuelles prises en charge par leurs enfants considérés aussi comme acteurs… Et les gens du quartier se feront plus rares à nos célébrations festives où ils semblaient pourtant bien intégrés lors des grands rassemblements de Noël, de Pâques et en bien d’autres circonstances.

Ce n’est pas la première fois qu’un conflit surgit entre l’obéissance à la Loi – fût-elle simplement liturgique – et l’écoute de ce que l’Esprit dit à ceux qu’on n’est pas préparé à reconnaître comme témoins de foi. Aussi c’est dans l’Espérance que nous vivrons désormais en Eglise des catacombes, le temps qu’il faudra pour qu’un souffle de liberté évangélique rouvre la brèche que Michel d’Oultremont avait si bien su percer dans le mur des traditions érigées en absolu. Un bref regard sur le passé suffit pour constater que scribes et pharisiens ne sont jamais parvenus à rendre étanches les murs de silence qu’ils s’ingénient à colmater.

Car il ne nous appartient pas de contrôler ou de prétendre emprisonner la source des paroles de foi vive dont Jésus lui-même s’émerveillait.

Huguette Van de Cauter (Communautés de Base)

Notes :
(1) cf M. d’OULTREMONT, Le passage, 1966-1998, éd. Du Gral 1998, p.73
(2) La communauté était présente dès la journée de lancement des Cemos, au château Mondron à Jumet Hamendes, en 1981, sous l’épiscopat de monseigneur Huart.



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