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Le commencement du commencement – ou la fin du Chant Nouveau?

Le IIe Concile du Vatican et ses suites

Wolfgang Seibel
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Résumé autorisé de la conférence que le Père Wolfgang Seibel SJ, observateur du Concile et éditeur de longue date de la revue des jésuites « Stimmen der Zeit » à Munich, a faite le 8 novembre 2008 à la 24e assemblée fédérale du Mouvement Wir sind Kirche  à Würzburg.


Vatican II : Réforme – Dialogue – Peuple de Dieu

Réforme. Le Pape Jean XXIII avait convoqué le Concile parce qu’il était convaincu de la nécessité d’une réforme fondamentale de l’Eglise. Ce Concile devait engager un « renouveau de l’Eglise tout entière ». Il pensait que les voies de cette réforme ne pourraient être trouvées qu’à la suite d’une réflexion commune, d’un débat ouvert et à la condition  qu’un grand nombre de prélats et de laics y participent en apportant leur savoir et leur expérience. Il était opposé au règlement des problèmes par des directives et des décrets venus d’en haut. L’Eglise ne doit « jamais cesser de se renouveler sous l’inspiration du Saint-Esprit (GS21). Elle a le devoir d’étudier les signes du temps et de les interpréter dans la lumière de l’Evangile (GS4).

Dialogue : Le dialogue fait déjà partie de la nature même du Concile qui constitue la voie normale pour une approche de la vérité et des décisions nécessaires au sein de l’Eglise. Le Concile montre combien l’Eglise en tant que telle n’a pas de réponses toutes faites (GS43). Pour la première fois dans l’Histoire de l’Enseignement doctrinal, le Concile a autorisé et légitimé la diversité des courants d’opinion dans l’Eglise.

Il ne condamne pas la modernité, si longtemps considérée comme décadente, mais y découvre beaucoup d’aspects positifs. La devise n’est donc plus résistance et refus, mais ouverture et dialogue. L’Eglise du Concile ne se veut pas docte ou exigeante, mais ouverte aux arguments divers et fondés ainsi qu’à la conciliation. Cet énoncé du Corps doctrinal suprême de l’Eglise était totalement nouveau.

La principale décision du Concile dans le dialogue avec la modernité est la déclaration sur la liberté de religion. Sur ce point, le Concile a révisé radicalement les doctrine valables jusque là. La liberté dans ce qui touche à la religion se fonde sur la dignité même de l’homme, un droit originel que l’Etat doit reconnaître. La liberté de religion est un « droit de la personne » « indépendamment de la vérité objective de la croyance religieuse de chacun et des efforts subjectifs de chacun dans la recherche de cette vérité ».

C’est sur la base du dialogue que reposent les énoncés du Concile relatifs à l’œcuménisme et aux religions non-chrétiennes. Vatican II souligne,  à l’encontre des siècles antérieurs,  qu’il existe du « vrai » et du « sacré » dans les autres religions.

Le Peuple de Dieu : est le mot-clé du nouveau visage de l’Eglise : Le IIème Concile du Vatican ne voulait plus d’une représentation de l’Eglise comme une société de Deux Classes, dominée par le cléricalisme. Pour le Concile il n’y a pas de chrétiens à moindre part. Le Peuple de Dieu signifie aussi le renforcement des Eglises locales. Les évêques forment un collège avec le Pape dont ils ne sont plus seulement les représentants ou agents subalternes.

L’écho extraordinairement positif que le Concile a rencontré dans toute l’Eglise prouve de façon éclatante combien les évêques et la plus grande majorité des catholiques partageaient les mêmes préoccupations.. Rare fut cette entente si grande qu’il y eut alors entre les évêques et le Peuple de Dieu ainsi nommé.

Questions ouvertes  que le Concile a laissées au temps de l’Après-Concile :

La question des méthodes de contraception a fait l’objet de l’Encyclique « Humanae vitae » de 1968. par Paul VI. Cette Encyclique n’a pas été adoptée dans la pratique par les catholiques – un signe que les doctrines peuvent certes trancher des questions de Foi et de Morale, mais ne sont plus en mesure de s’imposer.

La question du célibat reste toujours en suspens.

La question de savoir si les autres religions peuvent être considérées comme des voies autonomes du Salut se pose aujourd’hui de façon plus urgente que jamais.

La discrimination des femmes dans l’Eglise aussi est une question de plus en plus importante, mais elle n’a même pas effleuré alors les participants du Concile – pour quelque raison que ce soit. N’ont pas non plus figuré à l’ordre du jour les questions des divorcés remariés et de la nomination des évêques.

Déficits

Le Pape est toujours considéré comme un monarque absolu. Les mesures partiales de Vatican I sont presque toujours en vigueur et les évêques restent des agents tenus de respecter les directives du Pape. Par contre, ils jouissent d’un pouvoir renforcé dans leur diocèse où ils font figure de « petits papes ».

Les décisions du Concile portent pour la plupart le sceau d’une pensée patriarcale et les laïcs restent des sujets condamnés à recevoir sans broncher les directives des dignitaires.

Le Concile n’a pris aucune mesure juridique ou institutionnelle pour régler les rapports du Pape avec les évêques ou des évêques avec les prêtres et le peuple de leur diocèse. Les sujets subordonnés respectifs doivent, eux seuls, se soumettre à des devoirs, surtout d’obéissance. Pour la « couche supérieure » il n’y a que des avertissements et des appels. Les évêques doivent, est-il dit, seulement « aimer », p. ex., prendre conseil auprès des laïcs et « y prêter attention  dans le Christ » (LG37). Si le Concile espérait réaliser ainsi l’idéal d’une collaboration entre les « pasteurs » et le « troupeau », il s’est leurré d’un « romantisme irréaliste » (Peter Hünermann). Il en sera toujours ainsi tant qu’aucun règlement juridique n’aura fixé l’obligation pour les évêques de solliciter des conseils. Nombreux sont les évêques qui n’en reconnaissent pas la nécessité.

La politique du Pape et la Curie aujourd’hui

Sur ce sujet la Curie romaine a « freiné » (Wolfgang Beinert) presque tous les documents et décisions conciliaires – à l’exception de la liberté de religion -, et les a même bien souvent remplacés par des accords contraires.

Un fait rare dans l’Histoire de l’Eglise : une minorité pas même qualifiée…s’est servie d’une facon éhontée et choquante de l’ambiguïté – imposée par elle – des textes conciliaires pour ignorer la nette volonté majoritaire des délégués de l’Eglise Universelle et imposer le retour au traditionalisme » (Otto Hermann Pesch)

Moins que jamais peut-on parler d’une autonomie des églises locales. Les évêques ne sont de facto que des exécuteurs du Pape et de la Curie. Les énoncés du Concile, selon lesquels les évêques sont les « représentants et envoyés du Christ » et non les « représentants des évêques de Rome » (LG27),  ont été tout simplement ignorés dans le nouveau Codex Iuris Canonici de 1983. Dans leurs rapports avec Rome, les évêques sont, aujourd’hui, plus impuissants que jamais, « ils sont éliminés de toute discussion ouverte sur les questions litigieuses de l’Eglise ». Ils sont soumis à une obligation de loyauté envers tout ce qui vient de Rome ». (Otto Herman Pesch)

C’est dans ses efforts pour réduire le centralisme que le Concile a subi son plus grand fiasco.

L’attaque la plus grave contre la réforme liturgique est la ré-autorisation de l’ancien rite en 2007. C’est un clair désaveu envers le Concile. Le Pape semble prêt à « remettre plus que jamais en question les succès du Deuxième Concile du Vatican » : Klaus Nientiedt, HK 8/2008,383)

Le philosophe des religions Eugen Biser le 26 juin 2000 : « Nous vivons…dans une phase que je…dois désigner comme la rétractation des succès remportés au Deuxième Concile du Vatican. Pièce par pièce se trouve aboli et rétracté tout ce que ce Concile nous avait apporté. Et une Eglise qui fait cela, qui pose de tels actes quasi d’auto-destruction n’a pas besoin d’ennemis, car c’est d’elle-même qu’elle court à sa propre ruine et à son manque d’ « acceptance ».

Telle est l’image relativement sombre de la situation actuelle de l’Eglise. Il faut regarder la réalité en face et ne pas se bercer d’illusions. Mais il ne faut pas en rester là, car l’Eglise n’est pas seulement constituée par le Pape, la Curie romaine et les évêques. Rien n’empêche que là où l’Eglise est réellement vivante, c.à.d. à la base, dans les paroisses, on puisse suivre les voies ouvertes par Vatican II et réorienter la vie dans ses perspectives d’avenir.

Du reste, au long de toute l’Histoire de l’Eglise, c’est toujours d’en bas que sont venues toutes les nouvelles idées, initiatives, impulsions de réformes. L’Office se préoccupait surtout de freiner et de contrôler au maximum. Ce fut la première fois dans l’Histoire de l’Eglise que l’initiative d’un Renouveau, à savoir la convocation du Deuxième Concile du Vatican, est venue d’en haut, du Pape lui-même. Mais le succès qu’a connu le Concile n’a été possible que grâce aux réflexions et au travail à la base, pour ne citer que le renouveau de la liturgie, les mouvements biblique, œcuménique, des jeunes, etc.

La pire réaction de la tête de l’Eglise devant le cours actuel serait de tomber dans la résignation, de laisser le champ libre aux opposants du renouveau conciliaire. L’heure, au contraire, est à l’espérance, à l’action et à la volonté de tout mettre en œuvre pour redonner vie aux initiatives du Concile et à l’Eglise de tous.

Facit : A Rome, la fin du Nouveau Chant ? A la base, un Nouveau Commencement est toujours possible. Personne n’est obligé d’approuver ou même d’adopter les décisions de la tête de l’Eglise contre sa propre conviction. C’est là que s’ouvrent les voies d’un développement et d’un renouveau de l’Eglise dans le sens du Deuxième Concile du Vatican si on a le courage d’agir résolument. C’est là que vit l’Eglise et que se forme l’avenir.

traduit de l’allemand par Jacqueline Hegenbarth


Wolfgang Seibel - Allemagne)


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