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Le sacerdoce en débat

Vittorio Mencucci
Publié dans Bulletin PAVÉS n°20 (9/2009)

On parle de la crise des prêtres, du sacerdoce des femmes, du célibat des prêtres ... Mais l’axe autour duquel tout cela tourne est le sacerdoce. Il me semble que ce pivot n’est pas du tout stable et que nous devrions le remettre en question, parce que tous les problèmes viennent de là : quelle est la signification de la figure du prêtre dans le christianisme? Dans l’Évangile, le terme n’est jamais utilisé en référence aux disciples de Jésus, les prêtres sont toujours le camp adverse, qui fait l’objet d’une évaluation négative, jusqu’à l’insulte : "Les publicains et les prostituées les précéderont dans le royaume des cieux". Le mot ‘prêtre’ apparaît dans la lettre de Pierre, mais exprime le sacerdoce universel de tous les fidèles. Et si dans la Lettre aux Hébreux, la figure de Jésus est interprétée selon les catégories des prêtres de la culture juive, c’est parce que l’auteur est expert en judaïsme, probablement un prêtre converti au christianisme, et qu’il écrit pour d’autres prêtres qui se sont aussi convertis, comme en témoignent les Actes des Apôtres, et qui ressentent maintenant la nostalgie des rites solennels du temple et sont tentés de retourner au judaïsme. L’auteur tient à clarifier qu’il n’y a pas besoin des prêtres et de leurs rites sacrificiels parce que le Christ, prêtre suprême et victime, a racheté l’humanité par son sacrifice sur la croix, une fois pour toutes. Le Christ ne parle pas des prêtres et ne pouvait pas en parler parce que le prêtre est un opérateur du sacré et que dans le christianisme il n’y a pas de sacré.

Même si le sacré mériterait une étude distincte, il suffit de souligner ici la critique qu’en fait Jésus. Du temple il ne restera pas pierre sur pierre et il sera remplacé par son humanité qui meurt sur la croix et ressuscite le troisième jour. À sa mort, le voile du temple se déchire de haut en bas, signifiant ainsi la fin de son rôle. Plus forte encore sera la critique de la législation rituelle représentée par le prêtre et le lévite dans la parabole du Bon Samaritain. Le pur et l’impur, qui suivent les catégories du sacré et du profane, font l’objet de railleries. Même la sainteté inviolable du repos du Sabbat est subordonnée à l’homme, et perd dès lors son caractère sacré. Le Christ en tant que juge de l’histoire ne nous demandera pas des comptes sur notre respect des traditions du passé, ni sur notre participation dans les rites du temple.

Le terme ‘sacerdos’ apparaît au IIIe siècle. Pour la première fois, Tertullien distingue deux ordres dans la communauté chrétienne : le clergé (élu) et la foule. Au sein du clergé domine de plus en plus le terme ‘sacerdos’ tiré de l’Ancien Testament et affublé des mêmes caractéristiques (Tertullien, Cyprien, Origène, Hippolyte). L’utilisation du mot ‘prêtre’ est dès lors liée à différentes façons d’interpréter l’Eucharistie. Pour laisser un souvenir de lui et maintenir sa présence parmi les siens, Jésus avait pensé à un geste très simple et humain : s’asseoir ensemble à table pour partager le pain. Bien que le modèle dominant soit celui d’un repas et du pain partagé, le langage sacrificiel n’en est évidemment pas absent, lié à tout le contexte culturel où écrivaient les évangélistes. Mais au troisième siècle, le langage du sacrifice devient exclusif, de sorte que le repas devient le sacrifice, la table devient le maître-autel, celui qui préside (apôtre ou prêtre = ancien) devient un prêtre. En tant que prêtre sacrificateur, il doit faire de sa vie un sacrifice. Le sacrifice implique la pureté rituelle, principalement comprise comme abstinence sexuelle. On se réfère constamment à la législation mosaïque. Plus tôt, on s’était déjà demandé si le baptême était compatible avec la sexualité dans le mariage. Maintenant, la solution réside dans la distinction des ordres. Les simples fidèles, à qui on a demandé avec insistance la continence, peuvent vivre une vie conjugale, nécessaire pour la reproduction, et les prêtres, s’ils prennent femme eux aussi, sont tenus à l’abstinence. La sexualité n’est pas considérée comme un péché en soi, comme le prétendront les hérétiques (cela aurait abouti à la condamnation du mariage), mais comme une conséquence du péché originel. Le fait est que, selon les mots de S. Jérôme, "Omnis coitus immundus". L’incompatibilité entre le saint et l’impur est une constante de cette période.

Une histoire similaire concerne le service militaire. Pour les communautés primitives, il paraissait inconciliable avec la foi chrétienne. S. Maximilien dit fermement : "Christianus sum, mihi non licet militari" et logiquement il affronte le martyre. Mais après la victoire de Constantin au Pont Milvius (312), le service militaire devient un devoir pour défendre l’empire chrétien. On résout le dilemme : l’interdiction des armes demeure pour les membres du clergé, appelés à la perfection évangélique, mais les simples fidèles doivent faire leur devoir - donc le service militaire - pour défendre la foi et pour construire une paix durable.

Tout ce processus creusera encore le fossé entre les deux ordres, comme en témoigne le Décret de Gratien, tandis que l’Église est de plus en plus identifiée au clergé, organisation fortement hiérarchisée selon la mentalité féodale d’alors exprimée par le Pseudo-Denys : De celesti hierarchia, De ecclesiastica hierarchia .

Je crois ce processus légitime parce qu’il correspond à certains présupposés, à savoir la culture d’une époque. Mais nous, hommes de la modernité, nous avons le droit de repenser le message chrétien par rapport à notre culture : reprenons "le chemin interrompu" du Concile Œcuménique Vatican II !

Vittorio Mencucci - Italie)

Notes :

Vittorio MENCUCCI, prêtre et philosophe, in Adista” Notizie - n° 73, juillet 2009 (traduction P. Collet)




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