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L'œcuménisme passe aussi par Amsterdam

Stefano Toppi
Publié dans Bulletin PAVÉS n°22 (3/2010)

Où en est la volonté d’ouverture œcuménique de l’Église catholique ? Sans doute faudrait-il préciser une fois encore ce qu’on entend par ‘Église’… Du côté institutionnel, les avancées sont différentes selon qu’on regarde vers l’est ou vers l’ouest, mais elles sont aussi ambiguës en ce qui concerne, par exemple, l’offre récente d’accueil des anglicans. Du côté théologique, des progrès énormes ont été réalisés depuis le groupe des Dombes ou celui d’ARCIC,  mais pourquoi faut-il qu’ils restent dans les livres ? L’œcuménisme spirituel de l’abbé Couturier qui avait nourri notre jeunesse ne semble plus mobiliser grand monde. Reste peut-être à réveiller un ‘œcuménisme de base’, sans négliger les éventuelles implications que ces pratiques pourraient avoir à moyen terme sur des décisions plus structurelles.

L’Allemagne organisera en mai prochain son 2e Kirchentag œcuménique. On se souvient que l’intercommunion pratiquée lors du 1er congrès avait valu à quelques prêtres de lourdes sanctions[1] : espérons que l’histoire ne se contentera pas de bégayer… Les Pays-Bas font la course en tête, comme souvent : c’est un ami italien qui témoigne.




Quelques jours avant de partir pour Amsterdam, me tombe entre les mains le livre ‘Eucaristia senza prete’ édité par Nous Sommes Église Italie. Il contient le document ‘Église et ministère. Vers une Église du futur’ publié par le Provincial et le Conseil de la Province dominicaine des Pays-Bas en 2007, et d’autres documents qui ont suivi et qui y répondent.

Un témoignage de la célèbre Église hollandaise des années d’après concile, pensais-je. La curiosité me prend d’aller voir sur place, si j’en trouve l’opportunité. Je cherche sur internet, et je trouve l’adresse d’une église dominicaine à Amsterdam.

Le dimanche suivant, ma femme et moi sommes en ville et nous y allons. Nous cherchons l’église et, à cinq mètres d’une vitrine présentant une dame fort peu vêtue, nous trouvons l’entrée de l’église. Nous sommes à Amsterdam, pas à Rome, me dis-je.

Nous arrivons alors que les gens sortent ; la messe est finie, sans doute ; nous y entrons quand même et nous trouvons encore quelques personnes qui discutent.

C’est un intérieur d’église du dix-neuvième siècle, avec un grand crucifix sur l’autel au fond de la petite abside ; sur les murs, de grands cadres représentent le chemin de croix. Une église catholique, certainement ; mais les chaises sont disposées de manière bizarre : plutôt qu’alignées face à l'autel, elles sont disposées en demi-cercle autour d’une estrade, avec un micro sur le côté gauche de la nef ; ça me fait penser à la disposition des églises historiques réformées et luthériennes que j’ai visitées dans tant de villes de Hollande et d’Allemagne, tous les bancs disposés autour de la chaire.

Un homme nous accueille gentiment pendant que nous tentons en vain de comprendre quelque chose aux feuilles en néerlandais posées sur une table. En anglais, il explique que c’est une communauté œcuménique qui vient tout juste de terminer sa célébration dominicale. N’est-ce pas l’église des dominicains ? demandons-nous. Oui, bien sûr, répond-il, mais là, dans cette église, le dimanche, on fait une célébration œcuménique. On y vient de tous les coins de Hollande, catholiques et chrétiens d’autres églises, nous explique-t-il. L’évêque d’Amsterdam fait mine de ne rien voir (il se couvre le visage avec les mains, les doigts ouverts, sans rien dire).

Alors nous expliquons que nous avons eu connaissance du document des dominicains et demandons s’il y a là un père dominicain avec qui parler. Il nous indique une personne assise et nous accompagne. On s’attendrait à un moine blanc et noir, mais c’est un homme un peu âgé, en veston et cravate, on dirait un ‘rescapé’ du printemps ecclésial hollandais postconciliaire.

Nous nous présentons, nous expliquons que nous appartenons à une communauté chrétienne de base italienne et nous demandons des nouvelles du document sur l’eucharistie de la province dominicaine de Hollande. Le Père Jan, c’est son nom, nous dit (en italien, il a étudié à l’Angelicum à Rome dans les années 50), qu’il en est un des auteurs. Ensuite il en vient à nous expliquer que dans le lieu où nous sommes, chaque dimanche, on rencontre des chrétiens de provenances diverses : ils lisent la bible, font une prédication à plusieurs voix, partagent le pain et le vin, mais ce n’est pas un prêtre, un célébrant qui lit la prière de ‘consécration’. Simplement ils partagent le pain et le vin. Chacun interprète ce que cela signifie dans son cœur. Comme certaines personnes viennent de loin, ils restent ensuite pour déjeuner ensemble, dans les locaux annexes de l’église je suppose, et restent encore ensemble une partie de l’après-midi.

Cette pratique continue depuis longtemps, mais l’évêque n’a jamais voulu venir les rencontrer ; certains les considèrent comme hérétiques. Le père Jan se dit désolé : c’est un miracle d’église qui ne veut pas être connu ni encore moins reconnu. Des paroles du religieux, transpire clairement un sentiment de ‘déception’ en ce qui concerne le comportement de l’église hiérarchique et de la curie du Vatican. « Mais je suis très catholique ! La vraie église catholique (= universelle), elle est ici, pas à Rome ! » dit-il.

Dans le document ‘Église et ministère’, le Père Jan et les autres dominicains avaient affronté le problème de la pénurie de prêtres dans l’église hollandaise et avaient avancé la proposition que les laïcs, hommes et femmes, qui actuellement président ce qu’on appelle des « Services de la Parole et de la Communion » à la place de l’eucharistie dominicale suite à ce manque de prêtres, qu’ils puissent avoir une reconnaissance officielle, une ‘ordination’ qui leur permettrait de célébrer une vraie eucharistie. Naturellement la suggestion a été refusée par le Maître et la Curie générale de l’Ordre dominicain, et rejetée clairement par les évêques hollandais.

Mais ici, dans cette église de Saint-Dominique à Amsterdam, il semble qu’on soit allé au-delà des questions ouvertes par le document, ou au moins dans une autre direction.

J’imagine que dans une société comme celle de Hollande, il ne manque pas de familles ‘mixtes’, c’est-à-dire composées d’un conjoint catholique et l’autre protestant. Ces formes de célébration peuvent aussi leur convenir, pour leur permettre de ne pas être séparées au moment du culte dominical. J’imagine aussi que des situations et des célébrations semblables sont proposées dans d’autres pays d’Europe et du monde.

Cette expérience vécue au cœur de la Hollande est certainement un bel exemple d’œcuménisme de base. Alors que l’œcuménisme au sommet semble bien, après Sibiu, et au moins du côté catholique, tombé en léthargie. Mais ici nous sommes à Amsterdam, pas à Rome.

Stefano TOPPI, Communauté de base Saint-Paul à Rome (trad. P. Collet)


Stefano Toppi (Communautés de Base - Italie)

Notes :

[1]  http://www.culture-et-foi.com/critique/hasenhuttl_interview.htm

Des informations sur cette communauté peuvent être trouvées sur son site web http://www.dominicusgemeente.nl/

Sur les communautés de base en Hollande, voir le site web http://www.basisbeweging.nl/  
























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