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Croire quand même : avec Joseph Moingt

Philippe Liesse
Publié dans Bulletin PAVÉS n°27 (6/2011)

« Fuite des fidèles, dissensions internes, tarissement du clergé, conflits d’autorité, méfiance envers la science théologique et biblique, remises en ordre et mesures de restauration, rapports distendus entre Rome, les Églises locales et les communautés de fidèles, etc. Telles sont, en vrac et en gros, les questions vitales qui me furent posées et qui seront agitées dans ce livre. » [1

De nombreux fidèles vivent le questionnement sur la situation actuelle de l’Église catholique. Les interlocuteurs de Joseph Moingt (Karim Mahmoud-Vintam en collaboration avec Lucienne Gouguenheim) ont synthétisé les diverses questions qui ébranlent le monde des croyants pour les lui soumettre.

L’auteur ne se dérobe à aucune d’entre elles, car elles sont aussi les siennes, mais il n’a aucune réponse toute faite.

Fort de sa propre expérience de vie (il a 95 ans), JM peut présenter à ses interlocuteurs une vision historique de long terme. En effet, il a vécu assez longtemps avant Vatican II pour percevoir les grandes avancées promises par le Concile.

Si d’aucuns pensent que les tensions au sein de l’Église peuvent se ramener à une simple démarcation entre progressistes et traditionalistes, JM veut montrer que la vie chrétienne est bien plus complexe. Il n’identifie pas moins de cinq familles religieuses actives : conservateurs, traditionalistes, chrétiens critiques, esprits progressistes, charismatiques. Il ne se permet aucun jugement sur leur degré de foi, mais il veut questionner leur « intelligence de la foi ».

Dans ce travail de questionnement sur l’intelligence de la foi, il souligne deux dangers concomitants : le risque pour la foi de sortir blessée tant d’un attachement exclusif au rite que d’une dépréciation de la Tradition. La Tradition, au sens vrai du terme, « n’est pas l’accumulation de doctrines qui ont vu le jour dans le cours des temps, et dont plusieurs ne sont plus compréhensibles à nos mentalités telles qu’elles ont été énoncées. C’est la continuité de la référence de la foi à son origine historique, à l’événement et à l’enseignement du Christ et des Apôtres » (p. 40). Un juste rapport à la Tradition exige de ne pas confondre foi et religion.

La religion est, en principe, la vie de la foi dans une communauté de croyants, elle impose avant tout des lois et des lignes de conduite. Mais elle risque, pour beaucoup, de se réduire à des pratiques auxquelles ils s’attachent par habitude, sinon par superstition.

La foi, elle, est l’assentiment donné à la révélation chrétienne et l’engagement à vivre selon l’esprit de l’Évangile. Si elle s’exprime dans des pratiques religieuses, elle est, pour l’essentiel, unifiée et structurée. C’est l’acte de se confier au Christ et de suivre la voie qu’il a tracée.

Cette foi, contrairement à la religion, se situe clairement du côté de l’humain en ne cessant d’inventer de nouvelles manières de servir l’homme et tout homme, cherchant sans discontinuer comment atteindre une universalité toujours plus grande. L’auteur envisage même la possibilité de « disparition des religions, non complètement, mais sous leurs formes actuelles d’institutions juridiques transnationales régentant un vaste ensemble de personnes… […] Cela ne doit pas empêcher que s’établisse un dialogue entre les religions […] pour puiser dans leurs croyances respectives, sans chercher à les mélanger, de quoi défendre une haute idée de l’homme et guider et soutenir les débats et les combats des peuples pour un avenir meilleur de l’humanité » (p. 76).

Dans un échange fructueux et sans tabous, JM envisage l’avenir du catholicisme à partir des petites communautés qu’on voit déjà se former, dans l’ordre ou le désordre, à l’écoute de l’Évangile, attentives à la vie fraternelle et à sa mise en œuvre dans la société : « …c’est pourquoi les chrétiens communiquent aux autres leur sens de la transcendance et de Dieu par le témoignage de leur vie […] Par exemple, quand je vois des chrétiennes consacrer leurs loisirs […] à des organismes sociaux qui aident des familles immigrées, et cela sans faire de propagande religieuse et sans le faire ostensiblement en tant que chrétiennes, je me dis qu’elles témoignent de Dieu autant qu’un théologien par de savants discours » (p. 78).

La recherche de Dieu ne peut se faire qu’à travers la communauté humaine qui est en voie de se façonner dans l’universalité : « Dieu n’est pas au bout simplement de mon Église, il est au bout de l’histoire » (p. 126).

Joseph Moingt, nonagénaire, d’une théologie et d’une clarté éblouissantes, d’une spiritualité à fleur de peau : « La prière est le silence qui nous permet de nous imprégner de la gratuité de Dieu. On ne fait pas intervenir Dieu dans le monde. Dieu n’intervient dans le monde que par la communion des esprits. Il nous fait faire des choses. Il nous fait chercher des choses ensemble » (p. 232).

Un livre à lire, à relire, à méditer, à creuser, à labourer.

Philippe Liesse

Notes :

On trouvera aussi un article inédit et remarquable de Joseph Moingt dans la revue Golias, n° 137, mars-avril 2011, pages 16-31, sous le titre Annonce de l’Évangile et structure de l’Église. Impossible à résumer, évidemment.

Invité à traiter les questions « Comment témoigner de l’Évangile de la façon la plus accessible aux hommes de ce temps ? Quelle restructuration nécessaire de l’Église pour que tous les baptisés y soient pleinement impliqués ? », le théologien répond en 4 parties :

1.      Quel Évangile ? Quel témoignage ?

2.      Aux hommes de notre temps ? Interpréter le retrait de la religion.

3.      Pourquoi une prise de parole responsable et collective des baptisés ? La mission des laïcs et les communautés missionnaires.

4.      Changer les structures de l’Église ? Nécessité, possibilités et priorité : « la première chose sera de faire exister une communauté, même réduite à quelques chrétiens, là où il y avait auparavant une paroisse, maintenant rattachée à un plus vaste ensemble… »   (P. Collet)


[1]   Joseph Moingt, Croire quand même. Libres entretiens sur le présent et le futur du catholicisme, Temps Présent, Paris, 2010. Extrait de la couverture (verso).




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