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30 ans de Joseph Ratzinger à Rome

Nous Sommes Eglise Allemagne
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Depuis 30 ans, Joseph Ratzinger a en grande partie déterminé l’orientation de l’Église universelle.
Déclaration de Wir-sind-Kirche-Allemagne.

Le 25 novembre 1981, le cardinal Joseph Ratzinger, l’actuel pape Benoît XVI, fut nommé par Jean-Paul II préfet de la Congrégation romaine pour la Doctrine de la Foi. Au cours de ces 30 dernières années, ce théologien allemand a influencé l’Église catholique romaine mondiale beaucoup plus longtemps et de manière beaucoup plus profonde que la plupart des autres personnalités au Vatican n’ont pu le faire dans toute l’histoire de l’Église. Il a eu pendant plus de 23 ans la responsabilité de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (la CDF qui a succédé à la Congrégation de l’Inquisition romaine générale, fondée en 1542) et il est pape depuis six ans et demi.

Étant donné que les effets en sont encore nettement perceptibles, nous ne pouvons pas oublier comment Ratzinger, en sa qualité de préfet de la CDF entre 1981 et 2005 : a imposé des interdictions d’enseignement, a condamné la théologie de la libération, a marginalisé les femmes dans l’Église, a mis des freins à l’oecuménisme avec diverses Églises protestantes, et a longtemps contribué à la dissimulation des abus sexuels. C’est cohérent avec de nombreuses autres décisions qu’il a influencées, telles que l’instruction du synode de 1997, l’instruction sur le rôle des laïcs (1997), la déclaration Dominus Iesus (2000), le document du Vatican condamnant les unions homosexuelles (2003) et également l’opposition aux mouvements de réforme des laïcs de la base comme Nous sommes Église. L’Église allemande a dû affronter l’épreuve difficile de son opposition aux Centres de Conseil pour les femmes en demande d’avortement. La liste des théologiens (hommes ou femmes) qui dans le monde entier ont été réprimandés ou intimidés par lui est longue[1] et a conduit à un climat permanent de peur et de paralysie au sein de l’Église.

Après son élection comme pape, le 19 avril 2005, il y a eu un changement dans son comportement public, dû partiellement à l’influence des médias. Pourtant l’espoir que Joseph Ratzinger, en tant que pape, - eu égard à son nouveau titre de “Pontifex Maximus” (“bâtisseur de pont” en chef) - changerait de conduite ne s’est pas accompli. C’est le contraire qui est arrivé.

Ratzinger, qui se plaint toujours de la “dictature du relativisme”, est lui-même responsable depuis longtemps de la relativisation du Concile Vatican II, principalement par la libéralisation complète qu’il a accordée au rite tridentin préconciliaire (2007, contrairement aux recommandations du Synode des évêques de 2005), par sa reformulation des prières du Vendredi Saint pour la conversion des juifs (2008), et enfin par la réhabilitation très problématique de la Fraternité Saint-Pie X en janvier 2009. Le conflit vieux de plusieurs dizaines d’années avec cette Fraternité pourrait aussi être la marque d’une blessure personnelle : si seulement il avait fait des tentatives plus fermes, au nom du Pape Jean-Paul II en 1988, pour réintégrer son fondateur, l’archevêque Marcel Lefebvre ! Cela ne s’est pas encore produit, en dépit de toutes les concessions fort contestables faites jusqu’ici par le Vatican.

L’Église catholique romaine connaît maintenant la crise la plus profonde depuis la réforme. La divulgation du scandale des abus sexuels cachés dans le monde entier pendant des dizaines d’années n’en est certainement pas la seule raison, mais elle a brutalement révélé la crise du système clérical. La tragédie de Ratzinger est qu’il a commencé trop tard et traité de façon trop hésitante le scandale de ces abus, et qu’il n'est pas assez soutenu par la curie romaine ou par les cardinaux et les évêques. La moindre des raisons n’est pas qu’il avait, comme préfet de la CDF en 2001, ordonné à tous les évêques, sous menace de sanctions, de garder les crimes sexuels commis par des clercs sur des mineurs aussi secrets que possible, et de les faire connaître seulement à la CDF.

Ce n’est pas la sécularisation, mais c’est Joseph Ratzinger lui-même, qui est largement responsable de l’incapacité de l’Église à relever les défis de notre temps dans de nombreux domaines. Il a constamment prouvé qu’il était sourd aux inquiétudes des évêques, des théologiens, et de nombreux laïcs du monde entier. La théologie de libération, en particulier, il l’a traitée avec suspicion et hostilité. Les années de son pontificat dévoilent de plus en plus les faiblesses fondamentales de tout le système de l’Église catholique romaine : son gouvernement autocratique et monarchique, sa société “à deux niveaux” de prêtres et de laïcs, ainsi que la centralisation romaine croissante de ces dernières années, qui concède de moins en moins de responsabilité aux Églises locales.

Le Catéchisme de l’Église catholique (1993), dont il est l’auteur au moins en substance et l’éditeur, et l’Abrégé du Catéchisme de l’Église catholique (2005), qu’il a approuvé et promulgué formellement en tant que pape, ne rencontrent en aucune manière les exigences de la théologie moderne. « L’instruction sur l’homosexualité et le ministère ordonné » de 2005 (dont le titre complet est Instruction sur les critères de discernement des vocations au sujet des personnes présentant des tendances homosexuelles en vue de leur admission au séminaire et aux ordres sacrés) fut l’un des premiers documents qu’il approuva comme pape pour exclure les homosexuels du sacerdoce. Ni la distribution massive du catéchisme pour la jeunesse, YouCat (2011), ni le succès commercial de ses nombreux livres ne peuvent occulter le fait qu’aujourd'hui seulement un petit nombre de gens acceptent et observent l’enseignement de l’Église catholique, comme des études et des sondages le montrent de façon répétée.

Benoît XVI devrait comprendre les critiques de plus en plus fortes et générales de son pontificat comme l’expression d’une grande inquiétude pour le bien des croyants dans toute l’Église. Car, comme la loi canonique le stipule au canon CIC 212 § 3 : “Selon leur connaissance, compétence et position prépondérante, ils (c.-à-d. les fidèles) ont le droit et même parfois le devoir de manifester aux pasteurs sacrés leur avis sur des sujets qui concernent le bien de l’Église (…) „

En attendant, l’humanité a développé une conscience vive des injustices innombrables dans le monde. L’Église catholique, avec son extension mondiale, pourrait et devrait exercer une influence positive sur la façon dont tous nous vivrons à l’avenir. La tâche du moment devrait être de dire adieu aux structures de commandement qui nous ont été transmises mais ne font plus vivre, plutôt que de s’accrocher à la gouvernance hiérarchique prétendûment instituée par Jésus : “N’appelez personne sur la terre votre Père ; car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est dans le ciel. Ne vous faites pas non plus appeler Maître, car vous n’avez qu’un seul Maître, le Christ” (Mt 23,9ss.)


Nous Sommes Eglise Allemagne

Notes :
[1] Une liste de toutes les personnes qui, directement ou indirectement, ont été d’une quelconque manière surveillées, sanctionnées, ou excommuniées par la CDF sous Joseph Ratzinger (établie par Catholics for Choice en 2006) est disponible sur www.wirsindkirche.de/files/212_2006movingforwardbylookingback_31-38.pdf
Une liste de 99 théologiens et responsables spirituels qui ont été interdits, exclus, ou réduits au silence sous Ratzinger est publiée dans le livre de 2011 de Matthew Fox, The Pope’s War : Why Ratzinger’s Secret Crusade Has Imperiled the Church and How It Can Be Saved.
www.wir-sind-kirche.de/files/1567_Fox_Liste%20der%2099.pdf
Une analyse détaillée de la théologie de Joseph Ratzinger est disponible (en allemand) dans Hermann Häring, Im Namen des Herrn. Wohin der Papst die Kirche führt (Gütersloh, 2009).

traduction : P. Collet




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