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Le Noël de Happiness

José Arregi
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues

Le 13 décembre dernier, fête de Sainte Lucie, est parue dans la presse cette histoire qui rapporte la naissance d’une petite fille dans des circonstances surprenantes, qu’on ne sait trop s’il faut les qualifier de chanceuses ou de malheureuses.

Le style littéraire de l’histoire est médiocre, en comparaison avec les premiers chapitres de Luc ou Matthieu, mais elle pourrait peut-être être proclamée comme évangile à la messe de minuit et le jour de Noël.

Voici ce qu’elle dit, ou mieux ce qu’elle raconte :

Au temps de l’empereur sans nom, que certains appellent Banque mondiale ou Marché de la Finance ou peu importe son nom, qui régnait sans cœur sur toute la terre, Obama étant de moins en moins président des États-Unis et des autres nombreux pays, Hu Jintao étant gouverneur de Chine, l’étoile montante de la planète, Rodriguez Zapatero administrant dans de grandes difficultés une superbe péninsule faite de villages et entourée par la mer, au temps de la crise mondiale pendant laquelle ceux qui voulaient changer la terre ne le pouvaient pas et ceux qui le pourraient ne le voulaient pas, Dieu a envoyé l’ange Gabriel à une petite ville nigériane au nom inconnu, à une très noire et courageuse jeune fille appelée Judith, mariée à un jeune homme courageux au nom inconnu.

L’ange dit à Judith : "Je te salue, Judith, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi!"

Elle s’inquiète parce que personne ne lui avait jamais parlé ainsi. Mais l’ange lui dit :

"N’aie pas peur, Judith. Tu vas concevoir de par Dieu et avoir un enfant dans la douleur de la terre et de la mer. Ce sera une fille et tu lui donneras le nom de Happiness (ce qui signifie "Bonheur"), car elle sera une prophétie du Bonheur et de la Vie."

Judith répondit : "Me voici, qu’il en soit ainsi. Je suis libre et je suis prête."

Et l’ange resta avec elle.

Neuf mois plus tard, fut publié un décret de l’empereur sans nom et sans cœur, ordonnant que toutes les frontières du nord soient fermées, même dans la mer et dans les airs où il n’y a pas de frontières, et que meurent tous ceux qui doivent mourir dans le sud.

Mais Happiness poussait et Judith se dit en elle-même :

"Ma fille est plus forte que la mort. Je vais aller où elle me conduit, et je lui donnerai le jour et je la nourrirai même si je dois mourir. Je n’obéirai pas au décret de l’empereur, jusqu’à ce que Dieu et ma fille renversent le puissant de son trône et élèvent les humbles".

Et la femme rejoignit d’autres femmes enceintes du Nigeria, du Ghana et du Cameroun, elles défièrent le pouvoir, elles affrontèrent la mort, elles optaient pour la vie. Et elles prirent la mer dans une embarcation de fortune. Et arriva le moment où Judith perdit les eaux alors qu’elles étaient en mer, et elle donna naissance à Happiness à même la barque, dans les convulsions et de grandes douleurs, près d’une île volcanique appelée Alboran, à côté de l’île de La Nube, à mi-chemin entre Almeria et l’Afrique, entre la vie et la mort, parce qu’il n'y n'avait pas de place pour elles dans une auberge.

Et une multitude de bons anges se joignit à Gabriel pour chanter :

"Gloire à Dieu dans les cieux, sur la terre et dans la mer! Gloire à Dieu, à la vie et à la paix!"

Et toutes les femmes qui se trouvaient dans la barque devaient aussi chanter et danser au rythme du ciel et des vagues.

Et l’ange leur dit :

"Oui, dansez, femmes d’Afrique. N’ayez pas peur. Aujourd’hui nous est née une fille. Aujourd’hui c’est Dieu qui renaît, la fille de votre sein et de la graine de vos hommes. Voici le signe : Happiness, fille de la douleur, promesse de la joie. Célébrez cette nuit, célébrer ce jour. Dansez, femmes d’Afrique, jusqu’à ce qu’il y ait un logement et du pain pour tout le monde sur la terre".

Et ainsi s’accomplissait l’Écriture qui dit : "Lève-toi et resplendis, Jérusalem, ta lumière arrive. La gloire de Dieu s’est levée sur toi" (Ésaïe 60,1).

Pendant ce temps, Judith, affaiblie et transie de froid, soignait sa fille et l’allaitait, et plus elle se donnait à sa fille, plus forte devenait la mère. Et dès que Happiness eut tété jusqu’à être rassasiée, elle s’endormit paisiblement, comme si le monde entier était la poitrine ronde et débordante de sa mère, comme si la vie n'avait jamais été autrement et comme si elle ne serait jamais différente, comme si Dieu avait eu raison quand il a créé, quand il a regardé et qu’il a dit : "tout va bien, tout est très bon".

Et puis la petite Happiness s’est réveillée, et tout à coup, ses yeux noirs ont rencontré les yeux noirs d’un autre enfant nouveau-né comme elle.

-       "Bonjour, je m’appelle Jésus. Quel est ton nom?"

-       "Mon nom est Bonheur."

-       "Oh, que c'est beau ! Alors, tu es heureuse?"

-       "Oui, je suis heureuse, immensément heureuse. Bien que je ne sache pas très bien ce que veut dire le mot : immensément. Cela doit signifier comme les bras de ma mère qui sont très grands et doux, ou comme sa poitrine qui est chaude et bonne et intarissable. Ou encore comme la mer où j’ai vécu jusqu’à il y a un instant : elle était belle, et j’étais immensément heureuse. Je n’ai jamais eu faim ni froid, je n’ai jamais pleuré ni ne me suis sentie seule et parfois je me laisse bercer par des chants lointains, et balancer par des rythmes énergiques comme les vagues de la mer, comme s’ils provenaient d’un autre monde plein de merveilles mais aussi d’inquiétudes. Mais je n’ai jamais eu peur. Je ne sais pas ce qui s’est passé : tout à coup j’ai commencé à sentir que j’étouffais, que je mourais. Mais maintenant tout va bien : dans ces bras, sur sa poitrine, je suis heureuse ; c’est pour cela que mon nom est Happiness. Ton nom est également très beau, Jésus. Que signifie ton nom ? Tu viens aussi de naître ?"

-       "Je ne sais pas quoi te dire. Je suis né il y a longtemps dans une pauvre crèche, dans une pauvre baraque, dans un pauvre village appelé Nazareth en Palestine, non loin de cette mer et de cette barque; puis ils ont dit que j’étais né à Bethléem, et ils avaient raison, parce que Bethléem signifie : Maison du pain ou Pain de Dieu.

-       "Dieu ? Qu’est-ce que c’est Dieu?"

-       "Dieu signifie que tout est bon, malgré tout, qu’il y aura à la maison du lait et du pain pour tout le monde, et que tout le monde peut être immensément heureux comme toi. Mon nom, "Jésus", signifie aussi la même chose."

-       "Mais si tu es né depuis longtemps, pourquoi es-tu toujours aussi petit ? Tu es comme moi!"

-       "Je ne sais pas exactement. Je pense que je suis né quand a commencé le monde, mais je suis toujours en train de naître parce que mon nom, Jésus, n’a pas encore été accompli. "

-       "Je ne comprends rien, Jésus. Que veux-tu dire? "

-       "Je veux dire qu’il y aura toujours une maison où il n’y a pas de lait ou de pain pour tout le monde. C’est pour cela que je suis encore en train de naître, et je suis comme toi. Je suis toi, Happiness, mais je ne suis pas heureux comme toi."

-       "Tu n’es pas heureux ? Je suis vraiment désolée. Pourquoi n’es-tu pas heureux ? Tu n’as pas de maman? "

-       "Oui, j’ai une mère, j’ai toutes les mères. Je suis né à maintes reprises, et j’ai vu de tout. J’ai vu pleurer, crier de douleur, mourir de faim. J’ai vu des enfants effrayés, des mères malheureuses. Ta mère, ma mère, n’est pas heureuse".

-       "Tu me fais peur, Jésus ! De quoi me parles-tu ?"

-       "Bientôt tu le sauras, ma chère Happiness! Mais, entretemps, n’aie pas peur. N’aie jamais peur. Un jour que j’étais plus grand en Palestine, je suis monté sur la montagne en face d’un beau lac et j’ai proclamé d’une voix forte jusqu’à huit fois : "Happy, bienheureux tous les pauvres et vous tous qui pleurez, parce que vous cesserez de pleurer!". Puis ça a mal fini, je ne vais pas te le raconter maintenant, mais je suis encore en train de naître et continuerai de naître, Dieu continuera de naître, jusqu’à ce que tout le monde puisse s’appeler bonheur et être heureux comme toi".

-       "Alors jusqu’à ce jour-là, mon cher Jésus, je continuerai aussi à naître avec toi et ton Dieu, quoiqu’il arrive."

-       "Eh bien, joyeuse naissance, Happiness!"

-       "Joyeux Noël, Jésus!"

 

José Arregi - Espagne)

Notes :

José Arregi, 2010

Source :  

http://www.feadulta.com/es/buscadoravanzado/item/1472-la-navidad-de-happiness.html

 (trad. : P. Collet)

Il existe une suite à cette histoire, “Profecias de Happiness”. Source en espagnol : http://www.feadulta.com/es/buscadoravanzado/item/1408-profecías-de-happiness.html


 




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