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Des similitudes entre l’encyclique et la

Leonardo Boff
Publié dans Bulletin PAVÉS n°44 (9/2015)


L’encyclique "Laudato Si’ sur la sauvegarde de la maison commune" et "la Charte de la Terre"[1] sont peut-être les deux seuls documents d’importance mondiale à avoir de nombreuses affinités communes. Ils s’intéressent tous deux à la dégradation de la terre et de la vie dans ses différentes dimen-sions, au-delà de la perception conventionnelle qui se limiterait à l’environ-nement. Ils s’inscrivent dans un nouveau modèle relationnel et holistique, le seul apparemment qui soit encore capable de nous donner de l’espoir.

L’encyclique fait écho à la Charte de la Terre qui dit dans un de ses points fondamentaux : "J’ose proposer de nouveau ce beau défi : comme jamais auparavant dans l’histoire, notre destin commun nous invite à chercher un nouveau commencement… " (n°207). Ce nouveau départ, le pape y souscrit. 

Énumérons ici quelques-unes de ces ressemblances, parmi d’autres.

Tout d’abord, on voit que c’est le même esprit qui traverse les deux textes : ce sont des analyses, qui rassemblent les données scientifiques les plus sûres ; ce sont des textes critiques, qui dénoncent le système actuel qui produit le déséquilibre de la Terre ; et ce sont des textes d’espérance, qui proposent des solutions. Ils ne conduisent pas à la résignation, mais ils font confiance à la capacité humaine de créer un nouveau style de vie et à l’action novatrice du Créateur, "le Seigneur qui aime la vie" (Sg 11,26).

Ils ont le même point de départ. La Charte de la Terre dit: "Les modèles de production et de consommation qui prévalent actuellement causent des dommages considérables à l'environnement, l’épuisement des ressources et la disparition massive de nombreuses espèces." (Préambule, 2). L’encyclique répète : "… il suffit de regarder la réalité avec sincérité pour constater qu’il ya une grande détérioration de notre maison commune ...  il est certain que l’actuel système mondial est insoutenable de divers points de vue…" (n° 61).

Ils font la même proposition. La Charte dit : "Des changements fondamentaux dans nos valeurs, nos institutions et notre façon de vivre sont indispensables." (Préambule, 3). L’encyclique insiste : "Toute volonté de protéger et d'améliorer le monde suppose de profonds changements dans les styles de vie, les modèles de production et de consommation, les structures de pouvoir établies qui régissent aujourd’hui les sociétés." (n ° 5).

Une grande nouveauté, typique du nouveau paradigme cosmologique et écologique, c’est cette déclaration de la Charte : "Nos enjeux environne-mentaux, économiques, politiques, sociaux et spirituels sont interdé-pendants et ensemble, nous pouvons trouver des solutions intégrées" (Préambule, 3). Il y a un écho à cette déclaration dans l’encyclique et il y a "certains axes qui traversent toute l’encyclique. Par exemple : L’intime relation entre les pauvres et la fragilité de la planète; la conviction que tout est lié dans le monde ; la critique du nouveau paradigme et des formes de pouvoir qui dérivent de la technologie ; l’invitation à chercher d’autres façons de comprendre l’économie et le progrès ; la valeur propre de chaque créature ; le sens humain de l’écologie ; … et la proposition d’un nouveau style de vie" (n° 16). C’est là que prend toute sa valeur la solidarité entre tous, la sobriété partagée et "de passer de l’avidité à la générosité, du gaspillage à la capacité de partager" (n° 9).

La Charte affirme qu’ "il existe un esprit de parenté avec toute vie" (Préambule 4). L'encyclique dit la même chose : "Tout est lié, et comme êtres humains, nous sommes tous unis comme des frères et sœurs ... et nous nous sommes aussi unis, avec une tendre affection, à frère soleil, à sœur lune, à sœur rivière et à mère terre." (n° 92). C’est la fraternité franciscaine universelle.

La Charte de la Terre souligne qu’il est de notre devoir de "respecter et protéger la communauté de la vie..., de respecter la Terre dans toute sa diversité" (I,1). Toute l’encyclique, à commencer par son titre de "sauvegarder la maison commune", fait de ce défi une sorte de refrain. Elle propose d’ "alimenter la passion de la préservation du monde" (n° 216) et une "culture de protection qui imprègne toute la société" (n° 231). Il ne s’agit pas ici d’une simple bienveillance ponctuelle, mais d’un nouveau paradigme, il s’agit d’aimer la vie et tout ce qui existe et est vivant.

Une autre similitude importante est l’importance attribuée à la justice sociale. La Charte dit qu’il existe une relation forte entre l'écologie et la " justice sociale et économique" qui "protège les plus vulnérables et aide ceux qui souffrent" (9,c). L'encyclique atteint l’un de ses sommets quand elle dit qu’ "une véritable approche écologique doit intégrer la justice pour pouvoir entendre autant le cri de la Terre que le cri des pauvres" (n°49;53).

Contrairement aux idées reçues, tant la Charte de la Terre que l’encyclique soulignent que "toute vie a de la valeur indépendamment de son utilité pour l’être  humain" (I,1,a). Le pape réaffirme que "toutes les créatures sont liées, chacune doit être valorisée avec affection et admiration, et tous en tant qu’êtres nous besoin les uns des autres" (n° 42). Sur celle base, il fait une critique vigoureuse de l’anthropocentrisme (n° 115-120), qui ne voit la relation de l’être humain avec la nature que comme un utilisateur ou même un dévastateur, en oubliant qu’il en fait partie et que sa mission est d’en être le gardien et le protecteur.

La Charte de la Terre a donné une des meilleures définitions de la paix qui ait pu être développée par la réflexion humaine : "la plénitude qui vient de relations respectueuses envers soi-même, avec les autres, avec d’autres cultures et d’autres formes de vie, avec la Terre et l’ensemble de l’univers dont nous faisons partie" (16,f). Si la paix, selon Paul VI, est "l’équilibre du mouvement", maintenant l’encyclique affirme que  l '"équilibre écologique doit être au niveau interne avec soi-même, au niveau solidaire avec les autres, au niveau naturel avec tous les êtres vivants, au niveau spirituel avec Dieu" (n° 210). Le résultat de ce processus est la paix pérenne tant désirée par tous les peuples.

Ces deux documents sont des balises qui nous guident dans ces temps obscurs, ils sont capables de restaurer l’espérance nécessaire que nous pouvons encore sauver notre maison commune et aussi nous-mêmes.



Leonardo Boff - Brésil)

Notes :
Source: https://leonardoboff.wordpress.com/2015/07/27/  
Beaucoup d’autres chroniques de L. Boff sur ce sujet y sont accessibles 
(trad. : P. Collet)
[1] Sur la Charte de la Terre, voir : http://www.earthcharterinaction.org/contenu/  





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