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Contemplation de septembre

José Arregi
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues

L'été passe, l'automne approche, les hirondelles s'en vont. L'année scolaire revient avec les devoirs, les horaires et la hâte. De même que ces écrits maladroits, en septembre, les questions restées sans réponse reviennent et nous pressent toujours. La paix dans la justice fera-t-elle son chemin?  La vie trouvera-t-elle un répit sur la Terre, communion d'êtres vivants?

En tournant mon regard, en revoyant les mois précédents, mes doutes redoublent. Cet été encore, fuyant la guerre et la misère, des centaines d'enfants, de femmes, d'hommes, se sont noyés dans les eaux de la Méditerranée entourée de délicieuses plages remplies de soleil et de touristes. Le Open Arms, arche de salut de 60 000 personnes, a échoué au port de Lampedusa, séquestré par nos intérêts et nos contradictions. Des milliers d'hectares ont brûlé à cause des petits feux allumés par des indigènes qui ont besoin d'un bout de terre pour vivre et à cause des incendies gigantesques provoqués par la convoitise impudique de grandes entreprises. Mais ni les morts de la Méditerranées, ni la séquestre du Open Arms, ni les incendies de l'Amazonie ne sont des évènements ponctuels. Ce sont des symptômes locaux d'une catastrophe planétaire. Sera-t-elle imparable?

Entre temps, le sommet du G7, réuni cette fois-ci dans la belle Biarritz (Pays Basque), a été ce que nous en attendions : une parodie honteuse de la mauvaise gestion mondiale, une exhibition cynique de son hégémonie décroissante. Évidence croissante de son échec  éthique et politique. Eux savent bien qu'ils nous mènent au chaos. Cela sera-t-il inévitable?

Je vous demande pardon pour ce ton apocalyptique que rien ne paraît justifier par un après-midi paisible, dans la magnifique localité d'Aizarna, où les enfants jouent sans cesse sur sa belle place. Tout y semble paix et harmonie. Et cela l'est réellement. Bénis soient les yeux qui le voient ! Mais, en même temps, je suis envahi par l'inquiétude. Je m'interroge sur l'avenir de ces enfants, de ces jeunes mères et pères qui bavardent tranquillement, assis en cercle, en savourant leurs derniers jours de vacances. Les  ombres qui se dessinent à l'horizon m'effraient. Les gémissements qui montent du fond se mêlent aux rires insouciants de la place et perturbent les vertes forêts et prairies de l'autre côté. Et dans nos oreilles résonne la voix résolue du jeune prophète, Jésus de Galilée : “Ne vous inquiétez pas en disant : qu'allons-nous manger? Qu'allons-nous boire? Avec quoi allons-nous nous vêtir? Levez la tête. Votre libération approche.” Qu'il en soit ainsi.

Mais pour qu'il en soit ainsi, il faudra que nous implantions une nouvelle économie. Une économie sans tant de déchets ni d'ordures, sans tant de concurrence ni de hâte, sans tant d'exclusion ni de mort. Une économie équitable, sobre et solidaire. Une économie humaine et heureuse, verte comme la vie. Ou bien, préférerons-nous avancer vers un monde de  plus en plus impitoyable et stressé? Le prophète crie dans le désert : “Préparez le chemin”.

Nous devrons réinventer la politique, les partis, la démocratie. Un gouvernement mondial démocratique, libre de la dictature financière de quelques personnes sans coeur.

Nous devrons nous occuper vraiment de l'emploi et de toutes les conditions de travail.  Par exemple, que deviendra le monde quand – très prochainement – les robots réaliseront les tâches qui nous occupent aujourd'hui? Et les enfants d'Itziar et de tous ces parents assis en cercle, comment se procureront-ils leur pain et les petits plaisirs nécessaires de chaque jour?

Nous devrons conforter par les faits une citoyenneté universelle, l'égalité des droits de tous les êtres humains, au-delà des frontières des États, violemment imposées par le pouvoir depuis leur origine jusqu'à ce jour. De sorte que personne ne puisse dire : “Ceci nous appartient. Nous d'abord, les étrangers ensuite, s'il reste de la place pour eux et si cela nous convient”.

Nous devrons reconduire l'orientation de cette pauvre espèce humaine que nous appelons Sapiens, savante.  Pour devenir plus savants. Et pour faire un meilleur usage des immenses capacités de notre petit cerveau et des possibilités insoupçonnées que nous offrent les sciences de l'information et de la vie. Et que nous avancions vers une nouvelle espèce, qu'elle soit humaine, hyper-humaine, ou post-humaine, mais qu'elle soit plus humble, libre et fraternelle, heureuse. Si nous le voulons, nous le pouvons.

L'Esprit de la vie gémit dans le coeur des créatures. C'est le souffle originaire, plus puissant que toutes les forces ennemies de la vie. C'est le répit qui soutient l'espérance depuis le coeur de la Terre jusqu'à la galaxie la plus lointaine.


José Arregi - Espagne)

Notes :

(Publié dans DEIA et les quotidiens du groupe DIARIO DE NOTICIAS le 1er septembre 2019)

Traduit par Miren de Ynchausti-Garate





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