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Et la Nature, bon dieu ?

Jean-Marie Culot
Publié dans Bulletin PAVÉS n°63 (6/2020)


De Dieu et de l’homme, nous dissertons abondamment en religion, mais de la Nature ? Du cosmos, de l’univers, du Bing Bang, de notre monde ? Des fraises sans pesticides, de l’atmosphère qui suffoque, des carottes du maraîcher voisin, des chauves-souris et des pangolins, de la Nature, quoi ? Il n’y en a que pour la bonne nouvelle du salut pour l’homme, de cet homme "à l’image de Dieu", mais peu pour l’univers. Pour la mystérieuse clé de cet Univers.

Des auteurs (attention ! ce n’est pas du latin, c’est la Process Theology[1]), considérons-les comme des frères croyants, notent – mais vous l’aurez vous-même noté – que la Bible ne parle pas d’un commencement absolu ni d’une origine radicale. Se trouvait "là" un tohu-bohu, un abîme liquide et il n’est pas dit d’où il vient. C’est le monde de la confusion et l’intervention de Dieu consiste non pas à créer de rien, mais à démêler, mettre de l’ordre : il transforme le chaos en cosmos.  

En organisant les choses (la lune et les étoiles, l’herbe et les arbres), il fait "naître" des réalités qui n’existaient pas dans le chaos, il les fait surgir. Et après huit jours, il y en a beaucoup, il y a tout ce qu’il faut. Saisissons ce message fort des auteurs poètes de la Genèse : Dieu a le pouvoir de provoquer de l’inédit, de l’inouï. Il se sert de ce qui est, de l’insatisfaisant pour susciter du nouveau : telle possibilité auparavant absente est désormais offerte, disons créée.

Notons encore que le Dieu de la Genèse parle, agit par la parole. Il n’est donc pas seul, et attend une réponse, s’adresse à une liberté. Sans violence. Il appelle à exister. « Deviens jour et nuit, terre et eau… ». Et Dieu, satisfait, voit que le jour et la nuit se mettent à exister, ont répondu ; il "crée" s’il reçoit une réponse, s’il est accueilli.

Notons de même que cette structure se rencontre tout au long des interventions divines : l’après-déluge, la fécondité de Sarah, l’exode, la naissance de Jésus, ses miracles et même, et surtout, sa résurrection. Le récit de la Genèse est posé en début parce qu’il donne la clé de lecture de tous les événements. Voyez comme Dieu éveille, appelle, suscite, ressuscite. Il ne cesse de ‘créer’ à partir d’un chaos, nous invitant à lui répondre, à y collaborer.

« Credo in unum Deum, … creator cœli et terrae » : plus qu’une croyance, c’est une prédication, un appel. On n’y parle des origines que pour parler du présent et surtout du futur : faites avancer les choses, guérissez. Jésus le dira à sa façon : c’est ta foi qui t’a sauvé, tu as répondu. La création est un autre mot du salut.

Peu importe, finalement, le début de la réalité, l’inconcevable "avant" du Big Bang, sa cause même. En seriez-vous changé de parvenir à le concevoir ? Y trouveriez-vous autre chose qu’une satisfaction intellectuelle, si fulgurante soit-elle ? Mais il importe absolument d’entendre que Dieu veut assurer la protection, plus que cela, l’évolution de l’existant. Qu’il souhaite créer, mais créera avec vous : la création ne parle du début que pour éclairer l’aujourd’hui. Elle est le mode d’emploi de nos existences à nous, de nos matins, de nos résolutions du matin.

Dieu se serait reposé le septième jour ? On le comprend ! Mais il était de nouveau là pour l’exode, pour la descendance d’Abraham, pour la guérison de l’enfant de la veuve, pour les lendemains de la mort en croix. Aujourd’hui encore, il nous appelle à faire « toutes choses nouvelles ». Votre conviction religieuse vous inciterait-elle au maintien de l’existant, au conservatisme ? Erreur, le Créateur ne maintient pas, mais appelle à la transformation, à l’inédit, à l’amélioration ; il ne parle pas du passé, mais de l’avenir.

Un virus tue, désole, endeuille ? Mille questions se posent, dont l’insondable responsabilité du mal : question insistante, peut-être insoluble. Les rédacteurs de la Genèse, ces vieux sages en humanité, ces merveilleux bardes, nous disent : l’origine des choses a évidemment son mystère. Creusez, cherchez (avec les lunettes de Darwin, de préférence), mais en tout cas, sachez-le, entendez-le : quand Dieu s’adresse au tohu-bohu, l’eau et la terre en viennent à se séparer, les petites bêtes à ramper et les oiseaux à voler.  Du chaos et chaque jour peut sortir plus d’ordre : c’est la préoccupation du Très-Haut (Il n’est pas dit "Tout-Puissant"). C’est de sa part et adressée à chacun de vous une invitation pressante : cherchez, aidez, guérissez, soulagez, consolez ! Créez ! C’est le mieux à faire. Les lumières sur l’avant du Big Bang, sur la recette du magma, sur la physionomie d’un Grand Horloger et sur le pourquoi du comment, cela peut un peu attendre.

Souhaiteriez-vous poursuive la réflexion sur ce thème de la création ?  François a bien des choses à vous dire, mais vous aurez déjà lu Laudato si[2].  Adolphe Gesché[3] aussi, avec cette intuition, surprenante à première vue, d’un créateur "sensible". « Le secret ultime de la gratuité, la surabondance du don, le surcroît d’un geste ne sont-ils pas, précisément, de donner à l’autre que je puisse être affecté par lui ? Dieu accepte d’être atteint par ce qu’il crée. N’est-il pas, ne serait-il pas aussi grand, de la part de Dieu, de recevoir que de donner ? […] Nous aurions ainsi la possibilité de poser un Dieu "sensible", "muable", atteint, concerné par sa création… ». Ce qui implique par ailleurs, pour nous, une représentation du monde comme don gratuit, et donc sans contrepartie, mais ne l’habitant pas en solitaires.


Jean-Marie Culot (Hors-les-murs)

Notes :

[1] André Gounelle, « Théologie du Process et création », in Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses, Année 1990 / 70-2, pp. 181-197. Les auteurs principalement consultés sont J. Cobb, D. Griffin, P. Tillich. https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1990_num_70_2_5071.

Wikipedia propose un article sur la Théologie du Process.

[2] Texte de l’encyclique : https://w2.vatican.va/content/dam/francesco/pdf/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si_fr.pdf

[3] Adolphe Gesché, « La création : cosmologie et anthropologie », in Revue Théologique de Louvain, année 1983, 14-2, pp. 147-166. https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1983_num_14_2_1968




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