Cette question sera éclairée à partir d’une problématique particulière, celle des pasteurs (vous ajoutez "protestants", pour nous c’est un pléonasme) qui se convertissent au catholicisme. Pour ceux (il n’existe pas de "elles" ! ) qui franchissent le pas, il y a certainement opposition entre les deux confessions. Mais avant d’aborder le fond de la question des ordinations de pasteurs convertis au catholicisme, il est utile de remettre les choses en perspective. En Occident, plus de 200 hommes non célibataires ont été ordonnés. En Belgique, le premier homme marié qui reçut l’ordination sacerdotale fut Gijs Meinesz, diacre et ex-pasteur de l’Église Réformée des Pays-Bas : à la demande de Monseigneur Schruers, évêque de Hasselt, le pape avait donné son autorisation pour cette ordination.

Patrick Balland, ex-pasteur, marié, 55 ans, père de 4 enfants, a été ordonné prêtre le 26 juin dernier dans la cathédrale Saint-Aubain de Namur : converti au catholicisme il avait été le premier aumônier laïc de l’Université de Fribourg. Soumis normalement à l’obligation de célibat, ce nouvel abbé a obtenu une dispense du pape Jean-paul II, et avec l’accord de la Conférence épiscopale de Belgique et du Vatican, Patrick Balland reçut l’ordination diaconale en décembre 2004. Bien que devenu " prêtre à part entière" il semble qu’il n’aura pas charge de paroisse, si j’en crois l’information donnée en son temps au Journal Télévisé ?

On me dit que cette ordination a eu un retentissement très positif dans certains milieux catholiques conservateurs mais a suscité dépit et déception dans les milieux catholiques plus ouverts.

D’emblée disons que dans les milieux protestants la nouvelle n’a pas entraîné des prises de position tranchées ni de commentaires enflammés. Pour un certain nombre de protestants anti-œcuméniques, il ne fait pas de doute que P. Balland est une sorte de traître puisqu’il a épousé des doctrines que les Réformateurs ont rejetées (rôle du pape, culte de Marie, compréhension du repas du Seigneur…) et que l’Église catholique romaine n’a en rien évolué selon eux sur ces points fondamentaux. Pour d’autres protestants plus ouverts, le passage d’un pasteur au catholicisme n’est pas la meilleure manière pour faire progresser l’unité entre les chrétiens : on le constate souvent aussi, lorsque des catholiques passent au protestantisme, ils se montrent généralement peu enclins à approfondir le dialogue avec leurs anciens coreligionnaires. Disons donc qu’après un certain nombre de commentaires, la majorité des protestants, me semble-t-il, est passée à autre chose, considérant cet épisode comme l’écume sur la vague de l’actualité.

Puisque je suis sollicité pour cela je voudrais partager ici quelques réflexions plus personnelles que m’inspire cette information.

Je relève d’abord quelques ambiguïtés dans la position catholique.

En Autriche en juillet dernier, a été ordonné prêtre un laïc, père d’un enfant de deux ans conçu hors mariage (vous avez bien lu) : Christoph Frischmann a été autorisé à accéder à la prêtrise parce qu’il a promis de vivre dans le célibat et parallèlement d’assumer sa charge de père ; il aura la charge de plusieurs paroisses et donc sauf erreur de ma part ce père d’un enfant conçu hors mariage pourra donner l’eucharistie, mais pas aux divorcés à qui la hiérarchie refuse toujours l’accès au Saint-Sacrement ?

En Espagne, en août 2005, un pasteur anglican, marié et père de famille a été ordonné à Tenerife. Il a rejoint l’Église catholique en réaction à l’ouverture à la prêtrise aux femmes dans l’Église anglicane. Bien qu’il n’ait pas fait vœu de chasteté lors de son ordination, il exercera toutes les fonctions réservées aux prêtres et célèbrera les sacrements mais ne pourra pas diriger une paroisse.

L’ordination de ces nouveaux prêtres est-elle une manière de pallier le manque de vocations ?

Dans ce cas il faudrait engager bien davantage que les quelque 200 hommes mariés nouvellement ordonnés. Mais j’imagine mal que l’Église catholique ferait appel à une femme pasteure convertie au catholicisme : jusqu’ici la hiérarchie catholique préfère un homme, même converti, même s’il a eu des relations extra-conjugales, plutôt qu’une femme, fût-elle catholique.   

S’adressant aux prêtres de la Vallée d’Aoste en juillet dernier, le pape Benoît XVI a expliqué que « les grandes Églises, en premier lieu les grandes Églises traditionnelles protestantes, se trouvent réellement dans une crise très profonde… En revanche l’Église catholique ne se porte pas aussi mal que les grandes Églises protestantes historiques… » Il s’est aussi référé à l’expérience française des assemblées dominicales en l’absence de prêtres, une fausse solution. Il a dit qu’«elles pouvaient parfois poser problème car il pouvait y avoir une perte de sacralité, une "protestantisation"  (sic) ou le sentiment que s’il n’y a que la Parole, on peut la célébrer à la maison. Les français ont un peu transformé cette formule en assemblée dominicale "en attente de prêtres" . Normalement la liturgie de la Parole devrait être une exception le dimanche », a insisté le pape qui a cependant reconnu que « l’un des problèmes qui se posent à l’Église (catholique) est celui du manque de vocations sacerdotales ».

Quand on nous répète à l’envi que le nouveau pape est soucieux de relancer les relations œcuméniques, c’est peut-être vrai avec les orthodoxes (ou avec la religion juive ou musulmane), mais les Églises protestantes restent dubitatives (ce fut confirmé, elles ne sont pas des Églises à part entière ). Et je ne parle pas de l’octroi d’indulgences aux jeunes assidus des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) ! (Luther doit se retourner dans sa tombe ?).

Sans non plus évoquer la "messe" célébrée par un cardinal et des frères catholiques aux obsèques du protestant fondateur de Taizé, Frère Roger Schutz, qui avait reçu la communion des mains du Cardinal Ratzinger lors des obsèques de Jean-Paul II. L’explication ? Ambiguë pour le moins, car selon J. Navarro-Valls, le porte-parole du Vatican, « Frère R. Schutz accède totalement à la compréhension de l’eucharistie. Dans cette situation il est pratiquement impossible de lui refuser l’accès au très Saint-Sacrement, du fait notamment que sa foi catholique est connue de tous. Et dans sa communauté aucune inter-communion n’est mise en pratique, Frère Roger lui-même y est opposé ». De quoi perdre son latin ! Voilà deux thèmes qui ont suscité davantage de commentaires dans nos cercles protestants.

Comme aussi (balayons devant notre porte) la récente déclaration de ce télé-évangéliste Pat Robertson, candidat du parti républicain pour les élections présidentielles de 1988 qui contrôle le premier empire mondial de propagande évangélique, proche des ultra-conservateurs au pouvoir à Washington et du Président Bush, et qui incite à l’assassinat du président vénézuélien Hugo Chavez. La position de ces chrétiens évangéliques américains est d’ailleurs fort proche des thèses du Cardinal Schönborn, un proche de Benoît XVI, cardinal influent au Vatican, qui a récemment dénoncé la théorie de l’évolution ; les "créationnistes" aussi refusent d’accepter les théories darwiniennes. Benoît XVI aurait donné carte blanche à son cardinal pour publier sa tribune dans le New York Times et on annonce que le pape  rencontrera le chef des catholiques intégristes, l’évêque suisse Bernard Fellay. On se dit alors que la formule " catho conservateurs et fondamentalistes protestants – même combat " n’est pas loin de la réalité, en tous cas dans certains domaines.

À d’autres alors d’affirmer " catho progressistes et protestants réformés/libéraux – même combat " ? À chacun(e) de répondre.