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Quand Dieu s'efface...

de Vincent Flamand

Sophie Delhalle
Publié dans HLM n°160 (6/2020)

Le livre[1] est à l’image de l’auteur : inclassable. Un ovni, comme le qualifie lui-même Vincent Flamand. Jugé trop ‘catho’ ou pas assez, il nous livre ici son "corps-à-corps" avec le christianisme, dans un mouvement intime qui n’appartient qu’à lui. Une lecture dont on ne sort pas indemne.

Quand Dieu s’efface est une œuvre personnelle, viscérale, vraie. Comme on en lit peu dans une vie. Pas de calcul, ni de stratégie, juste le témoignage sincère et sans fard d’un homme qui veut mettre des mots sur une quête de l’infini, de cet Amour inconditionnel, depuis sa plus tendre enfance. L’histoire aussi d’un gamin, nez pointé vers le ciel, émerveillé par la vie où "tout est intéressant".

« Je suis Vincent Flamand »

Dans ce livre, Vincent Flamand nous entraîne avec lui dans sa quête d’humanité, la sienne, bien sûr, mais surtout celle des autres. « Ce livre, je ne l’ai pas écrit pour me défendre, ni me justifier et encore moins choquer », clame l’ex-prêtre. Non, c’est un livre des tripes, qui ne masque ni les hantises, ni les tremblements et autres dégoûts. Un livre de combat, « je n’aime pas écrire, j’écris quand je ne trouve pas d’autres moyens », un livre de l’acceptation pour parler de « ce que je continue à appeler Dieu même s’il s’efface ». Ce livre, avoue l’auteur, c’est « un corps-à-corps avec le christianisme dont je ne sortirai jamais ». Parce qu’il le passionne, qu’il fait partie de lui, depuis toujours, qu’il continue de le questionner. Trop ‘catho’ pour les uns, pas assez pour les autres, lui-même se définit comme croyant agnostique. Car dire « je ne sais rien » n’est pas un renoncement, bien au contraire, c’est une ouverture, le début d’une recherche. Et n’essayez pas non plus de lui coller une étiquette, ou de l’enfermer dans une case, il vous répondra: « Je ne suis ni l’un ni l’autre, je suis Vincent Flamand. »

Une humanité en partage

« Je cherche ce qui n’enferme pas, c’est une quête pathologique chez moi, reconnaît-il volontiers. Je suis un électron libre, j’ai besoin de cette liberté inouïe de bouger. » Vincent Flamand cherche aussi et avant tout la liberté la plus profonde « parce que je suis esclave depuis toujours et je le suis encore ». Sans malaise ni rancune, il revient avec nous sur ses années de prêtrise: « Quand je suis entré dans l’Église, j’y suis allé avec toute ma générosité, mon avidité, mes excès. Mais cette appartenance, cette identité que je me sentais dans l’obligation de revendiquer en était devenue totalement incongrue. » Il voulait bien faire le job, Vincent, et cela signifiait, pour lui, mettre de côté sa singularité, « j’ai essayé de coller à l’identité » – lui le prêtre bizarroïde qui écoutait du punk – « mais la vie m’a ramené à ma singularité, et ce livre, c’est accepter et dire cette singularité. C’est mon humanité en partage.»  Une singularité qui s’exprime aussi dans les nombreux paradoxes de sa vie qui ont forgé le caractère de cet homme solitaire qui cherche néanmoins, comme beaucoup, la « tiédeur du troupeau ».

L’Église, lieu de liberté

Un beau jour, Vincent Flamand s’est trouvé face à deux chemins, il choisira de continuer sa vie, autrement, en abandonnant le costume de prêtre, devenu trop grand ou trop lourd. « J’ai choisi d’écouter mon humanité et mon corps. » Douze ans plus tard, après un long silence, il confie : « Je suis parti heureux avec beaucoup de gratitude, l’Église m’a structuré, m’a donné un cadre, m’a permis de m’exprimer, ce fut un lieu de liberté réelle pour moi et c’est grâce à l’Église que j’ai pu quitter l’Église. »

Renoncer à la prêtrise pour Catherine, et non pas pour une femme, précise-t-il dans son livre, c’était poursuivre ‘son’ chemin de vérité intérieure. « Je rate plein de choses mais mon départ, je crois que je l’ai réussi. Ce fut une brisure, certes, que je n’ai pas voulu atténuer. » S’ensuit alors un temps de reconstruction, de réconciliation avec soi-même. Et, aujourd’hui, Vincent fréquente les milieux d’Église où on l’accueille volontiers. « Je ne suis pas un adversaire. » Ni totalement dedans, ni totalement dehors, Vincent Flamand reste ce qu’il a toujours été : un "homme du seuil".

 Lettres à Rodolphe

Pourquoi évoquer aujourd’hui cette fracture dans un livre ? « J’ai été pris au mot par la vie, j’avais dit que j’écrirais si on me passait une commande et un éditeur m’a contacté. » Mais le challenge est de taille. « Je ne voulais pas écrire un mot sur moi, j’ai tenté d’écrire un essai, que j’ai trouvé nul. » Une connaissance lui suggère alors de rédiger des lettres à Jésus. Dans un accès de colère contre lui-même et son incapacité à écrire, une première lettre est venue, adressée à un inconnu imaginaire. « Écrire, c’est écouter le chant des profondeurs, parfois chaotique mais l’important pour moi c’est que cela sonne juste. » Que le lecteur ne lui tienne donc pas rigueur d’avoir succombé par moments au délire, ce livre est aussi celui de la dépossession, un livre désarmé où se dévoile, avec pudeur, une blessure intime. Pour autant, « la condition humaine n’est pas une maladie, je suis fatigué de cette société qui veut nous guérir, on est dans une aventure, je ne veux pas aller mieux, je veux que l’aventure continue, apprendre et donner ».

Pour vous, qui suis-je ?

Si Dieu s’efface, Vincent conserve toutefois le désir profond de vivre du mouvement qui a été celui du Christ. « Je veux entrer en communion avec le mouvement profond que cet homme a donné. » Christ, c’est l’homme-agapè. Son maître spirituel, celui en qui il s’est remis en confiance. « C’est la relation la plus profonde de mon existence, depuis toujours ; enfant, je tremblais devant les récits de sa Passion, sa résurrection me bouleversait et me bouleverse toujours de joie. » Et en même temps, cette relation fondatrice reste mystérieuse, nous dit-il. Le mouvement christique, selon Vincent Flamand, ce n’est pas tant aimer Jésus mais "devenir Christ".

Une heureuse attente

Sortir du jugement, ne pas juger ce qu’on vit mais entrer dedans. Voilà ce à quoi aspire Vincent, pour lui-même et pour les autres, comme nous y invite Jésus dans le récit de la femme adultère. « Ne jugez pas !, c’est ma phrase à moi, à laquelle je suis pourtant sans cesse infidèle, dont je voudrais parfois me débarrasser mais qui ne me lâche jamais. » Au terme de son dialogue intérieur, l’auteur écrit « Je suis un homme qui attend… » Mais quoi ? Qui ? « Je n’ai jamais pu arrêter d’attendre et je continue à en vivre. J’étouffe quand je suis dans une situation où il n’y a plus rien à attendre, j’ai besoin d’un espace où quelque chose peut advenir.» Alors, Vincent attend, avec l’espoir que « quelque chose va arriver ».


Sophie Delhalle

Notes :
[1]  Vincent Flamand, Quand Dieu s’efface, éditions Fidélité 2019, 107 p., 14 €. Cet article est repris de Cathobel avec l’aimable autorisation de l’auteure et du site officiel de l’Église catholique francophone de Belgique.


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