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Quel salut pour notre Église ?

Philippe de Briey
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues

Avec les récentes déclarations du Vatican (sur la Messe à l’ancienne et sur l’œcuménisme – réaffirmant que l’Eglise catholique romaine est la seule Eglise du Christ !) la dérive conservatrice me paraît évidente avec Benoît XVI, ce qui était bien prévisible. Qu’ils l’aient élu, lui, a été stupéfiant, mais peut-être explicable en partie par le fait que Jean-Paul II n’a cessé de nommer surtout des évêques et cardinaux conservateurs.

On touche là, je trouve, à l’un des grands problèmes de l’Eglise catholique : elle est terriblement non-démocratique : nous sommes gouvernés par une oligarchie et même une monarchie. Ça me paraît gravement anti-évangélique et anti-chrétien, en plus d’être obsolète.

Je ne vois pas de raison vraiment valable pour refuser obstinément des élections démocratiques dans nos diocèses, rien qui, fondamentalement, empêcherait d’élire les évêques, comme du temps de saint Ambroise, et que ceux-ci élisent ensuite les cardinaux. Il me semble que cela favoriserait au moins de véritables débats sur les grandes questions qui se posent à l’Eglise aujourd'hui et cela obligerait nos oligarques à écouter enfin les aspirations et les idées de tous les gens. La manière dont les choses se passent chez nos frères protestants pourrait nous servir d’exemple.

En présence d’un pontificat de la stagnation et même du retour en arrière, nous ne pouvons pas espérer ce genre de changement, mais cela ne devrait pas nous empêcher de taper sur le clou, car ce changement-là me paraît assez fondamental pour que notre Eglise catholique retrouve une capacité d’adaptation. Or, il y a encore des gens pour dire que « L’Eglise n’est pas une démocratie ». (C’est d’ailleurs vrai qu’elle ne l’est pas… et c’est bien triste !)

Alors, que pouvons-nous faire, sinon préparer patiemment l’avenir au niveau de la base ? Mais comment ?

Un point important me paraît être de créer des groupes qui se rassemblent pour donner davantage sens à la vie : groupes chrétiens et groupes interconfessionnels, interreligieux, interconvictionnels. Ce ne sera sûrement pas une tâche aisée que cette construction d’une nouvelle manière de chercher ensemble à donner un sens plein à la vie, en dehors de toute pratique traditionnelle : il faudra inventer, avec persévérance et modestie, mais aussi en toute liberté. Et la liberté, il faut se la donner, se libérer du qu’en dira-t-on et de croyances et pratiques séculaires.

A mon humble avis, cela ne devrait pas consister seulement en partage de nos réflexions et expériences : il faudrait aussi y prévoir des moments de silence et de méditation, car si on n’encourage pas la vie intérieure, on risque de rester en surface et de ne pas parvenir à dépasser nos différences, ce qui est sans doute la plus grande difficulté dès qu’on sort des sentiers battus du passé, étroitement balisés par les autorités.

On pourrait penser que ceci est utopique et ne pourrait convaincre que de très petites minorités. Mais ce sont toujours des petites minorités qui ont été l’amorce des grands changements ! Il faut être réaliste : aujourd'hui, un nombre toujours plus grand de personnes dotées d’une certaine formation et d’une capacité critique et libres de toute fonction ecclésiale les rendant intérieurement dépendantes, soit ne s’intéressent plus à l’Eglise, soit y sont tout à fait mal à l’aise. Cessons donc cette politique de l’autruche et ayons le courage de reconnaître la gravité de la crise des religions. Crise signifie : nécessité de mutations.

Dans les faits, un certain nombre de groupes se rassemblent déjà dans des réunions et des célébrations libres et créatrices (ex : la Paroisse libre, Libre pensée chrétienne, à Bruxelles, les groupes et les week-ends du CEFOC, les sessions de SOIF, les Cafés théologiques etc., etc.) et ce serait un travail utile d’en faire l’inventaire et d’en tirer des leçons, si ce n’est déjà fait. Non pas pour convaincre les évêques de quoi que ce soit, c’est peine inutile, mais d’autres chrétiens (ou non-chrétiens) en recherche d’une religion nouvelle, d’une manière nouvelle de se relier à l’Essentiel.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit, en fin de compte : partout émerge le besoin impérieux de se faire désormais une autre idée de Dieu (ou de cesser de s’en faire une idée ?) et notamment de ne plus l’imaginer comme le Souverain tout-puissant dont on tente de se concilier la faveur ou d’obtenir des bienfaits par des prières, des sacrements etc … ou comme Celui qui est davantage présent dans telle Eglise, dans tel lieu, dans tel rite… Or, beaucoup de nos croyances et prières officielles sont basées sur ce schéma-là, comme si on n’avait pas encore bien compris que le Dieu de Jésus est plutôt Celui qui, au cœur de chacun-e d’entre nous, mendie notre amour, notre amour pour tout homme ou femme et pour tout peuple, quelle que soit sa langue, sa race, sa religion.

Mais il faudrait oser innover, vraiment innover ! sans quoi, comme le dit Maurice Bellet, pas d’espoir d’une Eglise qui dépasse la crise actuelle. Car, comme il le souligne, cette crise est profonde, elle nécessite absolument d’oser renoncer à tout un appareil dogmatique du passé (il en est de même pour l’islam, mais là ça nous apparaît plus évident, parce qu’extérieur à nous. Or, le christianisme est tombé très tôt dans le même piège. Qu’il s’agisse du Coran descendu du ciel ou du Fils de Dieu « descendu du ciel », on est dans le même schéma de croire posséder La Vérité d’une manière exclusive, ou du moins supérieure, ce qui rend impossible tout dialogue en profondeur, qui ne peut avoir lieu qu’entre égaux.)

Bien sûr, de telles mutations ne sont pas très rassurantes, c’est marcher dans un désert sans piste ou presque, mais l’abandon des lois judaïques au début du christianisme était aussi une fameuse aventure ! C’est donc encore être chrétien (ou plutôt c’est devenir enfin « adorateur en esprit et en vérité »), car c’est suivre Jésus dans son incroyable audace par rapport à sa propre religion, dans son exigence de vérité et d’authenticité, dans son courage d’affronter les autorités religieuses et même sa propre famille.

Voilà où j’en suis aujourd'hui et je pense le moment venu, pour nous tous qui nous posons ces questions et cherchons dans cette direction, de le dire et de l’écrire clairement et sans ambages, car à force d’avoir peur de scandaliser et de ne pas être compris et donc d’être étiquetés par les autorités et tous ceux qui les suivent, nous prolongeons une situation de non-dits et de manque de clarté qui maintient une stagnation mortifère, au lieu de témoigner humblement mais courageusement de ce qui nous brûle le cœur, par amour de Jésus et de tous nos frères humains en recherche de sens.

mardi 28 août 2007

Philippe de Briey


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