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Le Royaume de Belgique et le Royaume de Dieu

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Collectif (Pavés)
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Ces dernières années la problématique communautaire a fait couler beaucoup d’encre, d’images et de paroles. Faut-il maintenir la Belgique sous sa forme actuelle? Devons-nous construire une nouvelle Belgique?  La solution est-elle une Belgique confédérale ou une division du pays en états indépendants?  Nous ne nous prononçons pas sur ces questions, ce n’est pas notre préoccupation prioritaire. Comme chrétiens à la base, que nous soyons Flamands, Wallons ou Bruxellois, notre première priorité est de veiller à ce que les pauvres et les opprimés accèdent pleinement à leurs droits. Aussi bien à l’autre bout du monde que dans notre propre pays. C’est avec ce critère que nous devons juger les situations existantes et les réformes proposées. En termes de théologie de la libération, il s’agit de l’option pour les pauvres et du choix pour la vie. Dans la théologie de la libération, la “vie” s’oppose à la “mort”; la plénitude de la vie s’oppose à ce qui restreint la vie ou en détruit le sens. Contre une mondialisation économique néolibérale qui étend une logique capitaliste mortifère jusqu’aux recoins les plus éloignés du monde et à tous domaines de la vie, nous voulons opposer une mondialisation de la justice, de l’amour et de la vie. Contre l’idéal du “monde” où chaque individu, chaque entreprise, chaque nation veut pousser ses bénéfices aussi haut que possible pour vaincre les concurrents, nous posons l’idéal de justice, de partage et de solidarité, idéal que la Bible désigne par “le Royaume de Dieu”.

Pour discerner ce que cela signifie concrètement en ce qui concerne le communautaire, nous devons regarder au-delà des slogans, des opinions régnantes et des belles présentations. Pour juger les propositions de réforme, nous devons d'abord les analyser et les placer dans leur contexte. La question communautaire belge est complexe, il ne nous est donc pas possible d’être complets. Nous nous limitons forcément à quelques axes importants. Nous partirons d’une analyse politique, culturelle et économique.

La démocratie en danger  (analyse politique)

Après les élections de juin 2007, aucun gouvernement fédéral n’a pu être formé. Les échecs successifs ont révélé une lacune dans notre structure d’état fédérale. Au sein du parlement les partis représentés sont tous structurés sur base régionale ou communautaire. Et néanmoins ils avancent des points de programme qui ne sont pas de leur propre compétence régionale ou communautaire mais relèvent du fédéral. Ainsi le parlement flamand en 1999 a voté quasi à l’unanimité cinq résolutions qui appartiennent à la compétence fédérale. Et le cartel CD&V/N-VA a promis à ses électeurs une profonde réforme de l’état. Étant donné que ces résolutions et les points de programme concernaient tout le pays, ces promesses ne pouvaient pas être réalisés sans la collaboration des partis francophones. Mais ceux-ci n'étaient pas demandeurs et leurs électeurs n’avaient pas pu se prononcer au sujet des exigences flamandes.

On connaît la suite. La formation de gouvernement a traîné finalement, de crise en crise, pendant des mois et a fait éclater le cartel CD&V/N-VA. Aujourd’hui, dans la préparation des élections régionales et européennes de juin, c’est le mécontentement qui domine dans une grande partie du CD&V. « Le parti n’a pas tenu parole», dit-on : « Dans le domaine de la réforme d’état censée si prioritaire, rien n’a été réalisé ! ». Mais où se trouve la cause de l’échec? Dans le fait que le parti n'a pas tenu les promesses faites ? Ou dans le fait que le parti a fait des promesses intenables ?

Tout cela a eu pour effet que l’apathie et l’aversion pour le domaine politique ont grandi, ce qui implique un danger pour la démocratie. Dans chaque partie du pays, l’impression va dominer que les politiciens perdent leur temps précieux à jouer sur le communautaire et  ne s’occupent pas des vraies préoccupations des gens. Et ces préoccupations sont pareilles dans toutes les parties de pays..

Modèles d’approche  (analyse culturelle)

Si les soucis en ce qui concerne la vie quotidienne dans les différentes parties de pays sont semblables, on ne peut pas en dire autant du sentiment d'identité. Il y a une longue histoire là-derrière. Dans le nord du pays, la population se considère en grande partie en premier lieu comme “flamande”. Au centre et au sud du pays, on est tiraillé entre l’identité belge, l’appartenance à la communauté francophone ou germanophone et aussi une conscience wallonne. Aux frontières entre les régions, le débat se focalise sur l’élargissement de Bruxelles, la nomination des bourgmestres, les facilités linguistiques, etc…

Nous constatons également que les francophones et les flamands sont particulièrement mal informés au sujet de l'autre communauté. Nous ne pouvons pas aborder ici chaque point de cette querelle sans cesse relancée. Constatons uniquement qu'aussi bien du côté flamand que du côté francophone ce sont toujours les mêmes modèles d’argumentation qui apparaissent.

En ce qui concerne le communautaire, la tendance dominante dans l’argumentation flamande part d'un principe de territorialité. La frontière linguistique, fixée depuis 1962, est considérée comme un équivalent d'une frontière d’état. Tout le monde peut venir habiter sur le “territoire flamand”, mais doit s’adapter à la langue et à la culture du pays. Ce principe du sol continue aussi à prévaloir quand la majorité de la population locale est de fait devenue allophone (le plus souvent francophone). Ce n’est pas parce que la majorité parle maintenant le français que la langue officielle (dans l’administration, au conseil communal, etc.…) ne serait plus le néerlandais. Dans cette logique un ministre de la culture de la communauté française ne peut donc exercer aucune compétence sur le territoire flamand, même pas envoyer une inspection aux écoles francophones qui y sont établies. Les facilités pour les allophones sont au maximum tolérées et doivent donc s’éteindre.

Cette attitude défensive peut être comprise à partir de l’histoire et de la situation géographique de la Belgique. Il a fallu attendre longtemps avant qu’en Belgique le néerlandais obtienne le même statut que le français. Il a fallu lutter pour en arriver là, et cette lutte concernait également l’acquisition des droits sociaux. Mais cela ne résout pas le fait que le néerlandais, la langue de la majorité des Belges, soit confronté le long de la frontière linguistique à une langue et à une culture qui au plan mondial sont beaucoup plus influentes. Cela produit une situation paradoxale où les deux communautés se sentent menacées. Les francophones craignent d’être minorisés dans l’Etat Belge et veulent se protéger – au moyen de procédures spéciales – contre l’éventualité que la majorité parlementaire flamande leur impose des lois indésirables. De l’autre côté, la Flandre sur sa frontière sud veut protéger sa spécificité face à une culture dominante, qui s'impose en quelque sorte de par sa gravitation culturelle. D’où l’insistance sur les frontières.

L'argumentation des francophones suit une autre piste qui trouve son fondement dans le droit des personnes. Si une part importante ou la majorité des habitants d'un territoire (concrètement une commune) choisit de parler sur la place publique sa propre langue (concrètement le français), de bénéficier des dispositions dans cette langue et d’être servi dans cette langue au niveau administratif, alors cela doit être possible du point de vue démocratique.

Les deux principes, celui de territorialité et celui des personnes, ont leurs bons côtés. Mais poussés jusqu’à leurs conséquences extrêmes, ils peuvent déboucher sur des pratiques déshumanisantes. Ainsi le principe de territorialité peut produire une forme légale ou émoussée de théorie ethnique qui débouche dans l’une ou l’autre forme de racisme et d'exclusion. Le principe des personnes, de son côté, peut facilement dégénérer en liberté anarchique et en individualisme. Chacun a la liberté de faire et d’omettre ce qu’il ou elle veut, aussi longtemps qu’il ou elle n’utilise pas la violence pour attenter à la propriété personnelle de l’autre. L’intérêt personnel va prendre le dessus sur l’intérêt commun. Les libéraux trouvent cela positif car selon leur idéologie une “main invisible” veille à ce que l’intérêt commun soit atteint quand chacun poursuit son intérêt privé. Est-ce un hasard si le MR est le plus grand parti dans la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde (22,73% lors des élections fédérales en 2007)?

Si les deux parties - Flamands et Francophones – se tiennent sans concession aux points de départ évoqués ci-dessus, on ne pourra jamais arriver à un réglement institutionnel satisfaisant. Seule la voie d’une combinaison du meilleur des principes susmentionnés, un compromis où les deux parties font des concessions sur leurs points de départ, apportera une solution. Mais en ce qui nous concerne, le compromis lui aussi doit être jugé à l’aune des critères susmentionnés de justice, de partage et de solidarité.

Des compromis et des règles institutionnelles sont nécessaires, mais ne fonctionneront jamais de manière satisfaisante dans la pratique s’ils ne sont pas portés par des vertus et des valeurs humaines comme l’ouverture, le respect de l’autre et la responsabilité. Cela inclut par exemple l’apprentissage de la langue de l’autre. Les valeurs susmentionnées sont d’autant plus importantes maintenant que, sous l’influence de processus de mondialisation et de l’intégration européenne, nous évoluons vers une société multiculturelle. Des notions comme “identité” et “racines” culturelles se retrouvent ainsi sous un autre éclairage. Comme l’affirme l'écrivain libanais Amin Maalouf, nous ne sommes plus uniquement déterminés par un héritage qui est originaire de nos aïeux, de la tradition de notre peuple et de notre communauté religieuse. À côté de cet héritage “vertical” du passé,  il y a aussi ce que Maalouf appelle l’héritage “horizontal”. « L’Europe dans son ensemble devra considérer son identité comme la somme de tous les arrière-plans linguistiques, religieux et autres. Travailler pour l’Europe, c’est travailler à une nouvelle vision sur l’identité, pour le continent lui-même, pour tous les états européens et aussi un peu pour le reste du monde » (A. Maalouf, Les identités meurtrières).

A vrai dire c’est en quelque sorte des “hommes nouveaux” que nous avons à devenir. Jean parle dans son évangile de “naître à nouveau” (Jn 3,3). C’est l’inverse de se replier de manière crispée sur sa propre identité flamande ou wallonne. On va ainsi à contre-courant du dynamisme de l’histoire et des possibilités positives que l’unification européenne peut impliquer. L’islamophobie grandissante est un symptôme de ce repli identitaire.

Le discours séparatiste s’engage-t-il dans la même direction? Le séparatisme explicite a gagné beaucoup de terrain en tout cas en Flandre. Mais en Wallonie, cette tendance n’est pas inexistante non plus. Dans les cercles syndicaux de gauche des voix s’élèvent occasionnellement en faveur d’une Wallonie autonome afin de se distancier d’une “Flandre de droite”. Paradoxalement cela renforce objectivement en Flandre les tendances sociales de droite et séparatistes. A Bruxelles, c’est une autre histoire. La composition sociologique de la population donne beaucoup moins d’occasion au repli identitaire. La ville ressemble déjà en grande partie à un creuset cosmopolite. Des exemples d’autres pays indiquent qu’à partir d’une telle mixité culturelle, peuvent surgir une nouvelle identité et une richesse insoupçonnée.

Avec ceux qui, provenant du milieu chrétien ou appartenant à un parti qui commence par un C, en appellent à l’argument territorial, nous partageons volontiers la réflexion biblique suivante. Les mots “Peuple”, “Thora” et “Terre” sont indissociables dans la bible. On y lit que la terre appartient à Dieu, qu’elle est donnée à Israël (Dt 21,1 ; Dt 24,4, Jos 22,19 etc.) pour y faire la Thora. C'est-à-dire faire la justice et offrir un espace à celui qui n’en a pas, symboliquement appelé “l’étranger, la veuve et l’orphelin”. Dans la mesure où cela ne se produit pas, le droit sur la terre expire et le peuple perd son identité propre et son lien avec Dieu. Dans la perspective biblique, protéger son pays signifie donc en premier lieu l’ouvrir bien plus que le délimiter. Cela signifie concrètement que le compromis institutionnel dont nous avons parlé tout à l’heure, devra aussi offrir une place aux gens qui ont quitté leur pays d’origine pour des raisons sociales ou politiques afin de chercher ici une vie meilleure : les immigrés, les réfugiés, les sans-papiers, et autres…

On ne peut séparer la réforme de l’état du programme socio-économique  (analyse économique)

Bien qu’il s’agisse d’une question fédérale, la question de la réforme de l’état ne sera de nouveau pas absente lors des prochaines élections régionales. L’impasse au sein du gouvernement fédéral au sujet de la question de la réforme de l’état a conduit à mener les pourparlers communautaires de communauté à communauté. Si cette décision persiste et que le centre de gravité se déplace vers les communautés, la Belgique change fondamentalement de caractère. L’état fédéral ne décidera plus de ce qui sera renvoyé aux régions et communautés, mais ce seront ces dernières qui décideront de ce qu’elles veulent encore faire ensemble et des moyens budgétaires qu’elles veulent y consacrer. Les partis séparatistes et les forces nationalistes dans les grands partis traditionnels du nord parlent aujourd’hui ouvertement de leurs objectifs de confédération. Mais aussi du côté francophone, de plus en plus de politiciens se résignent à ce modèle dit “confédéral”, même s’ils soulignent la nécessité de la solidarité interpersonnelle. Et du côté flamand, partis et négociateurs dans le dialogue de communauté à communauté avancent aussi qu’ils veulent conserver la solidarité interpersonnelle. Mais en même temps le CD&V propose de donner aux régions 80 % des revenus de l’impôt des personnes. La Flandre, comme région la plus riche, encaissera alors plus d’impôts que la Wallonie, et pour la Wallonie et Bruxelles la proposition signifie une grave restriction de leurs moyens. Le CD&V veut bien être encore solidaire avec les régions plus pauvres, mais la Flandre décidera alors de manière autonome de la quantité de cette solidarité et de sa durée. L’ancrage structurel de la solidarité interrégionale est ainsi démantelé et dégradé en une forme de charité. Une relation de dépendance du faible face au fort vient remplacer le partage et la solidarité. A partir de notre pierre de touche évangélique, nous pouvons difficilement considérer cela comme un progrès.

La même évolution de remplacement de la solidarité par la concurrence, risque aussi de se produire au niveau de la sécurité sociale. Le levier est ici la régionalisation de la politique du marché de l’emploi. Cette exigence est la priorité absolue des organisations patronales flamandes Voka, Unizo et VKW. Celles-ci veulent la réduction dans le temps des allocations de chômage, l’augmentation de l’âge de la (pré)retraite, la généralisation des heures supplémentaires, plus de flexibilité et la généralisation du travail intérimaire. Ces exigences ont été du reste souscites par l’UWE (Union Wallonne des Entreprises) et la BECI (Brussels Entreprises Commerce and Industry) dans leur “pacte de solidarité”. Qu’est-ce qu’on peut bien mettre dans un mot ? Quand surgit ce mot de “solidarité”, on doit toujours se demander : “solidarité avec qui ?”, “solidarité pour quoi ?” Il ne s'agit pas ici de solidarité avec les travailleurs. Voka l'appelle même un “pacte de solidarité historique entre employeurs”. À première vue, ce pacte au-dessus des clivages communautaires a semblé une percée dans l'impasse communautaire sur laquelle avait buté la formation de gouvernement. Quand il ne s’agit plus de BHV, des bourgmestres, des corridors etc., mais des lignes de force d’une politique néolibérale, il ne semble plus y avoir d’obstacles insurmontables pour un accord. Les employeurs flamands, wallons ou bruxellois pensent en effet de la même manière. Le volet socio-économique du programme de gouvernement Leterme I a été d’ailleurs assez vite acquis et correspond sur l’essentiel à ce pacte de solidarité des entreprises belges.

Le pacte a été salué avec enthousiasme par de nombreuses personalités et en particulier par le Premier ministre flamand Kris Peeters. « Dans le pacte de solidarité sont aussi mentionnés des éléments de réforme de l’état », dit-il. « Ce qui me paraît important, c’est la responsabilisation financière des régions pour la politique du marché de l’emploi menée par eux. C’est seulement si les régions sont récompensées pour les résultat de la politique qu’elles mènent qu’on pourra réaliser une percée dans le domaine socioéconomique ». En termes cachés, n’est-ce pas une autre solidarité qui est ici attaquée, celle entre les personnes indépendamment de la région où elles habitent en Belgique? Et c’est alors que viennent immanquablement sur le tapis les fameux “transferts” entre régions. La responsabilisation financière peut aussi signifier que chaque région devra s’occuper de ses oignons et assurer le financement de ses propres dépenses de sécurité sociale. Il y a en effet déjà longtemps que des voix s’élèvent pour diviser la sécurité sociale. Et la régionalisation de la politique du marché de l’emploi n'est-elle pas un premier pas dans cette direction ? Selon Bea Cantillon et Veerle De Maesschalck du ‘Centrum voor Sociaal Beleid’ (université Anvers) cela ferait augmenter sensiblement l’inégalité entre les personnes en Belgique. « En Wallonie le revenu familial moyen disponible diminuerait de 4%, tandis qu’il augmenterait en Flandre de 7%. Ce changement dans le revenu familial conduirait la Wallonie à une hausse du pourcentage de pauvreté de 13% à 18%. Et l'inégalité de revenu augmenterait, non seulement en Wallonie mais aussi en Flandre »

Dans toute l’histoire du mouvement ouvrier belge, la solidarité a été aussi bien un point de départ qu’un objectif. Un point de départ parce que sans solidarité les conditions de vie et de travail de la population active et de leurs familles n’auraient jamais atteint le niveau de prospérité actuel. Mais également un objectif, parce que ce que nous avons atteint pour nous-mêmes, nous le souhaitons aussi pour toutes les autres personnes de la terre. Dans le monde qui se globalise, le partage et la solidarité prennent en effet des dimensions planétaires. “La solidarité internationale” est une composante qui fait partie depuis longtemps de l’héritage du mouvement ouvrier. Dans cette tradition, il est impensable qu’une partie de la population défende une structure politique grâce à laquelle certains bénéficient d’une meilleure situation sur le dos des autres. Dans la bible aussi, on fait appel à l’histoire du peuple pour regarder l’avenir et pour donner des directives pour le présent. Ainsi en Exode 23,9 : “Tu n’opprimeras pas l’émigré. Vous savez en effet ce qu’il en est d’être étranger, vous-mêmes avez été étrangers en Égypte (Ex. 23,9)”. Pour notre temps et pour notre pays, nous pourrions paraphraser ainsi : « Tu ne peux pas améliorer ta situation en dégradant la situation d'autrui. Vous savez en effet ce qu’on ressent quand d’autres améliorent leur situation au détriment de la vôtre » ou exprimé positivement : « tu ne peux pas améliorer la situation seulement pour toi-même, sois solidaire avec les autres, parce que vous savez ce que vous avez pu atteindre ensemble par la lutte solidaire ».

L'exigence d’une plus grande autonomie sur les plans social et fiscal est, dit-on, nécessaire pour permettre une “meilleure gouvernance”, une administration mieux adaptée aux réalités de chaque région. Mais cette justification cache une autre motivation : le patronat flamand veut aller plus vite et pour cette raison se défaire de ce qu’il considère comme des facteurs de frein. Un mouvement ouvrier uni par-dessus les frontières des régions, offre en effet un front plus fort contre les mesures asociales que le patronat veut prendre pour baisser les coûts du travail et augmenter les bénéfices. Ainsi les régions de Belgique tombent mutuellement dans la spirale de la concurrence fiscale et sociale dont les travailleurs salariés, les chômeurs et les ayant-droit à une indemnisation seront les victimes.

Cette logique patronale n’est pas nouvelle. Elle appartient à la logique capitaliste de la concurrence internationale entre les états. Dans notre contexte de mondialisation économique (en crise), chaque état essaie de créer les conditions les plus favorables possibles pour le capital. Cette logique qui à l’échelle mondiale crée d’un côté la pauvreté et de l’autre la richesse, est maintenant prolongée jusque dans notre propre pays. Malgré les belles promesses de maintenir la solidarité interpersonnelle sur le plan belge, l’ancrage structurel en est démantelé. Les libéraux considéreront cela comme un progrès, les chrétiens comme une perte. La sécurité sociale et la solidarité interrégionale sont en effet un fragment réalisé de socialisme, une étape sur la route vers le Royaume de Dieu.

En tant que chrétiens flamands, wallons ou bruxellois, nous pouvons pour cette raison approuver sans réserve la pétition “Sauvons la Solidarité”. Nous ne voulons pas qu’on érige de nouveaux murs entre des gens, entre des régions et entre des pays. Nous ne voulons pas que le principe de solidarité soit remplacé par ceux de concurrence et d'égoïsme.

Nous voulons pour chacun un salaire convenable pour le même travail, indépendamment de la langue que nous parlons. Nous voulons que tous nos concitoyens aient le même droit à des conditions de travail et de vie saines et sécurisées; indépendamment du lieu où nous travaillons. Nous voulons que tout qui perd son boulot, puisse avoir droit au même soutien et à la même aide indépendamment de la région où il habite. Nous voulons que chaque enfant ait les mêmes chances, indépendamment de la région où il est né. Nous voulons des soins de santé égaux et une pension décente pour toutes les personnes âgées, qu’elles vivent à Bruxelles, en Flandre ou en Wallonie. Bref, nous voulons la solidarité. Nous voulons pour les Wallons, les Flamands, les Bruxellois et tous les habitants du monde une vie humaine digne. C’est ainsi que nous avançons sur le chemin du Royaume de Dieu.

Le 25 mai 2009


Collectif (Pavés)

Notes :
Signataires :
Ignace Berten, théologien dominicain
Jean-Claude Brau, aumônier du MOC
Édouard Brion, du Mouvement Chrétien pour la Paix
Ward Ceyssens, Pastor KWB
Pierre Collet, secrétaire du réseau PAVÉS
René Dardenne, de SONALUX
Paul De Witte, voorzitter Basisbeweging
François Houtart, du CETRI
Jaak Kerkhofs, coördinator Vlaamse Priester Arbeiders
Jozef Mampuys, Christenen voor het Socialisme
Pierre Mayence, prêtre
Jan Soetewey, Christenen voor het Socialisme
Pros Vandebroek, directeur d'enseignement secondaire
Elke Vandeperre, coördinator v.z.w. Motief
Gisèle Vandercammen, de la coordination des Communautés de Base
Jean-Paul Vermassen, algemeen pastor ACW
Remi Verwimp, coördinator Werkplaats voor Theologie en Maatschappij (WTM)
La version brève de ce manifeste se trouve sur www.abelweb.be  et sur www.paves-reseau.be




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